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3 août 2021 2 03 /08 /août /2021 09:34
L'Etranger. Albert Camus. 1942.

L'Etranger. Albert Camus. 1942.

 

Pendant des années, je me serais damné pour un envoi de Verlaine ou de Camus. Envoi: hommage manuscrit de l'auteur d'un livre. Envoi et dédicace. Dédicace: formule manuscrite sur un livre, une photographie, pour en faire hommage à quelqu'un. Une dédicace amicale. Séance de dédicace à la sortie d'un livre. C'est arrivé comme ça, presque par hasard, une fascination soudaine pour les mots écrits par l'auteur aimé. Admiré. Vénéré. Mots écrits de sa main. Pour un destinataire souvent aussi prestigieux que l'auteur de l'envoi. Envoi qui renvoie à une amitié, une relation, une correspondance entre deux êtres particuliers, à un moment donné de leur vie. Une fois, je m'en souviens très bien, j'ai eu entre les mains, un livre d'Albert Camus avec une dédicace inattendue. Jamais répertoriée dans les envois de Camus. Cet "envoi" disait: "A Georges, mon ami". Georges, c'est le prénom de mon père. Mon père est mort il y a vingt ans, mais je parle toujours de lui au présent. Dans ma tête, aussi improbable que cela puisse paraître, c'était incontestable, le "Georges" de l'envoi de Camus, c'était mon père. Mon père, ami de Camus. Camus qui avait tenu à exprimer, dans cette simple et belle dédicace, toute l'amitié qu'il avait pour mon père. Les mots de Camus écrits par la main de Camus. Les mots de Camus pour Crimon, mon père. Crimon, Georges de son prénom. C'était simple. Limpide. C'était vrai. Tout simplement. 

La main de Camus avait pris la peine de tracer sur la page 3 du livre, les lettres du prénom de mon père. Clin d'oeil littéraire fabuleux. J'en étais à la fois fier et heureux. Main et mots de Camus à l'oeuvre pour un incroyable paraphe. Calligraphie et littérature réunies. Dès lors, impératif absolu: posséder ce livre-là. L'acheter. Quel qu'en soit le prix. Problème : je n'ai pas l'argent. Il faut renoncer. Trouver des raisons raisonnables au renoncement. En même temps, acquérir, posséder, attitude absurde. Insoutenable. Forme de fétichisme littéraire détestable. Aujourd'hui, la chose m'est passée. Les envois me laissent sinon indifférent, du moins relativement distant. J'ai pris du recul. La passion s'est émoussée, estompée. Elle s'est muée en simple curiosité. Curiosité toute intellectuelle. Au-delà de la possession physique. Au delà de la possession physique de la chose écrite. Ecrite de la main de l'auteur. Au-delà de la possession physique de la chose manuscrite.

 

Le livre de Camus avec ce bel envoi, "A Georges, mon ami ", simplement signé Albert, bien sûr j'en ai fait, le jour-même, l'acquisition. Absurde ? Fou ? Non. Aujourd'hui encore, ça me plait de croire que le Georges de l'envoi, c'est Georges Crimon, mon père. Georges Crimon, jardinier. Albert Camus le considérait comme son ami et en trois mots, le lui avait dit. Le lui avait écrit. Mon attachement aux envois a, vous le comprenez, des raisons que la raison ne peut pas comprendre.

J'ai oublié de vous préciser que Georges, c'est aussi le prénom du fils de Verlaine. Pendant des années, je vous le disais, je me serais damné pour un envoi de Verlaine ou de Camus.

 

 

© Jean-Louis Crimon

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2 août 2021 1 02 /08 /août /2021 17:37
Stig Dagerman. Vårt behov av tröst. 1952. Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Actes Sud.

Stig Dagerman. Vårt behov av tröst. 1952. Notre besoin de consolation est impossible à rassasier. Actes Sud.

 

Au départ, tu le sais bien, il y a ce Dagerman que tu n'as pas connu mais que tu reconnais comme un frère. Frère de mots et frère d'écriture. Frère humain, trop humain.

" Mon plus grand plaisir est de sentir que tout ce que je valais résidait dans ce que je crois avoir perdu : la capacité à créer de la beauté à partir de mon désespoir... "

Dagerman, nom propre formé de deux noms communs. Deux mots suédois. "Dager", de "Dag", qui signifie "jour" et "man", qui veut dire "homme". Deux noms communs pour donner naissance à un homme hors du commun. Dagerman, textuellement sans doute, "journalier". Journalier, non pas dans le sens moderne de "quotidien", mais plutôt "journalier", homme qui vend, de ferme en ferme, au jour le jour, sa force de travail. Journalier à une époque où chemineau désigne celui qui s'en va par les chemins. Journalier devenu journaliste. Dagerman peut signifier aussi "homme de jour", sinon "homme du jour", et pourquoi pas, poétiquement, en tout cas pour moi, "homme-jour" ?

Homme-jour tourmenté par les papillons de nuit, ces idées sombres et noires qui tournent autour de vous, comme ces coléoptères nocturnes que la lumière attire. Homme-jour, homme-lumière, Dagerman a l'écriture lumineuse. Il faut tout lire de lui, L'Enfant brûlé, Le Serpent, L'Ile des condamnés, Dieu rend visite à Newton, Ennuis de noce, Les Wagons rouges, Le Froid de la Saint-Jean, Notre plage nocturne. Il faut lire surtout, traduit du suédois par Philippe Bouquet et publié chez Actes Sud, "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier". Texte court, écrit par Dagerman en 1952, à peine dix pages, texte dense empli de fulgurances, texte essentiel autant que le pourrait être une version scandinave d'Une saison en Enfer. A ceci près que pour Dagerman, c'est toute la vie qui est absurdité. L'Enfer n'y dure pas qu'une saison.

L'attaque, le premier paragraphe, de ce texte-testament, rédigé en moins de cent-cinquante mots, s'imprime, dans ma déprime, comme en écho au "Mythe de Sisyphe" de Camus, même si Camus concède, ou feint de concéder: "Il faut imaginer Sisyphe heureux". Camus-Dagerman, quelle belle rencontre cela aurait pu être ! Dagerman a -t-il lu Camus ? Camus a-t-il lu Dagerman ? Dagerman a-t-il entendu parler de Camus ? Se sont-ils un jour croisés, sans le savoir ou en le sachant ? Tu aimerais savoir.

En attendant, tu relis: "Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n'ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d'où je puisse attirer l'attention d'un dieu : on ne m'a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l'athée. Je n'ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m'inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n'était pas, lui-aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m'atteindrait moi-même car je suis bien certain d'une chose : le besoin de consolation que connaît l'être humain est impossible à rassasier."

Dagerman, l'homme-jour, qui écrit aussi, sept pages plus loin, ces mots qui sont, pour toi, la plus belle des professions de foi de celui qui ne croit pas: "Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels j'aurai le temps de donner le jour avant de mourir. Mais qui me demande de compter ? Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie."

Un jour, l'homme-jour a choisi la nuit. Stig Dagerman s'est donné la mort. Un jour de novembre 1954. De ce jour-là aussi, "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier."

 

 

 

© Jean-Louis Crimon

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1 août 2021 7 01 /08 /août /2021 09:00
Le livre à venir. Maurice Blanchot. Juin 1971. © Jean-Louis Crimon

Le livre à venir. Maurice Blanchot. Juin 1971. © Jean-Louis Crimon

C'est un livre de poche. Idées nrf. Volume double. N° 246. Acheté à Amiens, en novembre 1971, à la librairie Helluin, rue Léon Blum. Emporté dans mon sac à dos pour la Suède, en novembre 1973. Titre : Le livre à venir. Auteur : Maurice Blanchot. L'ouvrage est un recueil de petits essais publiés à partir de 1953 dans la NRF, sous le titre "Recherches". C'est Blanchot lui-même qui précise et qui souligne "petits essais". Petits essais, mais grandes questions. Grands auteurs aussi : Goethe, Malraux, Kafka, Valéry, Rilke, Nietzsche, Proust, et tant d'autres lus et relus avec les yeux, sinon le regard, de Blanchot. 

C'était il y a cinquante ans, mais je m'en souviens comme si c'était hier. La photo de couverture, — clin d'oeil manifeste au coup de dés de Mallarmé —, a été le déclencheur de mon achat. Le titre a conforté mon désir d'acquisition. "Le livre à venir". Pour l'étudiant en Philosophie que je suis, c'est un livre écrit pour moi. Absolue certitude au milieu de tous mes doutes : un jour, j'écrirai. Ce "livre à venir" est un signe du destin.

Relire aujourd'hui Blanchot et son "Livre à venir", un demi-siècle plus tard, peut sembler absurde ou dérisoire. Pourtant, page 9, l'ouverture sur le chant des Sirènes me fascine toujours autant. "Par leurs chants imparfaits qui n'étaient qu'un chant encore à venir, elles conduisaient le navigateur vers cet espace où chanter commencerait vraiment". Sans en avoir la claire conscience, avec mes 20 ans et un peu plus, je suis en quête, moi, de "cet espace où écrire commencerait vraiment".

Cinquante ans plus tard, après bien des tentatives, bien des détours, des enthousiasmes soudains et autant de renoncements, je n'ai pas encore trouvé. Je cherche toujours. Une poignée de doutes en moins. Une flopée de certitudes en trop. Une conviction profonde toujours : à tout jamais plus sensible à la musique verlainienne qu'au coup de dés Mallarméen.

Pour l'écriture, même en relisant, en parallèle à Blanchot, "Un coup de Dès jamais n'abolira le Hasard", je me sens toujours aussi... mal armé.

 

 

© Jean-Louis Crimon

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31 juillet 2021 6 31 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

La forme d'un oiseau dans l'eau

Je crois que c'est mon ombre

Boire mon ombre, c'est rigoleau

 

Bon, je sais, ça s'écrit rigolo

Mais c'est pour le jeu de mots

Rigole + eau = rigole eau

 

Quand il pleut, l'eau de la rigole

C'est sûr, elle aussi, elle rigole

Surtout quand ça dégringole...

 

L'eau est rigolote quand il flotte !

 

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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30 juillet 2021 5 30 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Merle noir. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Merle noir. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Je suis le Merle moqueur

J'aime jouer à cache-cache 

Même quand ma tête dépasse

 

Je suis le Merle malicieux

J'aime bien voler des cerises

Elles ont un goût délicieux

 

Je suis le Merle malin

Le gros chat noir du voisin

Ne me fait même pas peur.

 

Je suis le Merle moqueur.

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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29 juillet 2021 4 29 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Merle et Moineau. Juin 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Merle et Moineau. Juin 2021. © Jean-Louis Crimon

Parfois Merle et Moineau

Se côtoient gentiment

Côte à côte sur le banc

 

Sans être de la même espèce

On partage le même espace

Et plutôt bien ça se passe

 

Pour une mie ou une croûte de pain

Il arrive qu'on se chamaille

On pourrait tirer à courte-paille.

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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28 juillet 2021 3 28 /07 /juillet /2021 09:07
Amiens. Jardin. Accenteur mouchet. Déc. 2020. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Accenteur mouchet. Déc. 2020. © Jean-Louis Crimon

 

Tête couleur gris bleuté

Dos brun foncé rayé

Banal ou original

 

Apparente parenté

De loin avec le moineau

Mais ce n'est pas vrai

 

J'ai le bec vraiment plus fin

Suis solitaire et discret

Mon surnom : "traîne-buisson".

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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27 juillet 2021 2 27 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Mésange charbonnière. Mai 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Mésange charbonnière. Mai 2021. © Jean-Louis Crimon

 

Tête noire, joues blanches

Mésange charbonnière

Mésange familière

 

Arc-en-ciel des jours gris

Beau soleil sous la pluie

Ma plus fidèle amie

 

Gourmande qui raffole

Des graines de tournesol

Ne te manque que la parole.

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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26 juillet 2021 1 26 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Chaque jour de la semaine

A la même heure souvent

Soleil, pluie ou grand vent

Elle surveille son domaine

 

Le même côté du banc

Sa place assurément

La pie à l'oeil perçant

Un instant s'attarde

 

Surprenant face-à-face

Celle qu'on dit bavarde

Ne manque pas d'audace

Elle n'est pas trouillarde.

 

 

© Jean-Louis Crimon

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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25 juillet 2021 7 25 /07 /juillet /2021 08:57
Amiens. Jardin. Sansonnet juvénile. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Jardin. Sansonnet juvénile. Juillet 2021. © Jean-Louis Crimon

Non, même s'il en a l'air

Ce n'est pas un Mystère

Pas une boule de glace

 

Pas un oeuf à la coque

Même dans le coquetier

C'est une boule de graisse

 

Avec des graines cachées

Pour tous les affamés

Mésanges ou Sansonnets.

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

(Petits poèmes pour Mya et Enzo)

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