Cher Editorialiste en mal d'Edito,
Tiens, tiens, tu le tiens ton sujet. C'est jour de grand spectacle ce matin à Bercy pour ce qui s'appelle, en termes choisis, "passation de pouvoir". Bal des hypocrites. Que de mots gentils, que de paroles flatteuses ! Ces gens-là ont des façons qui déroutent le commun des mortels. Ils se détestent et te font des magnes à n'en plus finir. En prime, ça te file la métaphore aquatique pour mieux te mener en bateau. On te la joue Merci mon Equipe et ça fonce perso. A moins que ce ne soit perce/eau. Touché/Coulé. Trou dans la coque. Bataille navale au Palais. Les femmes et les enfants d'abord. Macron est un grand enfant.
Macron s'est mis sur son 31 après avoir annoncé sa démission la veille, le 30, jour de la Saint Fiacre. Façon sublime et subliminale de souligner qu'il n'entend pas rater le coche.
Au XVIIe et au XVIIIe siècles, les "coches" étaient des moyens de transport fluviaux dont les départs et les arrêts dépendaient d'horaires précis.
Macron qui est un garçon cultivé ne l'a pas oublié, héhé ! A choisi l'eau, merci, pour venir à Bercy. Pour mieux nous rappeler que coche d'eau était autrefois le moyen de transport le plus utilisé. Cependant, emprunter ce type d'embarcation restait une aventure. "Rater le coche" signifie que l'on rate une bonne occasion de vivre un événement particulier et qui aurait pu être palpitant ou fructueux. CQFD. Macron n'a pas voulu rater le coche.
Tu pourrais aussi être tenté de faire une lecture psychanalitique de la phrase macronienne: Je me devais de prendre la mer avec une embarcation plus frêle, avec un cap. Une embarcation plus frêle, mais c'est un canot, un canot de sauvetage, avec un cap, mais c'est la côte, le littoral, la terre ferme.
Quitter le paquebot gouvernemental quand il coule, ce n'est pas très honorable. Se sauver seul sans un mot, sans un regard pour le vieux Capitaine qui vous avait fait Premier Mousse, c'est décevant. Affligeant. L'enterrer vivant sous des gilets de sauvetage de fausses louanges, c'est déshonorant.
En fait, tu as envie de lui dire à ce jeune Amiénois qui hésite entre Rastignac et Julien Sorel, qu'un danger le guette, un grand danger sous la forme d'un grand rôle, un grand rôle de Pagnol, justement, puisque Pagnol était à l'honneur à Bercy ce mercredi: Le rôle du Schpountz.
Emmanuel Macron dans le rôle de Fernandel, pour interpréter Irénée Fabre. Petit rappel du synopsis:
" Irénée Fabre rêve d'être une vedette du grand écran. De passage dans son village, une troupe de cinéma lui fait signer un contrat mirobolant. Il s'agit d'une farce, mais Irénée, aveugle de vanité, mord à l'hameçon et se rend à Paris pour tourner ce qu'il croit être son premier film. C'est alors qu'il découvre qu'on s'est joué de lui et qu'il n'est en fait qu'un "schpountz", un idiot, un fada, intimement persuadé de son génie. Mais s'il en avait pourtant, du génie ? Un génie dont il serait le premier surpris, lui qui se figure grand tragédien ? Le génie du comique, par exemple... Et si la gloire s'en mêlait après tout ? Si la gloire était au rendez-vous ? "
Macron devrait méditer le Schpountz de Pagnol et surtout ne pas s'en tenir à cette seule recommandation pagnolesque du Maître: " Si vous voulez aller sur la mer sans aucun risque de chavirer, alors n'achetez pas un bateau, achetez une île ! " Pour ne pas être le Schpountz de la Présidentielle 2017.
Marcel Pagnol l'a lui-même ainsi défini: Le Schpountz est un personnage dramatique lorsqu'il voit les illusions dont il se berce, s'effriter, un personnage pathétique lorsqu'il s'enferre dans ses mensonges. Un rôle parfaitt pour Fernandel, en 1938, qui saura user de tout son talent dans l'art de la comédie pour mieux déployer son génie d'acteur et s'ouvrir de nouvelles perspectives. Un rôle inquiétant, en 2016, pour le jeune Macron. Qui ne doit pas s'enfermer dans de fragiles certitudes. Viser l'Election suprême sans passer par les élections intermédiaires est un risque souvent mortel.
Dans ton Edito, tu as envie de dire à ton compatriote amiénois: gaffe quand même, Emmanuel, un seul Fernandel a plus ou moins bien réussi en politique, c'est Charles Pasqua. Ce qui, en soi, n'est pas, c'est vrai, une grande réussite.
Alors... prudence, même si tu te penses... En Marche.
Finir en " Fernand d'elle " décevrait profondément Brigitte.
Jean-Louis Crimon