Ambonnay. Champagne. Soir de vendanges. Ou matin de vendanges. Parfois, le matin s'habille en soir. Mon père parmi les vendangeurs. Début des années 70, dans l'autre siècle. Plusieurs années de suite, le père et le fils ont fait les vendanges ensemble. Pour une fois, c'est le fils qui avait ouvert la voie. C'était un rendez-vous incontournable. Avec mes amis étudiants en philosophie, comme moi. Au retour, le récit de nos exploits, la bouteille de ratafia et les bouteilles de champagne offertes en fin de campagne par le vigneron, allumaient à chaque fois des étoiles dans le regard du père. Le père, timidement, avait demandé à en être. Se mettre en congés de son premier métier, jardinier au cimetière anglais, pour devenir vrai vendangeur, était la seule condition. Dix jours de vacances "perdus", mais dix jours de bonheur gagné. Même si, mal de dos et grosse fatigue à la clé. Vendanger n'est pas de tout repos. Au final, aveu fatal, – confidence un jour du père au fils –, "les vendanges à Ambonnay, les plus belles vacances de toute ma vie".
© Jean-Louis Crimon