Amiens. Le Courrier Picard. 29 Déc. 1980. Page 3. © Jean-Louis Crimon
Macadam betteraves. Tranche de vie d'un morceau de sucre. Au journal, c'est fabuleux, la moindre petite idée se transforme rapidement en grand reportage. Embarqués de bon matin dans la cabine du routier betteravier, ce "Macadam betteraves" vécu de l'intérieur, ça a de l'allure et du contenu. La CiBi, ancêtre vocal du GPS, pimente les trajectoires des routiers betteraviers. Leurs dialogues sont vraiment hilarants.
– Petit pain au chocolat appelle Père Pétuel... Break, attention Talk-me pour Angélique, Talk-me pour Angélique...
Notre betteravier, Gilles de son prénom, trouve les conversations de ces cibistes des villes assez stériles. Trop hermétiques. Pas assez explicites.
– Ils ne se disent rien, nous, au moins, on se dit des trucs utiles, des renseignements sur la route, la circulation, ça permet de gagner du temps...
– Oscar, Oscar, Oscar...
– Attends-moi à l'entrée du patelin, à Tailly l'arbre à carottes !
Levés aux aurores, premier café dans le premier bistrot ouvert place de la gare. Direction Poulainville qui, contrairement à sa dénomination, n'a rien à voir avec un haras ou un centre équestre. Gérard, le photographe attitré aux sujets décalés, surtout aux sujets à horaires décalés, baille sans retenue en regardant par la vitre. Gilles se lisse la moustache. On s'enfonce dans cette nuit du matin. La nuit qui finit sa nuit. Dans la lumière des phares, les arbres surgissent et glissent derrière nous. Il est un peu plus de 7 heures. "On a commencé le 2 Octobre, ça me tarde de finir...", avoue Gilles qui se languit de sa femme et de sa fille. Bien sûr, il est descendu quelques fois à Besançon, mais là vraiment, il aimerait bien les retrouver pour plus longtemps que le temps d'un dimanche.
Nouvel appel C.B. : " Où t'es en ce moment ?", demande Oscar... – J'sais pas, répond Gilles, "On est sur la route..." Oscar, sympa, explique : "Tu prends direction Airaines. Quand t'arrives à Tailly-l'Arbre-à-mouches, tu verras sur ta gauche à la sortie du village, y'a un monument du Maréchal Leclerc... Un peu plus loin, y'a un château et une petite route sur la gauche. Tu prends et tu tournes toujours à gauche. Au fait, Perroquet est en panne. Il a éclaté à l'avant..."
Macadam Betteraves, c'est une randonnée solitaire et solidaire de presque trois mois. Les betteraviers ne sont pas des cowboys de la route, comme ça se dit parfois. Simplement des chauffeurs routiers d'un genre particulier. Des Betteraviers.
A ceux qui auraient oublié, le macadam est une technique de revêtement de la chaussée inventée par un Ecossais, vers 1820, un Ecossais qui répondait au nom de John Loudon Mac Adam.
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La fête de quartier, moment privilégié pour le quartier en fête, n'a pas toujours le succès escompté. Pas facile d'en rendre compte sans risquer de froisser les organisateurs. L'exercice est périlleux, mais une ou deux bonnes photos et quelques paroles bien senties sauvent la mise. L'accent mis sur l'importance de l'action des associations permet de donner l'exact reflet de la vraie vie du quartier où tout ne peut se réduire à un week-end de fête.
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Classique chez les Communistes de se faire "chambrer" à la moindre occasion. La moindre manifestation. Le moindre rassemblement.
– On les connaît vos reportages ! Ch'Courrier Pit'chard, on ne l' lit point ! On n'vo mi acater l'presse capitalisse !
Carrément à côté de la plaque. Le journal où je suis journaliste depuis un an, est, à l'époque, le seul Quotidien français, avec L'Yonne Républicaine, à avoir préservé son statut de Coopérative ouvrière de production. Un homme, une voix. Pas un simple slogan, un principe et une réalité sonnante et trébuchante dans une entreprise où chaque salarié possède en effet, en ce temps-là, un partie du capital.
Sous les sarcasmes et les moqueries, je mets un point d'honneur à rendre une copie irréprochable. Avec tout juste ce qu'il faut d'humour pour relativiser les certitudes. "Personne n'a la vérité, sauf nous... au Parti Communiste."
A Lourdes ou à La Courneuve, les certitudes m'ont toujours fait peur. Pour une bonne et simple raison. Que faire de ceux qui sont dans l'erreur ?
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