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3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 11:54
Amiens. 3 Sept. 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 3 Sept. 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher cimer,

C'est pourtant vrai, ça va de soi. Dire MERCI, savoir dire MERCI. Plus personne ne sait dire MERCI. Merci, en français ou en anglais. En australien. Thank you, thanks, grazzie mille, danke, danke schön, danke sehr, tack så mycket. L'époque ne sait plus dire MERCI. Ou alors un "merci" machinal, un "merci" automate, un "merci" automatique. Mais un vrai merci appuyé d'un regard, un beau regard qui dit merci aussi avec les yeux. Quelques vieux encore pratiquent peut-être ce merci-là d'un temps où l'on savait dire MERCI.

Parfois, tu entends, en verlan, cimer. Ben oui, quoi, faut sortir, les gars ! MERCI à l'envers, ça fait cimer.

Cimer ou Merci, à l'endroit ou à l'envers, toi, tu sais d'où tu viens. Tu n'as pas oublié. Tu viens d'une famille où l'on savait dire MERCI.

Merci, simplement merci. Ça n'a pas de prix.

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 13:51
Amiens. 2 Sept. 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 2 Sept. 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher passant rêveur,

 

Ce petit cheval dans le ciel d'Amiens te fait penser soudain à Chagall. Marc Chagall. De son vrai nom Moïshe Zakharovich Shagalov, né en juillet 1887 dans une petite ville de Biélorussie, Vitebsk.

 

Tu arrêterais bien quelqu'un dans la rue pour lui dire: Vous avez vu Ce petit cheval échappé d'un tableau de Chagall ! Mais tu sais bien que dans cette ville, les gens marchent droit devant ou tête basse. N'ont pas le temps de lever les yeux vers le ciel. Que ta remarque les laisserait sans voix, pantois, de bois.

Bien sûr, ton petit cheval de manège qui rêve d'aller broutter l'herbe bleue des nuages, ce n'est pas Le Cheval rouge, pas davantage Le petit cheval bleu. Mais il a l'avantage de te mettre un peu de rêve dans les yeux.

Tu penses à ce peintre merveilleux qui n'a jamais cessé de faire entrer dans ses tableaux les animaux de son enfance.

Oui, ce matin, devant ce manège fermé, et ce petit cheval qui piaffe immobile, tu te sens frère de Chagall qui avait dit dès le départ: "Je ne veux pas être pareil aux autres. Je veux voir un monde nouveau." 

Chagall, reviens ! Reviens... A cheval.

 

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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 13:53
Amiens. Cité scolaire. Année 1977-1978. Terminale C. © D.R.

Amiens. Cité scolaire. Année 1977-1978. Terminale C. © D.R.

Cher Maître... Auxiliaire ,​

 

En ce jour de rentrée, tu te revois, jeune prof de philo à Amiens. A la Cité. Cité scolaire. Si t'es scolaire... Année 1977-1978. Maître Auxiliaire, comme on dit en ce temps-là des Professeurs non titulaires. Maître Auxiliaire, jolie dénomination qui t'a valu, dés le début, ta plus belle impro, juste à la fin de ta première semaine...

Pour inciter tes élèves à préparer par des lectures la notion qui va être à l'étude la semaine suivante, tu leur dis, sobrement: "La prochaine fois, nous étudierons la notion de "liberté", puis, tu enchaînes, plus théâtral:

" et surtout, n'oubliez jamais, entre ÊTRE et AVOIR, ne vous trompez pas d'auxiliaire et vous pouvez me croire, moi qui suis... Maître... Auxiliaire ! "

Grand succès, éternel succès. A un point tel que quarante ans plus tard, quand par hasard tu croises en ville un de tes anciens élèves, une fois sur deux, tu as droit à un chaleureux et très humoristique... Entre ÊTRE et AVOIR...

Ce à quoi, inexorablement tu réponds: Parfait ! Vous avez retenu l'essentiel du cours de Philosophie. Et, bras-dessus, bras-dessous, l'ex Maître Auxiliaire et l'ex élève traversent la rue pour le Bar d'en face. Un tel instant, quand il passe, mérite bien un verre ou deux en terrasse.

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31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 13:58
Amiens. 31 Août 2016. © Capture d'écran Jean-Louis Crimon / BFMTV

Amiens. 31 Août 2016. © Capture d'écran Jean-Louis Crimon / BFMTV

Cher Editorialiste en mal d'Edito,

 

Tiens, tiens, tu le tiens ton sujet. C'est jour de grand spectacle ce matin à Bercy pour ce qui s'appelle, en termes choisis, "passation de pouvoir". Bal des hypocrites. Que de mots gentils, que de paroles flatteuses ! Ces gens-là ont des façons qui déroutent le commun des mortels. Ils se détestent et te font des magnes à n'en plus finir. En prime, ça te file la métaphore aquatique pour mieux te mener en bateau. On te la joue Merci mon Equipe et ça fonce perso. A moins que ce ne soit perce/eau. Touché/Coulé. Trou dans la coque. Bataille navale au Palais. Les femmes et les enfants d'abord. Macron est un grand enfant.

 

Macron s'est mis sur son 31 après avoir annoncé sa démission la veille, le 30, jour de la Saint Fiacre. Façon sublime et subliminale de souligner qu'il n'entend pas rater le coche.

Au XVIIe et au XVIIIe siècles, les "coches" étaient des moyens de transport fluviaux dont les départs et les arrêts dépendaient d'horaires précis.

Macron qui est un garçon cultivé ne l'a pas oublié, héhé ! A choisi l'eau, merci, pour venir à Bercy. Pour mieux nous rappeler que coche d'eau était autrefois le moyen de transport le plus utilisé. Cependant, emprunter ce type d'embarcation restait une aventure. "Rater le coche" signifie que l'on rate une bonne occasion de vivre un événement particulier et qui aurait pu être palpitant ou fructueux. CQFD. Macron n'a pas voulu rater le coche.

 

Tu pourrais aussi être tenté de faire une lecture psychanalitique de la phrase macronienne: Je me devais de prendre la mer avec une embarcation plus frêle, avec un cap. Une embarcation plus frêle, mais c'est un canot, un canot de sauvetage, avec un cap, mais c'est la côte, le littoral, la terre ferme.

Quitter le paquebot gouvernemental quand il coule, ce n'est pas très honorable. Se sauver seul sans un mot, sans un regard pour le vieux Capitaine qui vous avait fait Premier Mousse, c'est décevant. Affligeant. L'enterrer vivant sous des gilets de sauvetage de fausses louanges, c'est déshonorant.

 

En fait, tu as envie de lui dire à ce jeune Amiénois qui hésite entre Rastignac et Julien Sorel, qu'un danger le guette, un grand danger sous la forme d'un grand rôle, un grand rôle de Pagnol, justement, puisque Pagnol était à l'honneur à Bercy ce mercredi: Le rôle du Schpountz.

Emmanuel Macron dans le rôle de Fernandel, pour interpréter Irénée Fabre. Petit rappel du synopsis:

 

" Irénée Fabre rêve d'être une vedette du grand écran. De passage dans son village, une troupe de cinéma lui fait signer un contrat mirobolant. Il s'agit d'une farce, mais Irénée, aveugle de vanité, mord à l'hameçon et se rend à Paris pour tourner ce qu'il croit être son premier film. C'est alors qu'il découvre qu'on s'est joué de lui et qu'il n'est en fait qu'un "schpountz", un idiot, un fada, intimement persuadé de son génie. Mais s'il en avait pourtant, du génie ? Un génie dont il serait le premier surpris, lui qui se figure grand tragédien ? Le génie du comique, par exemple... Et si la gloire s'en mêlait après tout ? Si la gloire était au rendez-vous ? "

 

Macron devrait méditer le Schpountz de Pagnol et surtout ne pas s'en tenir à cette seule recommandation pagnolesque du Maître: " Si vous voulez aller sur la mer sans aucun risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau, achetez une île ! " Pour ne pas être le Schpountz de la Présidentielle 2017.

Marcel Pagnol l'a lui-même ainsi défini: Le Schpountz est un personnage dramatique lorsqu'il voit les illusions dont il se berce, s'effriter, un personnage pathétique lorsqu'il s'enferre dans ses mensonges. Un rôle parfaitt pour Fernandel, en 1938, qui saura user de tout son talent dans l'art de la comédie pour mieux déployer son génie d'acteur et s'ouvrir de nouvelles perspectives. Un rôle inquiétant, en 2016, pour le jeune Macron. Qui ne doit pas s'enfermer dans de fragiles certitudes. Viser l'Election suprême sans passer par les élections intermédiaires est un risque souvent mortel.

 

Dans ton Edito, tu as envie de dire à ton compatriote amiénois: gaffe quand même, Emmanuel, un seul Fernandel a plus ou moins bien réussi en politique, c'est Charles Pasqua. Ce qui, en soi, n'est pas, c'est vrai, une grande réussite.

Alors... prudence, même si tu te penses... En Marche.

 

Finir en " Fernand d'elle " décevrait profondément Brigitte.

 

Jean-Louis Crimon

 

 

 

 

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30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 09:39
Amiens. Août 2015. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Août 2015. © Jean-Louis Crimon

Cher auditeur de France Inter,

 

C'était vers 9 heures et demi ce matin. Augustin Trapenard de retour sur sa tranche. Une voix familière pour dire sans familiarités des choses essentielles. Avec son invitée, l'homme de radio parlait photo. En un instant, tu t'es dit: c'est ça, c'est exactement ça. Exactement ce que tu cherches. Exactement ce que tu voudrais dire.

Yasmina Reza cite Roland Barthes: La photo, c'est une immobilité vive. Que dire de plus ? Que dire de mieux ?

Augustin Trapenard de rebondir: Qu'est-ce que réussit à saisir la photographie que ne réussit pas à saisir la littérature ?

Une citation, une question, ça te change ta journée, ça te met en éveil pour un paquet d'années.

Surtout quand la réponse de l'invitée est à la hauteur de la demande de l'intervieweur: La photo, c'est comme un haïku.

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 09:59
Amiens. Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher balayeur d'ici ou d'ailleurs,

 

Tu vois, c'est un rappel à l'ordre permanent. Ton beau projet te poursuit jusque devant chez toi. Sous ta fenêtre. Le balayeur du matin te dit: M'oublie pas ! Oublie pas ta promesse ! Tu sais bien... Balayeurs de tous les Pays... Le Livre et l'Exposition mondiale.

Toi, tu ajoutes, pour toi-même, pour ta propre gouverne: n'oublie pas non plus ton escapade à Grisolles, la cité du balai. Grisolles qui a fêté en Mai dernier les jours de paille. Grisolles où a vu le jour, en 1856, le premier atelier de fabrication de balais en paille de Sorgho. Grisolles qui, en 1914, pour la fabrication des balais, emploie plus de 400 salariés dans une quarantaine d'ateliers différents.

Un seul atelier fait désormais vivre la tradition. Tu as manqué Mai et l'ambiance de l'époque ressuscitée par la poésie de l’occitan et les danses traditionelles. Manqué aussi le Concours de Balais Imaginaires et la bière de Sorgho. Tu as manqué Mai, ne manque pas Septembre. Première quinzaine surtout.

Clôture de l'exposition, le 18 Septembre. Après cette date, les organisateurs risquent de t'accueillir en te disant: du balai !

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28 août 2016 7 28 /08 /août /2016 13:13
Amiens. Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher ornithologue amateur,

 

Les oiseaux te fascinent, surtout ceux qui partagent avec toi le jardin. Tu ne dis pas "ton" jardin, car tu sais bien qu'il est d'abord "leur" jardin. Se le sont approprié. Le jardin de la merlette et du merle moqueur. Le jardin du rouge-gorge et depuis le printemps dernier, le jardin de la pie. D'un couple de pies. Et de leur rejeton pie. Pie bavarde si tu en crois son plumage noir avec ses reflets bleus sur les ailes et verts sur la queue

La pie est la plus fine. La plus intelligente. Elle se joue de toi. Vient voler les croquettes du chat avec un aplomb qui le laisse sans voix. L'expression "tête d'oiseau" n'a pas de sens pour elle. Pas davantage pour la merlette. Qui sait parfaitement quand et où tu lui donnes chaque matin des miettes de pain. D'ailleurs, tu te demandes bien quel homme assez sot a pu être un jour l'auteur de ces stupides formules. Tête d'oiseau, tête de linotte, tête de moineau, sans oublier l'incontournable "cervelle d'oiseau", toutes ces formules sont révoltantes. Au point que tu serais partant pour écrire un Eloge de l'oiseau, et que, pour ça, tu te sens très capable de prendre... la plume.

 

En général,"Tête de", en début de phrase, n'annonce rien de bon. C'est d'emblée péjoratif. Les linguistes et les ornithologues sont d'accord pour dire que le recours à un nom d'oiseau n'est pas un hasard. L'oiseau, à commencer par le moineau, est réputé pour être peu intelligent. La raison: longtemps, l'homme a cru que l'intelligence était proportionnelle à la taille du cerveau, alors l'homme a conclu: petite tête = petit cerveau ! Petite tête, va !

L'intelligence se mesure surtout par les capacités de mémoire et de mémorisation. La pie mémorise très bien son environnement, surtout les endroits où elle peut trouver à manger. Elle se souvient parfaitement des cachettes où elle a pu accumuler de la nourriture. C'est l'un des oiseaux les plus intelligents. Comme le corbeau, la pie possède une réelle capacité d'apprentissage, ce qui lui permet de s'adapter à de nombreux changements de l'environnement. C'est le premier des oiseaux à avoir été capable d'avoir conscience de se voir dans un miroir. Dans le fameux « test du miroir » pratiqué par les éthologues et réputé démontrer une conscience de soi. Comme c'est le cas pour l'Homme, le chimpanzé, le gorille, l'orang-outan, le dauphin ou l'éléphant.

Enfin, il faut savoir que la pie peut avertir ses congénères d'un danger. Elle peut apprendre à ses petits une partie de ce qu'elle a appris elle-même. Certains éthologues affirment qu'elle peut faire preuve d'empathie. Des pies ont été observées en train d'organiser des funérailles. Comme une mise en scène d'un rituel d'accompagnement. Les pies se sont regroupées près d'une pie morte et elles lui ont apporté de l'herbe.

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27 août 2016 6 27 /08 /août /2016 10:27
Peillle. Balayeur du matin. 15 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Peillle. Balayeur du matin. 15 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher balayeur de mots et d'idées,

 

Un de tes amis, fidèle lecteur de ta lettre quotidienne, t'a signalé, il y a peu, -discret rappel à l'ordre- l'existence d'une exposition qui te concerne directement, toi le photographe des balayeurs. Balayeurs de tous les Pays, comme tu aimes à dire. Balayeurs de toutes les villes, de tous les endroits, de tous les ailleurs, où les hasards de la vie ont conduit tes pas. Balayeurs de Pékin, d'Oulan-Bator, de Kunming, de Chengdu, de Copenhague, de Paris, de Peille, de Marseille, de Nice, de Saint-Malo, de Fécamp, d'Albert ou d'Amiens, ça leur irait bien, un jour dans leur Musée ou dans leur Expo.

L'expo est providentielle: elle se veut être, dixit son commissaire, Geneviève Dortignac, une invitation à découvrir l'objet balai, sa diversité des formes et l'étonnante créativité de ceux qui les ont conçus et fabriqués.

Inaugurée fin Mai, à Grisolles, Tarn-et-Garonne, au Musée Calbet, elle est visible jusqu'au 18 septembre. Ce qui te laisse exactement trois semaines pour t'y rendre. Tu vas le faire. Tu veux le faire. Tu dois le faire. Tu as le sentiment que l'avenir de ton projet de Livre des Balayeurs en dépend.

Il y a comme une concordance fabuleuse entre ce rassemblement d'outils et ton travail photographique sur ces balayeurs de rue. Geneviève Dortignac précise: Quelques 80 pièces ont été puisées dans la collection de Daniel Rozensztroch, directeur artistique et consultant en design, observateur des savoir-faire et des objets qui racontent une histoire humaine. Aussi utile qu’usuel, le balai révèle le quotidien des populations sur les cinq continents, l’évolution des gestes, de la fonction et des matériaux au fil des cultures et des âges jusqu’à nos jours.

Juste à ajouter, à montrer, à faire découvrir, à exposer, les photos des balayeuses et des balayeurs en action, ces femmes et ces hommes qui, du matin au soir, et souvent la nuit, du Nord au Sud, sur tous les continents, de Pékin à Paris, d'Oulan-Bator à Gisors, s'évertuent à effacer conscieusement nos méfaits de la journée, nous les pollueurs de l'espace urbain.

Cela, c'est ton travail à toi. Commencé vraiment en Chine, à Chengdu, en septembre 2011, et toujours en cours. Même si des balayeurs argentiques sont déjà présents sur tes planches contact des années 78 et 80. Urgent de mener à bien ce projet un peu fou. Démentiel. Démesuré. Hors des sentiers battus. Trois mille photos déjà. De quoi en choisir trois cents. Ou simplement trente.

Le geste, l'outil, et la personne qui se sert de l'outil, pour toi, c'est tout un, ça ne fait qu'un, ça ne peut pas être séparé: ça doit être réuni.

 

 

 

 

 

Au sens propre, une collection de balais

Grisolles. Musée Calbet.

 

 

 

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26 août 2016 5 26 /08 /août /2016 10:20
Amiens. 26 Août 2016. © Jean-Louis Crimon
Amiens. 26 Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 26 Août 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher ami d'Amiens,

 

Les jours où tu n'as aucune idée, tu te dis qu'une photo, une simple photo, ça peut débloquer l'imaginaire. L'image est source d'imagination. Juste à ouvrir les yeux. Voir ce que les autres ne voient pas. Ou voient sans voir.

Un tour dans la rue et ça repart. Un rien t'arrête ou arrête ton regard. T'incite à voir au-delà des murs. La ville déborde de murs. Murs de briques rouges aux joints de ciment clair qui signent ici l'identité de la ville. Un fourgon garé là comme par inadvertance, a peut-être trouvé, lui, sa raison d'être: MUR et SOL. Toi, tu préférerais: MUR et CIEL. Mais qui pourrait échafauder jusqu'au ciel ?

Une deuxième photo s'impose. Avec ou sans échafaudage. Pourtant, échafauder, ça te connait.

 

Echafauder, un joli mot, qui dépasse le simple échafaudage. Echafauder, c'est aussi construire par des combinaisons de l'esprit. Pas forcément des théories hasardeuses, hâtives ou fragiles. Pourquoi donc les échafaudages de l'esprit seraient-ils moins stables que les échafaudages de chantier ?

Tiens, ça mérite en effet réflexion. D'ailleurs, c'est curieux, mais si tu n'étais pas sorti dans la rue, cette idée ne te serait jamais venue. Comme quoi...

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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 09:19
Paris. Radio France. France Culture. Juin 2006. © Christophe Abramovitz

Paris. Radio France. France Culture. Juin 2006. © Christophe Abramovitz

Cher ex confrère,

 

Tu ne sais plus si tu as rêvé tout ça ou si, vraiment, tu as été l'un de ces journalistes qui annoncent les nouvelles le matin, très tôt, à la radio. Une de ces voix qui entrent dans la vie et dans l'oreille des gens. Voix familère aux fil des ans. Belles années où tu as le sentiment d'avoir prise sur les faits et les évènements alors que tu n'en es qu'un porte-parole(s), un porte-voix, plus ou moins éclairé, plus ou moins réfléchi. Dans tous les sens du terme. Les années passent vite. Un jour, c'est le jour, et c'est le dernier jour. Le jour du dernier journal. Les dernières infos. Le dernier micro. Tu te souviens de ce matin-là où -va savoir pourquoi ?- tu as éprouvé le besoin de saluer à ta manière ceux qui t'avaient écouté pendant trois ans de matinales. Trois années à te lever à 2 heures du matin. On dort peu -peu le savent- quand on choisit d'être matinalier.

C'était, tu t'en souviens parfaitement, le lendemain du match France-Italie en Coupe du Monde et de ce fameux coup de boule de Zidane à Materazzi. Donc début Juillet 2006. Nicolas Demorand aux manettes. Ce dialogue inattendu:

- Bonjour...

- Bonjour et... fin de ce journal !

 

Nicolas Demorand de dessiner dans l'espace immédiat des gestes désordonnés comme un nageur désespéré face à un présentateur à l'espliéglerie suicidaire. Histoire de "reprendre" le micro. La radio a horreur des blancs. Des instants de silences. Sauf dans les émissions de musique classique. En guise de ponctuation quasi métaphysique.

En ce qui te concerne, enchaînement superbe et subtil. Beau rétablissement:

Fin de ce journal, oui, parce que c'est mon dernier journal. Et le présentateur du 7 heures d'expliquer, mythe de Sisyphe à l'appui, l'absurdité du métier de matinalier, condamné, chaque nuit, à remonter jusqu'au petit matin, son rocher en forme de rouleau de dépêches en papier. Une fois le rouleau d'infos déroulé, -c'est son destin-, Sisyphe redescend de sa montagne magnétique et tout sera à refaire dès le lendemain. Chaque matin, pendant des années. Au nom de la sacro-sainte actualité et de l'indispensable devoir d'informer.

Heureusement, tu te souvenais de la phrase de Camus: "Il faut imaginer Sisyphe heureux." Dans ton naufrage en forme d'Edito, avant de dérouler ton vingt minutes, tu as su placer: "Pour la dernière fois, voici les titres de l'actualité que je vous dois..." En prime, tu as même concédé à l'attention de tes auditrices et de tes auditeurs bien aimés: Il faut imaginer le matinalier heureux.

 

Au fond assez fier de ta pitrerie philosophique assumée, tu es rentré chez toi, ce matin-là, heureux du devoir accompli, sans imaginer qu'on allait, deux heures plus tard, te blâmer et même pour certains de tes jeunes confrères, réclamer, en conférence de rédaction, un "blâme", un "vrai blâme", un "blâme officiel", pour te sanctionner d'avoir osé prendre en otages les auditeurs de la chaîne. Tu parles, une minute de pertinente impertinence n'allait pas bousculer à ce point le désordre du monde. Encore moins sa narration ou son récit.

 

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