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17 septembre 2023 7 17 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Devant la maison, côté rue de Franvillers. Nov. 1950. © Georges Crimon

Contay. Devant la maison, côté rue de Franvillers. Nov. 1950. © Georges Crimon

Au dos de la photo, la mère a simplement noté " 15 mois, nov 50 ". C'est le père qui a dû prendre la photo. Le flou de la photo accentue le beau sourire de la maman. Etrange que ce soit novembre. Les arbres semblent avoir encore toutes leurs feuilles et la mère porte une robe à manches courtes. L'enfant n'est pas non plus habillé très chaudement. Une simple barboteuse à manches courtes. C'est sans doute un début d'après-midi ensoleillé. L'âge noté est exact : né début août 49, novembre 1950, ça fait tout juste 1 an et 3 mois, exactement 15 mois. Donc, c'est bien novembre. Soixante-treize ans plus tard, je mémorise le texte et la photo. L'ordinateur indique : 17/09/2023 19:49.

19:49, beau clin d'oeil : je suis né en 1949.

© Jean-Louis Crimon

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16 septembre 2023 6 16 /09 /septembre /2023 08:57
Contay, le verger. Jacques, Jérôme et Jean-Philippe Chombart. © Juliette Crimon

Contay, le verger. Jacques, Jérôme et Jean-Philippe Chombart. © Juliette Crimon

Jacques, Jérôme et Jean-Philippe Chombart, coéquipiers, parfois adversaires, de matchs endiablés dans le verger-football, où les arbres ne se contentent pas d'être des spectateurs passifs. Il faut savoir entendre leurs clameurs silencieuses saluer nos exploits. Sur chaque branche, deux à deux, discrète brise complice, les feuilles applaudissent.

 

"Sur une passe en retrait de Kopa, je feinte la reprise, et petite pichenette lobée... juste dans la lucarne droite du petit cerisier. Nous menons 1-0. Contre-attaque, je dribble le gros noyer, celui qu'on appelle Roger Marche parcqu'il a de ces tirs à bout portant à vous marquer un but des quarante mètres si vous frappez trop fort en plein tronc, au lieu de faire glisser doucement le ballon sur l'écorce. Le bigarreau joue sur l'aile, près de la rivière. Il est facile à prendre en contre-pied, juste avant la remontée du talus : le terrain est en pente à cet endroit."

© Jean-Louis Crimon

Verlaine avant-centre, (pages 15 et 16). Le Castor Astral. Janvier 2001.

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15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Côté rue. Août 1950. © Juliette Crimon

Contay. Côté rue. Août 1950. © Juliette Crimon

Contay. Août 1950. Déjà au centre. Déjà bien entouré par la gent féminine. Est-ce ainsi que les destins se dessinent ? Regard étonné sur le monde d'un enfant qui ne sait pas ce qui l'attend. Christiane, Catherine, Martine, où êtes-vous ? Qu'avez-vous fait de vos vies ? Qu'avons-nous fait de nos vies ? Pourquoi sommes-nous devenus si vite si vieux ? Septuagénaires bien avancés dans un siècle bien entamé. Christiane Delbende, Catherine Chombart, Martine Delbende, Jacques Chombart... vous nommer m'autorise à vous demander :  vous souvenez-vous du petit Jean-Louis ? 

© Jean-Louis Crimon

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14 septembre 2023 4 14 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Notre maison, côté cour. Avril 1964. © Juliette Crimon

Contay. Notre maison, côté cour. Avril 1964. © Juliette Crimon

Au dos de la photo, quelqu'un - ma mère sans doute - a écrit : Souvenir de la Communion solennelle en la Basilique d'Albert, le 26 Avril 1964, Marie-Christine, Gilles, Jean-Louis. La photo est floue comme la mémoire de ce jour-là. Ma soeur, née le 4 juillet 1952, n'a pas encore 12 ans, notre petit frère, Gilles, né le 12 septembre 1958, n'a pas encore 6 ans, et moi, l'aîné, le plus grand des trois, né le 7 août 1949, je n'ai pas encore 15 ans. Les destins de chacun ne sont pas encore écrits. Les chemins de tous les possibles sont ouverts. Personne ne peut savoir ce que la vie nous réserve. Pas même nos parents. Qui se demandent peut-être parfois ce que nous allons faire de cette vie qui nous a été donnée. 

© Jean-Louis Crimon

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13 septembre 2023 3 13 /09 /septembre /2023 08:57
Le Courrier Picard. 27 août 1980. Page 3. © Jean-Louis Crimon
Le Courrier Picard. 27 août 1980. Page 3. © Jean-Louis Crimon

Le Courrier Picard. 27 août 1980. Page 3. © Jean-Louis Crimon

Revenir en reportage, dans son village natal, sur le terrain de jeux de son enfance, incroyable beau cadeau ! La vie, ma vie, a toujours été très malicieuse avec moi. Me tendant des pièges - souvent - ou me réservant d'inimaginables surprises. Celle-ci n'est pas des moindres. Au journal, où j'exerce maintenant depuis une bonne année, - embauché le 1er Juillet 1979 -, on apprécie ma facilité a raconter des tranches de vie originales, des parcours insolites, des expériences de vie sociale peu banale. J'aime "couvrir" cette actualité quand il n'y a pas vraiment d'actualité. On apprécie mon écriture. Ma façon de parler des gens simples. Les papiers d'été sont l'occasion de consacrer des pages entières à des petits faits apparemment sans importance qui pendant l'année n'auraient eu droit qu'à une brève. Je ne manque pas l'occasion de saluer ces personnes qui font la petite actualité. Ces anonymes de la vraie vie qui méritent autant que les prétendus célèbres ou connus, leur part de lumière.

Plus de quarante ans après la parution de ce reportage, la légende de l'une des trois photos mérite davantage qu'un arrêt sur image : " Un gosse qui sait scier une planche droite, raboter et planter un clou, saura se débrouiller dans la vie". A méditer, comme on ne dit plus. Morale de l'histoire dans une époque qui ne pratique plus guère, même au tableau noir, la leçon de morale. 

Lorsque l'on sait se servir de ses mains, la tête s'en porte bien

 

© Jean-Louis Crimon

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12 septembre 2023 2 12 /09 /septembre /2023 08:57
La maison de Contay, côté cour. © DR

La maison de Contay, côté cour. © DR

Rituel de fin d'après-midi d'été. Ecossage des haricots blancs ou bien équeutage des haricots verts. Au choix. Giulietta, la mamma domine la scène. D'un air entendu ou amusé. Nous sommes côté cour de la maison de Contay, sur la partie engazonnée. Depuis qu'il travaille comme jardinier au cimetière anglais, mon père a acheté une tondeuse à rouleau et il transforme le moindre petit espace herbeux en pelouse douce à la plante des pieds. L'été, on a le droit d'y marcher pieds nus. C'est moelleux, tellement mieux que sur les allées caillouteuses aux petits silex tranchants. Une vraie moquette, dit ma mère en riant et en caressant l'herbe bien rase. 

 

Tous les légumes que nous consommons sont récoltés dans notre jardin. Haricots verts, haricots en grains, petits pois, poireaux, carottes, pommes de terre, salades, romaine ou batavia, scaroles, frisées, laitues, grosses blondes paresseuses ou pas, même les fruits mûrissent avec bonheur chez nous, poires, pommes, groseilles, cassis, cerises, fraises, framboises. Simple, notre jardin, a prêché l'autre dimanche dans son sermon Monsieur le Curé, - au risque de nous fâcher avec toute la communauté des paroissiens -, c'est le plus beau du village, exactement l'image du Paradis sur Terre. Pas très catholique comme fin de prêche dominical, ai-je murmuré tout bas, dans mon aube blanche d'enfant de choeur. Mais je n'ai rien dit, juste pensé très fort en moi-même : si notre jardin, c'est le paradis sur Terre, alors vraiment, pas de quoi s'enfer

 

© Jean-Louis Crimon 

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11 septembre 2023 1 11 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Un père et son fils au jardin. Printemps 1952. © Juliette Crimon.

Contay. Un père et son fils au jardin. Printemps 1952. © Juliette Crimon.

La photo a plus de soixante-dix ans. L'homme à la bêche, c'est mon père. Le petit enfant avec son petit seau, c'est moi. Je dois avoir moins de trois ans. Deux ans et demi, sans doute. Mon père doit avoir la trentaine. Né en 1922, le 16 Mai 1922, si la photo date de 1952, mon père est dans l'année de ses trente ans.

Selon le geste, la façon de tenir le manche de l'outil, je crois que nous plantons des pommes de terre. Chez nous, en Picardie, les pommes de terre, se mettent en terre, quand la terre a cessé d'être trop froide. Ce doit être avril ou début mai. C'est ma mère qui prend la photo. Elle a eu, d'instinct, l'idée de poser un genou en terre pour être au plus près de l'action. Ce qui évite d'écraser les personnages. Comme on le fait quand on prend la photo, debout, l'appareil à hauteur des yeux. Le petit enfant que je suis se trouve soudain grandi. A côté du géant qu'est le père. Le petit enfant devient un personnage important dans l'image. Tout est dans le cadrage. Les petites chaussures blanches et les chaussettes de l'enfant se retrouvent au premier plan, comme la terre et les souliers du père. Manque juste un regard. Mais le profil du visage du père est parfait. La minceur et l'élégance de l'homme, la façon dont les mains du travailleur manuel se saisissent de l'outil, ont la saveur exquise des images en noir et blanc des films d'autrefois. Cette perfection imparfaite du flou des instants que corrigera plus tard la netteté de la mémoire. 

 

Souvent, je pense à mon père, au temps où nous plantions des pommes de terre et au temps des jardins, quand on faisait le tour du village en quête de travaux à faire. Mon père était le meilleur bêcheur à cinquante kilomètres à la ronde. Un jardin à faire, on lui faisait signe. Chaque soir de la semaine, il y avait un jardin différent à entretenir. Ne restait que le dimanche, pour notre jardin à nous.

Je relis "Verlaine avant-centre", roman rêvé d'une enfance qui ne fut pas de rêve. Chapitre 10. Page 117. J'aime beaucoup ce passage. Tout est dit et rien n'est dit. C'est beau et triste à la fois. Mais ce qui me rend triste éternellement, c'est de ne pas savoir si mon père a pu le lire avant de mourir ou pas. Si ça l'a fait sourire ou pas.

"Mon père pince la corde du cordeau comme une corde de guitare. Il tend l'oreille, écoute le son de la corde. Si l'accord est parfait, la corde bien tendue, on peut tracer la route, puis semer. Mon père laisse glisser les graines entre le pouce et l'index. Il ne faut pas semer trop dru. Mon père le sait. Il dit : qui sème trop dru récolte menu. Ensuite, on dame le sol avec le dos du râteau. Ça dessine de petits traits verticaux tout au long de la ligne semée. C'est beau à regarder comme un tableau de peintre abstrait. Un tableau peint au cordeau et au râteau, à même la terre. Dieu, s'il existe, sûr, c'est un esthète qui apprécie la peinture de mon père. En fait, mon père ne jardine que pour exposer les oeuvres qu'il ne prend pas le temps de peindre sur la toile et qu'il crée à fleur de terre, l'espace d'un dimanche matin, juste avant la messe."

Mon père est mort il y a plus de vingt ans. Mais quand je relis ces quelques lignes, il est vivant. Eternellement. C'est la force du roman. 

 

© Jean-Louis Crimon 

Verlaine avant-centre. Le Castor Astral. Janvier 2001.

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10 septembre 2023 7 10 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. La Mairie. 1920. Carte postale ancienne. © G. Lelong.

Contay. La Mairie. 1920. Carte postale ancienne. © G. Lelong.

Des enfants jouent devant l'Ecole. Ce doit être l'heure de la récréation. Le cachet de la Poste est celui de Toutencourt. 18 Septembre 1920. La carte postale a été écrite le 16 Septembre. Date notée discrètement, en bas, à gauche de la partie "Correspondance". "Meilleur souvenir de la maman d'un petit Picard", a écrit la personne qui signe G. Jacquet. Geneviève. Guilaine. Ghislaine. On ne sait pas. On ne saura pas. La carte est adressée à un couple qui habite Paris, rue Damrémont. 

Quatre "Semeuse", timbre vert de 5 centimes, ont été très soigneusement collées dans le haut de la carte, juste sous les mots de la légende : Contay (Somme) - La Mairie - The Town-Hall. Traduction en anglais qui se justifie sans doute par la création récente du cimetière militaire britannique. Pour tous ces jeunes soldats morts pendant première la guerre mondiale. 1133 stèles blanches face à ce monument qui dit : Their name liveth for evermore. Leur nom vit pour toujours.

 

Autre information que seul un philatéliste averti remarquera : la Semeuse, la Semeuse de Roty, sème contre le vent. Le mouvement de sa superbe chevelure la trahit. Cérès, la déesse romaine des moissons et de l'agriculture, a été choisie pour symboliser la République sur le premier timbre-poste français. La France est alors rurale et agricole. La Semeuse, créée par Oscar Roty, est en parfaite harmonie avec le pays. Timbres et pièces de monnaies sont à l'unisson. Pas la presse de l'époque. Certains journaux se déchaînent, comme Le Moniteur du 28 février 1897 :

"Que sème-t-elle, cette femme dont le bonnet phrygien dit assez la qualité ? Elle sème le désordre, l'anarchie, l'ivraie, la haine de mensonge et d'immoralité." Ce à quoi La Liberté du 8 octobre 1898 répondra : "Ces semences qu'elle jette généreusement à la terre sont les innombrables idées qui peut-être un jour germeront et lèveront, lorsque nous n'y serons plus."

Geste plus symbolique que réaliste : on ne sème pas contre le vent, mais les idées neuves naissent à contre-courant. Souvent.

 

© Jean-Louis Crimon

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9 septembre 2023 6 09 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Côté jardin. Jérôme, Myriam, Jean-Louis et Jean-Luc. © Juliette Crimon 

Contay. Côté jardin. Jérôme, Myriam, Jean-Louis et Jean-Luc. © Juliette Crimon 

L'été de nos 8 ans, l'aventure, pour nous, les garçons, ce sont des journées entières à jouer aux cow-boys et aux indiens. Mais au far-west de l'enfance, je n'ai jamais aimé être cow-boy. A chaque fois, sous la menace de colts en bois, les grands me disent : c'est toi l'indien. Ce qui me va bien. D'autres qui ont mon âge, sont aussi des indiens. Selon les années, on sera Cochise, Plume d'Aigle, Sitting Bull ou Géronimo. Cachés dans les hautes herbes, on s'invente des proverbes. Pour toujours, le plus beau sera : Indien vaut mieux que deux tu l'auras.

La fabrication des coiffes et la décoration sculptée à l'opinel de nos lances de noisetier prenaient une bonne partie de la première journée des grandes vacances. Les grandes filles, les soeurs aînées, les cousines, sont appelées à la rescousse pour la finition couture. Alors, elle peut s'ouvrir à nous, l'aventure.

 

© Jean-Louis Crimon 

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8 septembre 2023 5 08 /09 /septembre /2023 08:57
Contay. Route d'Amiens. Carte postale ancienne. © G. Lelong.

Contay. Route d'Amiens. Carte postale ancienne. © G. Lelong.

Du centre du village, et surtout du Pont de l'Hallue, où nous habitions, elle semblait bien loin la fin de cette route d'Amiens. Enfant, à pied, il fallait y aller chercher du lait, du beurre ou des oeufs dans les fermes qui se trouvaient tout au bout de cette grande rue qui partait de la Place de l'Eglise. Je me souviens de la ferme Luittre et d'une autre, la ferme Boivin. Chez Boivin, il y avait un chien très malin qui adorait, à chaque fois, faire semblant de fermer l'oeil quand j'entrais dans la cour de la ferme. A peine avais-je pris dix mètres d'avance qu'il me coursait en aboyant pour m'attraper les mollets. M'a même vraiment mordu deux ou trois fois. Forcément, c'était de ma faute. La fermière donnait toujours raison à son foutu clebs. "Si tu cours, il voit que tu as peur et il croit que tu es un malfaiteur... Il fait son travail de chien de ferme !" Moralité : ne cours pas, marche normalement, et le chien restera paisible dans sa niche. Tu parles, l'animal était vicieux. Ne manquait jamais une occasion de me taquiner les guibolles.

Ma peur des chiens remonte à ce temps-là. Je devais avoir 8 ou 9 ans, l'âge où, à la campagne, les parents confient les courses à faire aux plus grands, les aînés.

 

© Jean-Louis Crimon 

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