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22 août 2021 7 22 /08 /août /2021 08:57
Le parti pris des choses. Francis Ponge. NRF. 1942.  Le Carnet du Bois de Pins. Francis Ponge. Mermod.1947. © Jean-Louis Crimon
Le parti pris des choses. Francis Ponge. NRF. 1942.  Le Carnet du Bois de Pins. Francis Ponge. Mermod.1947. © Jean-Louis Crimon

Le parti pris des choses. Francis Ponge. NRF. 1942. Le Carnet du Bois de Pins. Francis Ponge. Mermod.1947. © Jean-Louis Crimon

Longtemps, je n'ai rien compris au travail de Francis Ponge. L'huître ou Le cageot, ça me laissait de marbre et Le parti pris des choses, paru en 1942, complétement sur ma faim. Je campais sur mes certitudes. L'étude objective d'un objet ne pourra jamais s'appeler poème. Ce travail n'a rien à voir avec le travail du poète. Rien à voir avec le métier de poète. Aborder L'huître sous la forme d'un galet est un choix beaucoup trop déconcertant pour ma sensibilité.

 

Feuilletant à nouveau ce matin très tôt "Le parti pris..." je décidais moi aussi d'en prendre mon parti. Ouvrant le livre de Ponge au hasard, mon regard se fixa sur les deux lignes d'un bas de page :

 

"Minuscule voilier des airs maltraité par le vent en pétale superfétatoire, il vagabonde au jardin."

 

Relevant les yeux vers le début du texte, je découvris le titre. C'était écrit "Le papillon". J'eus alors comme une révélation. Sans être désormais un excellent Pongiste, je comprends qu'il y a mille et une façon d'être poète. 

 

© Jean-Louis Crimon

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21 août 2021 6 21 /08 /août /2021 08:57
Le Manteau et autres nouvelles. Nicolas Gogol. 1843. Le Manteau et autres nouvelles. Traduction nouvelle de Tatiana Rouvenne. Ch. Grasset Editeur. Genève. 1948.  © Jean-Louis Crimon
Le Manteau et autres nouvelles. Nicolas Gogol. 1843. Le Manteau et autres nouvelles. Traduction nouvelle de Tatiana Rouvenne. Ch. Grasset Editeur. Genève. 1948.  © Jean-Louis Crimon

Le Manteau et autres nouvelles. Nicolas Gogol. 1843. Le Manteau et autres nouvelles. Traduction nouvelle de Tatiana Rouvenne. Ch. Grasset Editeur. Genève. 1948. © Jean-Louis Crimon

" Nous sommes tous nés du Manteau de Gogol." Je ne sais plus qui un jour m'a fait cadeau de cette phrase, après la lecture de mes nouvelles. Mes premiers écrits ne méritaient pas un tel hommage. Le Manteau, en russe Шинель, nouvelle fantastique publiée pour la première fois par Nicols Gogol, dans un recueil intitulé "Les Nouvelles de Pétersbourg", en 1843. Le Manteau dont on a dit qu'une traduction plus exacte serait plutôt La Capote, pardessus d'hiver porté par les fonctionnaires et les soldats russes. Dans ce recueil, Nicolas Gogol donne aussi à lire Le Nez, Le Portrait, et Les gentilshommes de l'ancien temps.

Le personnage principal du Manteau est un petit homme avec un début de calvitie, fonctionnaire pétersbourgeois, Akaki Akakiévitch Bachmatchkine. Son travail consiste à rédiger des copies d'actes, tâche qu'il met un point d'honneur à accomplir avec un soin extrême, malgré les moqueries et les humiliations. Un jour, il prend conscience que son manteau, vraiment trop usé, doit être remplacé. Il doit s'acheter un manteau neuf. Dans ce qui devient l'unique but de sa pauvre existence, il décide d'économiser, kopeck après kopeck, pour pouvoir acquérir, un jour, le manteau neuf. Bonheur intraduisible le jour où il l'endosse pour la première fois. Ses collègues organisent une fête pour célébrer l'événement. "Cette journée fut pour Akaki Akakiévitch pareille à une fête des plus solennelles. Il rentra à la maison complétement heureux, enleva son manteau et le pendit au mur avec précaution, ne pouvant se lasser d'en admirer le drap et la doublure. 

Après son repas, Akaki s'étend sur son lit, attend que la nuit tombe, puis décide soudain de s'habiller, de mettre son manteau neuf, et d'aller marcher en ville. " Akaki Akakiévitch regardait tout cela comme pour la première fois; il n'était plus sorti le soir depuis des années." Bien mal lui en prit, Akaki est victime d'une agression et on lui vole son manteau.  

Pour la première fois de sa vie sans doute, Akaki Akakiévitch sent monter en lui un profond sentiment de révolte. Il décide de tout faire pour récupérer son bien. Entreprise qui va tourner au drame : Dans Pétersbourg, Akaki meurt de froid. 

C'est le début d'événements inexpliqués. Un spectre effraie les passants dans différents quartiers de la ville, fantôme qui prend un malin plaisir à voler leurs manteaux.

 

© Jean-Louis Crimon

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20 août 2021 5 20 /08 /août /2021 08:57
Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Philippe Caloni. Belfond. 1987. Le couvre-feu. Belfond. 1987.
Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Philippe Caloni. Belfond. 1987. Le couvre-feu. Belfond. 1987.

Longtemps, je me suis levé de bonne heure. Philippe Caloni. Belfond. 1987. Le couvre-feu. Belfond. 1987.

"Longtemps, je me suis levé de bonne heure." Je sais, la phrase la plus célèbre de toute la littérature française, la première phrase de La Recherche, la première phrase de Du côté de chez Swann, ce n'est pas "Longtemps, je me suis levé de bonne heure", mais " Longtemps, je me suis couché de bonne heure". Même si, paradoxe, au moment même où il commence son récit, le narrateur a plutôt pris l'habitude de s'endormir beaucoup plus tard. Dès le premier volume de la Recherche, publié en 1913, Marcel Proust nous offre le récit de son enfance à Combray. Swann, Charles Swann, pour encrage. Swann, encrage et ancrage. Charles Swann à qui Proust reconnaît devoir beaucoup : "La matière de mon expérience, laquelle serait la matière de mon livre, me venait de Swann". La suite du récit nous fera découvrir un autre personnage tout aussi important pour Proust, Odette de Crécy. Pour les premières lignes sur une fameuse première phrase, j'arrête ici.

 

Si "Longtemps, je me suis levé de bonne heure" n'est pas de Proust, c'est parce que c'est de Caloni. Philippe Caloni. L'homme de la voix chaleureuse et fraternelle d'Inter-Matin, au début des années 80. La première d'Inter-Matin a eu lieu le 6 décembre 1982. La dernière, le vendredi 2 janvier 1987. Quatre années bien pleines d'une teneur et d'un ton, fait de profondeur et de légéreté, qui sont ce que France-Inter a su faire de mieux.

Je cosigne volontiers ces quelques lignes de la quatrième de couverture du livre paru chez Belfond, en novembre 1987 :

"Tour à tour colérique ou inquiète, paillarde ou tendre, truculente ou grave, émouvante ou incrédule, désinvolte ou nostalgique, cette mosaïque de choses vues, vécues et entendues constitue l'itinéraire intellectuel et affectif d'un virtuose de l'information." Belle définition de ce que fut le style radiophonique Caloni.

Caloni qui de l'incipit de la Recherche osa faire un titre, un titre détourné, son titre. Titre insolite ou insolent. Titre pertinent impertinent. Titre contre-pied. Titre contrepoint. Titre de gloire de tous ceux qui, un jour, — allez savoir pourquoi —, sont devenus les voix du matin et qu'à la radio, on désigne sous le nom de "matinaliers".  Ces travailleurs de la nuit qui oeuvrent  pendant que les autres dorment pour donner, chaque matin, les nouvelles du matin. Alors, sans pour autant dédaigner l'auteur de la Recherche, aujourd'hui, je veux vous inviter à redécouvrir Caloni. Trop tôt disparu. Philippe Caloni n'était pas seulement une voix, c'était aussi une écriture. Pour preuve, "Le couvre-feu", roman écrit à la fin de son service militaire, effectué pendant "les évènements d'Algérie" qu'on n'osait pas encore, à l'époque, appeler "La guerre d'Algérie".

 

© Jean-Louis Crimon

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19 août 2021 4 19 /08 /août /2021 08:57
Impossible. Erri de Luca. Gallimard. 2020. © Jean-Louis Crimon  
Impossible. Erri de Luca. Gallimard. 2020. © Jean-Louis Crimon  

Impossible. Erri de Luca. Gallimard. 2020. © Jean-Louis Crimon  

Je suis un enfant du plat pays et je m'embarque sans frayeur dans les pas d'un montagnard aguerri. Je vous rassure, je ne m'embarque qu'en littérature. Moi qui n'ai déjà pas le vertige très beau en haut d'un simple escabeau, je me vois mal accompagner Erri de Luca dans sa quête de sommets difficiles. Dans un roman, c'est davantage à ma portée. Il ne m'en voudra pas. Je le vois déjà sourire de son sourire compréhensif et malicieux. Depuis Jules César, lui, l'Italien, il sait bien le Picard un peu couard. C'est notoire, nos ancêtres Ambianis, quand Iulius Caesar s'approcha de Samarobriva, "se rendirent sans combattre corps et biens". Jules César en personne l'a consigné dans sa "Guerre des Gaules". (Livre II, 4). Moralité, vingt siècles plus tard, foi de Picard, à l'impossible, nul n'est tenu.

 

" Impossible", justement, c'est le titre du roman signé Erri de Luca. Ce roman, c'est un curieux objet dialogué, imprimé avec des caractères de machine à écrire plus habituée à enregistrer les dépositions des suspects. La teneur de ce dialogue entre le juge d'instruction et cet homme placé en garde à vue, peut surprendre à première vue, mais il y a une bonne raison : le magistrat est convaincu que les deux hommes ont bien dû se croiser dans la montagne, l'un montant, l'autre descendant. Ou bien l'un doublant l'autre, progressant plus lentement. Se sont même sans doute parlés. Puisque se sont connus dans une autre vie. Traduisez il y a un paquet d'années. Problème : un des deux montagnards a été retrouvé mort après une chute. Chute accidentelle ou conséquence d'un geste criminel. La question se pose et la question sera posée. Car, forcément, c'est bien l'homme vivant qui a croisé dans la montagne l'homme retrouvé mort. Une mort dont le juge d'instruction croit qu'elle n'est pas accidentelle. Que le suspect devant lui est donc un meurtrier. Le meurtrier. Voire un assassin. Puisque la préméditation n'est pas impossible.

 

Que faisait-il dans la montagne juste derrière celui qui a trouvé la mort ? Avait-il revu la victime, qu'il connaissait très bien, puisqu'ils ont appartenu tous deux dans leur jeunesse au même groupe révolutionnaire ? A-t-il poussé dans le gouffre ce faux frère, ce traître, qui livra autrefois tous ses camarades à la police en échange de la liberté ? La présence des deux hommes ce jour-là, au même moment, au même endroit, est-elle vraiment le fruit du hasard, une simple  coïncidence ? C'est "impossible". Le juge en est convaincu. Impossible, il n'y avait pas d'autre titre possible pour ce roman.

 

La forme choisie du procès-verbal avec sa mise en page sténodactylographiée serait d'une monotonie mortelle s'il n'y avait, pour ponctuer, ou respirer l'interrogatoire, ces lettres écrites par le suspect, lettres adressées à la femme aimée appelée "ammoremio", "mon amour", lettres à la typographie retrouvée d'un vrai roman. Simplement en italiques. L'italique, c'est bien pour les lettres de l'Italien.

 

En exergue, une citation de Gimpel le naïf, (Isaac Bashevis Singer) résonne à postériori comme une mise en abyme sublime :

"Souvent, en écoutant tel ou tel récit, je pensais "c'est impossible, cela n'a pas pu se passer", et puis un an ou deux après, c'était devenu vrai."

 

© Jean-Louis Crimon

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18 août 2021 3 18 /08 /août /2021 08:57
Le Grand Meaulnes. Alain Fournier. Emile-Paul Frères. 1913. Lettre du 6 sept. 1908. © Jean-Louis Crimon
Le Grand Meaulnes. Alain Fournier. Emile-Paul Frères. 1913. Lettre du 6 sept. 1908. © Jean-Louis Crimon

Le Grand Meaulnes. Alain Fournier. Emile-Paul Frères. 1913. Lettre du 6 sept. 1908. © Jean-Louis Crimon

"Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189... Je continue à dire "chez nous", bien que la maison ne nous appartienne plus. Nous avons quitté le pays depuis bientôt quinze ans et nous n'y reviendrons certainement jamais. Nous habitions les bâtiments du Cours Supérieur de Sainte-Agathe. Mon père que j'appelais M. Seurel, comme les autres élèves, y dirigeait à la fois le Cours Supérieur, où l'on préparait le brevet d'instituteur, et le Cours Moyen. Ma mère faisait la petite classe."

 

A tout jamais imprimées dans ma mémoire les premières lignes du roman d'Alain-Fournier. Le Grand Meaulnes est vraiment le roman qui m'a donné envie de lire. Envie de lire et envie d'écrire.

De découvrir qu'Alain-Fournier avait porté en lui pendant huit ans, huit longues années, ce projet de roman, avant de pouvoir vraiment l'écrire, m'a conforté dans l'idée d'écrire un jour. Entre ses vrais souvenirs d'enfance et ses premières tentatives, ses premiers écrits, journalistiques ou poétiques, et le roman achevé, je mesurais toute l'importance du travail d'écriture. Toute la patience et la persévérence. J'y voyais comme une correspondance et j'y puisais une tranquille assurance.

 

François Seurel, Augustin Meaulnes, Yvonne de Galais, le domaine mystérieux, la fête étrange, Frantz de Galais... Fabuleux compagnons de voyage ou de rêveries... De la mélancolie du Grand Meaulnes jamais on ne guérit.

 

 

© Jean-Louis Crimon 

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17 août 2021 2 17 /08 /août /2021 11:57
"Verlaine d'ardoise et de pluie". Gallimard. 1996. "L'autre Verlaine". Gallimard. 2008. "L'autre Verlaine", Folio  2009. "Verlaine". Les auteurs de ma vie. Buchet Chastel. 2021. © Jean-Louis Crimon

"Verlaine d'ardoise et de pluie". Gallimard. 1996. "L'autre Verlaine". Gallimard. 2008. "L'autre Verlaine", Folio 2009. "Verlaine". Les auteurs de ma vie. Buchet Chastel. 2021. © Jean-Louis Crimon

D'abord, il y a ce "Verlaine d'ardoise et de pluie", texte qui donne tant de bonheur à la lecture qu'on aimerait en avoir été l'auteur. Guy Goffette écrit simple et beau. D'une beauté rare. Ensuite, c'est "L'autre Verlaine", biographie en forme de petits récits, avec cette phrase d'attaque semblable à l'arrivée du Grand Meaulnes : "J'avais onze ans quand un garçon du nom de Verlaine fut introduit dans notre classe." Enfin, c'est tout simplement "Verlaine", dans la collection "Les auteurs de ma vie", chez Buchet Chastel. Une collection qui "invite des auteurs contemporains à partager leur admiration pour un classique, dont la lecture a particulièrement compté pour eux."

Parenté des Ardennes, fraternité des lieux et des sons, Goffette s'y connait dans la Bonne Chanson. Mettre ses pas dans les pas de ces deux-là est un vrai Bonheur.

 

Pour preuve, page 13, cet avant-dire en forme d'aveu :

"Ce qu'il aura fallu de temps pour que je me convertisse à Verlaine, combien d'errances, d'errements, de ciels perdus, de pluies, de larmes avant que le vieil Ardennais d'exil me rende à ma terre d'enfance avec le fil du coeur et le sens de ma route, je n'en reviens toujours pas."

 

 

© Jean-Louis Crimon

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16 août 2021 1 16 /08 /août /2021 15:57
"Rêve et Folie et autres poèmes", George Trakl. GLM. 1956. "Poèmes". Traduits et présentés par Eugène Guillevic. Obsidiane. 1986. "Situation de Georg Trakl". Jean-Michel Palmier. Paris, Editions Belfond, 1972. © Jean-Louis Crimon

"Rêve et Folie et autres poèmes", George Trakl. GLM. 1956. "Poèmes". Traduits et présentés par Eugène Guillevic. Obsidiane. 1986. "Situation de Georg Trakl". Jean-Michel Palmier. Paris, Editions Belfond, 1972. © Jean-Louis Crimon

"Trakl, au nom qui s'effrite et craque dans les ténèbres, Trakl, au nom qui claque dans le vent du soir... Un univers jailli des fondements de la parole... Trakl traqué par ses obsessions... Mort à 27 ans, vaincu par les ténèbres..." Bribes de mots saisis au vol dans la préface, datée de septembre 1954, de son traductuer, Henri Stierlin. Petit ouvrage publié en 1956 par GLM. 

"Qui pouvait-il bien être ?", c'est la question de Rainer Maria Rilke à Ludwig von Ficker, éditeur de Georg Trakl, peu de temps après sa mort, dans un hôpital psychiatrique de Pologne. En novembre 1914.

Dès 1904, Trakl fait partie d'un cercle de poètes appelé Apollo puis Minerva. De cette époque date le poème "Der Heilige", (Le Saint). Mais c'est d'abord au théâtre que Georg Trakl entend se confronter. Deux de ses créations, "Totentag" et "Fata Morgana", sont jouées au théâtre municipal de Salzbourg. Echec et Trakl détruit les textes de ces deux pièces. Etudes de pharmacie et premier poème publié en 1908.

C'est son séjour à Vienne, de 1908 à 1910, qui sera déterminant. A Vienne commence pour Trakl une période très féconde. En 1909, il est l'auteur d'un premier recueil de poèmes intitulé "Recueil 1909", mais ce "Recueil 1909" ne verra le jour qu'en 1939. Publication posthume.

En 1912, Trakl exerce comme pharmacien militaire. Il fait la connaissance de Ludwig von Ficker, propriétaire de la revue "Der Brenner". Rencontre décisive pour Georg Trakl puisque c'est dans cette revue qu'il publiera ses poèmes. "Psalm", (Psaume), est le premier poème publié dans "Der Brenner". 

 

"Il y a une lumière que la brise a éteinte.

Il y a une auberge de campagne qu'un buveur ivre quitte l'après-midi.

Il y a une vigne brûlée et noire avec des trous pleins d'araignées.

Il y a une chambre qu'on a blanchi au lait.

Le fou est mort."

(Psaume, extrait.)

 

Georg Trakl fera ensuite la connaissance de Karl Kraus de la revue "Die Fackel" et en 1913, il publiera son recueil "Poèmes". 

 

Lorsque la guerre éclate, Georg Trakl est mobilisé dans les services sanitaires. Dans " Situation de Georg Trakl", - (Belfond, 1972) - Jean-Michel Palmier resitue dès le début - (page 11 ) - le tragique de ce que fut la vie du poète autrichien. "Né le 3 février 1887 à Salzbourg, Trakl appartient à cette génération qui devait tomber dans les plaines d'Euripe Centrale : presque tous les poètes contemporains de Trakl y sont morts. Sans doute Trakl a-t-il échappé au massacre qui décima cette génération dite expressionniste, et dont les poèmes, au rythme semblable à des sanglots ou à des des cris, sont l'utime cri de révolte et de haine contre un monde qui les a tous fait mourir. Mais la guerre de 1914 l'a moralement tué." Pour preuve, Jean-Michel Palmier décrit ce à quoi le pharmacien militaire Trakl a dû faire face : "Après la bataille de Grodek, Trakl dut soigner près de quatre-vingt dix soldats, mortellement blessés, sans aucune aide, dans une ferme abandonnée. L'un des blessés se tuera sous ses yeux, pour échapper à ses souffrances, et Trakl verra le sang et les débris de ce qui fut un homme, avant d'être un soldat, recouvrir les murs. Dehors, on apercevait d'autres cadavres, ceux des soldats pendus pour désertion, sur ordre des officiers hongrois. Ne pouvant supporter ces visions, Trakel tenta de se tuer. Pour lui éviter le conseil de guerre, il fut désarmé et placé en observation dans un hôpital psychiatrique polonais, où il mourut d'un excès de cocaïne." Overdose de toxicomane ou surdosage médical. 

 

Tentative de suicide et transfert à l'hôpital militaire de Cracovie. Fin octobre 1914, il reçoit, dans sa cellule de la section psychiatrique, la visite de Ludwig von Ficker à qui il lit ses derniers poèmes. Trakl meurt le 3 novembre 1914, à l'âge de 27 ans. Suicide, diront les autorités médicales de l'hôpital militaire. Même si l'hypothèse d'une erreur médicale n'a jamais été exclue. 

 

© Jean-Louis Crimon
 

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15 août 2021 7 15 /08 /août /2021 08:57
Les mots. Jean-Paul Sartre. Mars 1964. © Jean-Louis Crimon

Les mots. Jean-Paul Sartre. Mars 1964. © Jean-Louis Crimon

Prendre du plaisir à relire "Les Mots" de Sartre, le dire et l'écrire. Crime de lèse-philosophe ou reconnaissance du talent de celui qui, loin des concepts ou des notions abstraites, sait aussi, avec des mots de tous les jours, dire le parcours d'un enfant vers son chemin d'homme. Deux parties : "Lire" et "Ecrire". Deux parties pour un unique projet. Être un jour celui qui n'est pas encore mais qui a d'ores et déjà la conscience aigüe que c'est son unique destin. 

 

© Jean-Louis Crimon

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14 août 2021 6 14 /08 /août /2021 09:59
Le bord intime des rivières. Richard Bohringer. Denoël. Janvier 1994. © Jean-Louis Crimon
Le bord intime des rivières. Richard Bohringer. Denoël. Janvier 1994. © Jean-Louis Crimon

Le bord intime des rivières. Richard Bohringer. Denoël. Janvier 1994. © Jean-Louis Crimon

"Je suis pas un gars de la syntaxe. Je suis de la syncope. Du bouleversement ultime. Je me fous du verbe et de son complément. Faut pas faire le malin avec les mots. Faut les aimer. Ça file du bonheur les mots."

 

Depuis "C'est beau une ville la nuit", Bohringer, c'est le compagnon des jours de doute, le pote des jours de déprime, le camarade des jours sans. Il écrit comme on parle ou comme on devrait parler. Chez lui, c'est plein cadre, plein coeur à chaque fois. L'acteur, le chanteur, le parleur, tout rime avec coeur. L'écrivain n'est pas en reste. Lui pour qui il n'y a pas d'écrit vain. 

 

© Jean-Louis Crimon

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13 août 2021 5 13 /08 /août /2021 08:57
"Fauvette, si tu viens à passer par là...". Dominique Bleton. Plein Chant. 1984. © Jean-Louis Crimon
"Fauvette, si tu viens à passer par là...". Dominique Bleton. Plein Chant. 1984. © Jean-Louis Crimon

"Fauvette, si tu viens à passer par là...". Dominique Bleton. Plein Chant. 1984. © Jean-Louis Crimon

"J'aime les mots depuis que je les connais. A l'époque où les enfants de mon âge collectionnaient les buvards de réclame — il y en avait de toute sorte, vantant les mérites de marques de cirage ou de chocolat  — moi, je collectionnais les mots." 

 

Conquis d'emblée par les premières lignes de ce petit livre acheté à la Librairie Evrard, il y a bientôt quarante ans. Une enfance commune et un rapport aux mots très proche, sinon identique. En prime, ce bandeau rouge : "Dernières nouvelles de Saint-Leu" pour qualifier une écriture née et enracinée au coeur de la vieille ville. Des textes courts comme des nouvelles. Nouvelles de l'actualité autant que nouvelles de la littérature. Les personnages de la vraie vie sont déjà des personnages de roman. Le regard de celle qui écrit, sa manière de transcrire, sa façon d'écrire, embarque le lecteur ou la lectrice. Le stop de Madame Dufournoy, Papa Bourdet de la rue des Clairons, ou La Libération, autant d'histoires personnelles et universelles. A chaque fois, Dominique Bleton trouve le ton. Donne une irrésistible envie de lire, de la lire. Pire : d'écrire à votre tour.

 

"Chaque soir, Fernand soufflait sa bougie et se couchait dans son cercueil... une commande qui lui était restée sur les bras..."

 

L'histoire de Fernand me rappelle Camus. Le Camus de "L'Envers et l'Endroit", Camus qui écrit dans le dernier récit :

"C'était une femme originale et solitaire. Elle entretenait un commerce étroit avec les esprits, épousait leurs querelles et refusait de voir certaines personnes de sa famille mal considérées dans le monde où elle se réfugiait. Un petit héritage lui échut qui venait de sa soeur. Ces cinq mille francs, arrivés à la fin d'une vie, se révélèrent assez encombrants. Il fallait les placer. Si presque tous les hommes sont capables de se servir d'une grosse fortune, la difficulté commence quand la somme est petite. Cette femme resta fidèle à elle-même. Près de la mort, elle voulut abriter ses vieux os. Une véritable occasion s'offrait à elle. Au cimetère de sa ville, une concession venait d'expirer et, sur ce terrain, les propriétaires avaient érigé un somptueux caveau, sobre de lignes, en marbre noir, un vrai trésor à tout dire, qu'on lui laissait pour la somme de quatre mille francs. Elle acheta ce caveau. C'était là une valeur sûre, à l'abri des fluctuations boursières et des évènements politiques. Elle fit aménager la fosse intérieure, la tint prête à recevoir son propre corps. Et, tout achevé, elle fit graver son nom en lettres d'or.

"Cette affaire la contenta si profondément qu'elle fut prise d'un véritable amour pour son tombeau. Elle venait voir au début les progrés des travaux. Elle finit par se rendre visite tous les dimanches aprés-midi. Ce fut son unique sortie et sa seule distraction. Vers deux heures de l'après-midi, elle faisait le long trajet qui l'amenait aux portes de la ville où se trouvait le cimetère. Elle entrait dans le petit caveau, refermait soigneusement la porte, et s'agenouillait sur le prie-Dieu. C'est ainsi que mise en présence d'elle-même, confrontant ce qu'elle était et ce qu'elle devait être, retrouvant l'anneau d'une chaîne toujours rompue, elle perça sans effort les desseins secrets de la Providence. Par un singulier symbole, elle comprit même un jour qu'elle était morte aux yeux du monde. A la Toussaint, arrivée plus tard que d'habitude, elle trouva le pas de la porte pieusement jonchée de violettes. Par une délicate attention, des inconnus compatissants devant cette tombe laissée sans fleurs, avaient partagé les leurs et honoré la mémoire de ce mort abandonné à lui-même."

...

" Après tout, je ne suis pas sûr d'avoir raison. Mais ce n'est pas l'important si je pense à cette femme dont on me racontait l'histoire. Elle allait mourir et sa fille l'habilla pour la tombe pendant qu'elle était vivante. Il paraît en effet que la chose est plus facile quand les membres ne sont pas raides. Mais c'est curieux tout de même comme nous vivons parmi des gens pressés."

 

© Jean-Louis Crimon

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