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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 08:57
Cannes. Place des Allées, près du Kiosque, après la pluie. 6 Octobre 2014. © Jean-Louis Crimon

Cannes. Place des Allées, près du Kiosque, après la pluie. 6 Octobre 2014. © Jean-Louis Crimon

 

Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit...

 

Te revient en mémoire, en cette journée de grosse pluie froide sur la ville, ce début de poème raturé en classe de troisième. "Lis tes ratures" était pour toi "Littérature". Ta Prof de Français se prénomme Claire, tu t'en souviens très bien. Elle a pris en affection le cancre que tu es. Sans le savoir, c'est elle qui t'a sauvé la vie. Ta vie d'élève, d'abord, ta vie en cours, et ta vie tout court. Ta vie entière. Comme tu aimerais la retrouver pour le lui dire. Lui dire merci. Où êtes vous donc passée, vous, Claire, la si bien prénommée, qui avez su mettre un peu de lumière dans cette année scolaire si sombre.

En cours, elle prenait un malin plaisir à t'obliger à dire, chaque semaine, devant tes camarades pas vraiment admiratifs, tes dernières trouvailles. D'ailleurs, elle disait tes "compositions". Compositions poétiques. La faute à Dudule, Dufresnoy, ton voisin de salle d'études des internes, qui t'avait piqué un jour - le traître - ton cahier de poèmes pour le glisser dans le cartable de la Prof. Composition Française était ta matière préférée, la seule avec Dessin Artistique où tu manifestais quelques qualités. Ou plutôt, - formule très classe du conseil de classe -, quelques dispositions.

 

Ton "Gouttagouttetombedutoit" avait plu, plu de plaire, non pas de pluie, à la petite Claire - elle n'était pas très grande. De l'estrade - c'était avant mai 68 - elle s'était exclamée, faussement solennelle, mais vraiment convaincue : "allitération en T ". Elle qui désespérait, depuis un bon mois, de nous faire trembler d'effroi devant le fameux "Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes" venait de trouver, dans ta dernière trouvaille, de quoi convaincre la classe entière des bienfaits du style et de l'allitération. Du son dans la chanson. Elle avait pris tous les élèves à témoin :

- Vous voyez l'importance du son dans le sens de ce début de poème très réussi : "Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit "... Ce "Touc/Touc/Touc" des gouttes d'eau qui tombent, une à une, ou une à deux, ou trois, et qui font ce bruit-là quand elles tombent du toit. On perçoit vraiment la musique de cette goutte d'eau qui tombe et le second vers : "Pleure mon triste coeur" est très annonciateur de cette mélancolie soudaine qui submerge le poète. On a envie d'entendre la suite, on a envie de savoir ce qui va arriver, ce qui va se passer... dans la vie de ce poète soudain si triste.

Tu ne savais plus où te mettre. Derrière qui te cacher. Tu avais honte. Vraiment honte. Honte de fierté. Honteux et fier à la fois. Fier, tu ne l'es plus. Pas de quoi l'être. Tu as perdu ton cahier de poèmes de ton année de troisième et tu n'arrives pas à retrouver la suite de ton début de poème.

 

Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit,

Pleure mon triste coeur...

 

 

© Jean-Louis Crimon

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