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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 14:57

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Paris. Avenue de Versailles. 12 Nov.12.                                                           © Jean-Louis Crimon 

 

 

 

Belle Eiffel  que brume efface,

Le gris prend toute la place,

Le ciel en perd la face,

Dame de fer soudain l'enlace... 

 

La tête dans un gros nuage,

Plus de dernier étage,

La grisaille est de passage,

Parle d'un remue-ménage...

 

Le matin l'a prise toute nue,

Incroyable déconvenue,

La ville n'en est pas revenue,

Mirage au bout de l'avenue...

 

On a enlevé la Tour Eiffel,

Une bande de mauvais garçons,

Demande une forte rançon,

Pour libérer la demoiselle...

 

D'une si belle beauté fugace

Que le gris du ciel agace,

Succombe la Dame de fer,

Au changement... d'atmosphère.

 

                         Crimon. Chansons grises.

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11 novembre 2012 7 11 /11 /novembre /2012 23:50

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Paris. 41, quai de la Tournelle. 11/11/12.                                                     © Jean-Louis Crimon 

 

 

Les arbres en habits d'automne. Les passantes aussi. Peu de monde aujourd'hui. Plutôt des promeneurs. Des solitaires en balade. Des âmes seules. Un Anglais m'a demandé des ouvragres sur le Titanic. Un Français de vieux livres de cuisine. Rien de ce genre là dans les rayons de ma petite librairie de plein air. Dommage.

Juste avant la tombée de la nuit, une familière du quai m'a acheté un ouvrage sur Michel-Ange avec une belle iconographie. Vingt euros. Sans marchander. M'a sauvé ma journée. Par les temps qui courent, les bons acheteurs ne courent pas les rues. Encore moins le quai. Michel-Ange, non plus. Michel-Ange, peintre, sculpteur, architecte et poète italien (1475-1564), auteur de la coupole de Saint-Pierre de Rome, du tombeau de Jules II, des statues de David et de Moïse, des fresques de la chapelle Sixtine.

Le passage à l'heure d'hiver écourte sacrément la fin d'aprè-midi. Les quais n'étant pas éclairés du côté des bouquinistes, tout le monde ferme très vite. Pas de nocturnes chez les taciturnes.

 

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 12:41

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Paris. Automne 2012.                                                                        © Jean-Louis Crimon 

 

 

Sans paroles. Ou presque. Entendu ce matin à la Poste de la rue La Fontaine :

- T'as remarqué, on est le 10 novembre 2012...

- Et alors ?

- Et alors ça fait... 10, 11, 12 !

- Ah bon ! et alors ?

- Et alors, ça ne reviendra pas de si tôt !

- De si tôt, quoi ?

- Voyons, la suite...10,11,12...

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9 novembre 2012 5 09 /11 /novembre /2012 10:10

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Paris. Place Gaillon. 7 novembre 2012.                                                      © Jean-Louis Crimon 

 

 

Info ou indiscrétion de la presse belge, Gérard Depardieu a acheté cette semaine une maison en Belgique. Précisément à Néchin, tout près de la frontière française. Banal investissement immobilier ou préparation, en douce et en douceur, d'un prochain exil fiscal. Obélix chez Tintin. C'est l'ISF qui va faire... tintin ! Wallonie, où allons-nous ?

Néchin, petite bourgade de 2000 habitants, est réputée pour compter parmi ses administrés, depuis plusieurs années, plusieurs milliardaires français. Personne ne le sait, mais ça se sait.

Le quotidien belge, Le Soir, a rapporté les propos du bourgmestre de Néchin. Propos parfaitement diplomatiques. Daniel Senesael a affirmé ne pas être au courant de l'acquisition immobilière de Monsieur Depardieu.

En septembre dernier, c'est Bernard Arnault, l'homme le plus riche de France, qui avait défrayé la chronique en annonçant son intention de devenir citoyen belge. La presse française, Libération et son célèbre "Casse-toi riche con !", avait crié au scandale. Dénonçant les manoeuvres de l'homme d'affaires pour échapper à l'ISF que le Président François Hollande voulait augmenter.

Que de perfidies ! Que d'insanités ! Que de calomnies ! Que de mauvaises pensées ! Bernard et Gérard, - ce n'est pas un scoop, c'est un secret, que m'a confié Gégé-, ont simplement une passion commune et immodérée pour la... fricandelle. Oui, la fricandelle, cette merveille traditionnellement cuite dans l'huile de la friteuse, mais parfois aussi à la poêle, cette merveille de saucisse belge, légèrement panée, au goût étrange et incroyable à la fois. Quinze centimètres de long qu'on déguste dans les baraques à frites. Les friteries, comme on dit toujours de ce côté-ci d'une frontière qui n'existe plus, sauf pour l'impôt sur le revenu.

Dilemme pour notre Gégé national, croisé l'autre jour, devant chez Drouant : comment passer de la place Gaillon à la rue... graillon ?

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8 novembre 2012 4 08 /11 /novembre /2012 20:52

 

Grèce: le Parlement vote le plan de rigueur malgré l'opposition dans la rue

Athènes. 7 décembre 2012.                                                                                © Aris Messinis

 


 

Bien sûr, en France, il y a le prix Goncourt. Bien sûr, aux Etats-Unis, Obama en a repris pour quatre ans. Bien sûr, la Chine se choisit un nouveau Président. Bien sûr, au PSG, Zlatan prend deux matchs de suspension. Après son carton rouge pour jeu dangereux contre le gardien de Saint-Etienne. Ne pourra jouer ni contre Montpellier, ni contre Rennes. Bien sûr, la France socialiste ménage l'emploi. L'emploi des patrons surtout. 20 milliards d'exonération pour les aider un peu. Dans le contexte actuel, faut comprendre. Faut favoriser la compétitivité. Donc l'emploi. L'emploi des salariés. CQFD.

Bien sûr, il y a tant et tant de sujets d'actualité, mais quand même, une question, une seule. Ma question : pourquoi, pourquoi, ce qui se passe en Grèce ne fait pas la une, ce matin ? Toutes les unes. Toutes les unes de tous les quotidiens.

Les députés grecs ont pourtant adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi, le nouveau plan de rigueur réclamé par les bailleurs de fonds de la Grèce, UE et FMI. En dépit de la protestation de près de 100.000 manifestants massés devant le Parlement. Question à vous les Français, si souvent prompts à vous rebeller, à vous révolter : faut-il vraiment qu'on vous impose le même traitement pour que vous vous sentiez concernés ? Faut-il vraiment que ce que l'UE et le FMI imposent à Athènes, ils l'imposent aussi à Rome, à Madrid, à Lisbonne et à Paris, pour que vous commenciez à ouvrir les yeux ?

 

Florilège des décisions prises par le Parlement grec, sous la menace de Bruxelles :

 

 

L'âge de la retraite recule de 65 à 67 ans.

Les retraites supérieures à 1000 euros subissont une baisse de 25 %

Réduction jusqu'à 27 % des salaires des haut-fonctionnaires : Brut mensuel de 1872 euros pour le Chef de l'Etat-Major de l'armée. Brut mensuel de 1459 euros pour un professeur d'université.

Baisse des salaires du secteur public.

Dérégulation accrue du marché du travail et des services.

Réduction des indemnités de licenciement.

Augmentation des taxes.

Diminution des prestations sociales et de santé.

Et, pour conclure, sans ironie, mais avec un réel humour - noir -  diminution des salaires des employés du... Parlement.

 

Les équilibres budgétaires, les déficits, les crises économiques, ne sont pas l'oeuvre des peuples, elles sont l'oeuvre des gouvernants et des banquiers. Moralité : ce n'est pas aux peuples de payer. FMI, BCE et Union Européenne, vous vous trompez d'adresse. La faillite n'est pas de ce côté. Les subprimes n'ont pas été conçus à Athènes, ni à Rome. Pas davantage à Paris. Aux vrais responsables de payer le prix. Le prix des conséquences des crises qu'ils ont créées.

Place de Syntagma, la Place centrale d'Athènes, l'une des banderoles des manifestants dit bien les raisons de la colère : "A bas la politique de soumission et d'humiliation". Une autre affirme : "Résistance aux mesures de misère". Une troisième réclame l'application d'un remède souvent appliqué, dans les années quatre-vingt, aux pays en voie de développement : "Effacement de la dette". A Athènes, une nouvelle manifestation est prévue le dimanche 11 novembre, au moment du vote au Parlement du budget 2013. Budget qui, dans un premier temps, imposera aux Grecs 9 milliards d'euros d'économies. Pour un total de 18 milliards d'économies d'ici 2016.

Austérité ou faillitte, c'est toujours l'incontournable dilemme, sinon le diabolique chantage, posé, proposé, imposé, aux parlementaires grecs. Le pays enfermé, verrouillé, dans un carcan d'austérité, en échange de perfusions financières ponctuelles. Pourtant, de nombreux économistes, du monde entier, estiment que le "tout austérité" n'est pas la réponse adaptée à la crise de la dette en Europe. Notamment dans la zone euro.

Sous nos yeux, c'est la Grèce que l'Europe, empêtrée dans son bon droit et ses réglementations stupides, étouffe, étrangle.

Sous nos yeux, c'est le peuple grec qu'on assassine. Combien de temps va-t-il encore nous falloir pour que l'un d'entre nous se lève et ose dire à la face de ces assassins et de ces fossoyeurs : ça suffit !

 

 

 


 

 

 

 

    .           

 

 

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7 novembre 2012 3 07 /11 /novembre /2012 17:11

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Paris. Drouant. 7 novembre 2012.                                                                 © Jean-Louis Crimon 

 

 

Incroyable cohue. Attroupement des grands jours dans la rue. Depardieu qui passe et qui arrête sa moto. Parle de la victoire d'Obama. Le Clezio qui sort du Renaudot. Les petites vieilles et les petits vieux du quartier qui piaffent d'impatience devant le buffet : aujourd'hui, c'est gratuit. Ici, on sait recevoir. Faut juste le savoir. Les riverains ne manqueraient l'évènement pour rien au monde.

Un tel engouement pour la littérature, ça n'arrive qu'une fois par an. C'est chez Drouant. Pour le rituel annuel du Goncourt. Engouement pour la littérature, pas sûr. Pour les images surtout. Qu'il faut absolument montrer dans les 13 heures respectifs. Pour les sons, les propos recueillis aussi. Les photos des magazines et des quotidiens. Canal +, BFM, France 2, France Info, Euope, RTL, ça bouscule sec pour s'imposer, ça cadre, ça s'engueule, ça perche dans tous les sens, côté sondiers, et ça se fait même... incendier.

Le sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, c'est le roman de Jérôme Ferrari. Le Goncourt de cette année. Le plus prestigieux des prix littéraires. Ferrari a remporté le match contre Deville, déjà primé, par 5 à 4. Le roman : deux amis décident de mettre un terme à leurs études de philosophie pour ouvrir un bar en Corse. Ils rêvent de faire de ce lieu le meilleur des mondes possibles. Mais c'est l'enfer qui s'installe au comptoir... Pour le bonheur des journalistes en manque de matière, Régis Debray, l'un des dix, parle très bien d'Histoire et de métaphore... Fait l'éloge de la métaphore dans le roman primé. Puis s'en retourne au déjeuner donné en l'honneur du lauréat. Laissant sur leur faim les poseurs de questions.

Prof de philo à Abou Dabi, l'avion et le décalage ont mis Ferrari dans un état second. C'est lui qui le dit. L'entrée chez Drouant a été pour le moins sportive. "J'en ai perdu ma casquette", lâche dans un large sourire le portier du célèbre restaurant. Le lauréat reste zen. Reconnait, sans peine, avoir vécu une matinée un peu tendue. Etre dans le dernier carré, forcément, on se dit qu'on a une chance. Une chance sur quatre. Son roman ? une réflexion sur la condition humaine. Une fable philosophique sur les espérances déçues et la fragilité des empires. Rome détruite par les barbares et le sermon de Saint Augustin pour garder espoir. En 410 de notre ère. Citation du sage qui devient exergue et phrase d'ouverture : "Le monde est comme un homme, il naît, il grandit et il meurt...


Déconcertante, vraiment, la question d'une journaliste, perdue derrière la meute de ses consoeurs et confrères :

- Vous pourriez nous faire un sermon, maintenant ?

La réponse du Goncourt ne manque ni d'humour, ni d'allant :

- Ce serait élégant, par rapport au titre, mais ça dépasse mes capacités actuelles !

 

Reste la quatrième de couverture, pour en savoir davantage. C'est l'Editeur qui parle : "Jérome Ferrari jette, au fil d'une écriture somptueuse d'exigence, une lumière impitoyable sur la malédiction qui condamne les hommes à voir s'effondrer les mondes qu'ils édifient et à accomplir, ici-bas, leur part d'échec en refondant sans trêve, sur le sang ou les larmes, leurs impossibles mythologies."

Plus simplement, le roman de Ferrari se veut une réflexion sur l'homme et l'âme humaine. L'homme qui, sans cesse, détruit ses rêves. Comme s'il n'avait, à sa portée, d'autres moyens, que de détruire pour à nouveau construire et... continuer à rêver. 

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6 novembre 2012 2 06 /11 /novembre /2012 18:17

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Paris. Octobre 2012.                                                                                   © Jean-Louis Crimon 

 

 

Rien n'arrête celui qui arrête l'instant. Photo compulsive. Incisive. Décisive. Besoin impérieux d'arrêter, de fixer, le temps. A tout moment. A chaque instant. Nécessité vitale. Fatale. Irrépressible. Volonté d'enrayer le flux destructeur du temps. Temps qui passe et qui fait que nous passons. Même les passants. Même la passante, avenue du temps qui passe. Nous ne sommes que des passants. Passion furieuse. Labo... rieuse.

Avec ce paradoxe congénital : comment arrêter l'instant sans tuer le mouvement ? Ou bien : comment opérer le mouvement qui s'opère dans l'instant ? Sans tuer l'instant.

Soudain, la photo s'impose.  Quid du mouvement dans l'instant arrêté ? Et si l'instant qu'on arrête continuait à... marcher.    

Heureusement, sauvé ! L'instant est sauf ! Le flou nous sauve. Le flou qui est signe du mouvement, signe la photo. La photo du mouvement.  Du mouvement arrêté et restitué. Dans son... mouvement.

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5 novembre 2012 1 05 /11 /novembre /2012 20:34

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Paris. Octobre 2012.                                                                                 © Jean-Louis Crimon  

 

 

Dialogue avec moi-même :

 

- Elle, c'est Elle !

- Tu la connais ?

- Pas le moins du monde !

- Comment sais-tu que c'est elle ?

- Elle, c'est Elle !

- Alors, tu la connais !

- Ni des lèvres, ni des dents !

- On doit dire : ni d'Eve, ni d'Adam !

- Oui, je sais, mais j'préfère "ni des lèvres, ni des dents", c'est plus excitant !

- Comment peux-tu dire une chose pareille d'une fille que tu ne connais même pas !

- Fastoche, c'est écrit en toutes lettres, sur le mur, juste en face !

- T'es malade ou quoi ?

- Pas du tout ! Je sais lire, c'est tout !

- Vraiment malade, comme mec ! Obsédé !

- Modère tes propos, s'il te plaît !

- Non ! Pas question ! J'maintiens : obsédé ! Tout ça pour la prendre en photo !

- Tu sais, c'est une question d'oeil ! de regard ! de vision !

- Dis que je suis bigleux !

- Parfaitement, tu vois que dalle ! Tu vois que couic !

- Et toi, forcément, tu vois ce que les autres ne voient pas ? 

- Parfaitement ! C'est le rôle de l'artiste ! La preuve : Elle, C'est Elle !

- A la fin, tu m'énerves ! Tu m'gonfles ! Balance là ta vanne à deux balles ! Ton mot à deux euros !

- Un peu de respect pour l'artiste, Môssieur !

- J'attends !

- Sur le mur, légèrement sur la gauche, au-dessus de la belle silhouette féminine...

- J'vois rien !

- Trois lettres...

- T'arrêtes avec ton scrabble de ville !

- Trois lettres, que j'te dis !

- J'vois pas !

- Alors, amène-toi, j'vais te mettre le nez dessus !

- Bon, me brutalise pas !

- Là, tu les vois ?

- Ouais, mais j'pige pas...

- T'es vraiment long à la détente ! Trois lettres... en jaune... sur fond bleu...

- L C L, oui, et alors ?

- Bon, c'est mort, t'es trop nul ! L C L, bordel, Elle C'est Elle ! ELLE C'EST ELLE ! ELLE, C'EST ELLE !

- C'est bien c'que je pensais : t'es atteint d'une maladie grave, un truc genre don de double vue !

- Mais si c'est un don, voyons, c'est un cadeau. Un cadeau de ouf', espèce de pouf' ! 

 

C'est comme ça qu'a pris fin le dialogue avec moi. Un autre moi. Cet autre moi. Qui me met souvent hors de moi. Un "moi" vraiment pénible. Toujours à la traîne. Toujours à la ramasse ! Heureusement que je suis là pour l'éveiller un peu. Pour lui apprendre à voir. Pour lui apprendre à... ouvrir les yeux.

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4 novembre 2012 7 04 /11 /novembre /2012 20:33

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Paris, 4 novembre 2012. Cinéma Saint-Germain.                                          © Jean-Louis Crimon  

 

 

C'est un dimanche matin pluvieux de novembre. Un temps de Toussaint à Saint-Germain. Un temps d'automne à garder la chambre. Dehors, résigné, le balayeur pousse son caddie de feuilles mortes. Au Bonaparte, qui donne sur la grand-place, la dame qui vient d'entrer semble frigorifiée. Dialogue savoureux avec le garçon :

- J'aimerais un petit crème...

- Taille unique en crème !

- Alors une noisette, ça suffira.

J'adore les conversations faussement anodines quand, dehors, le vent fouette la pluie chagrine. Prix du petit noir au Bonaparte -taxes et service compris- 3 euros 30. A la vitre du temps qui passe, s'écoule volontiers le quart d'heure que j'ai d'avance. Je laisse près de ma tasse le compte juste des pièces. Sans pourboire puisque le service est compris. Je me lève et je salue le garçon. Dehors, la pluie hésite à redoubler ou à s'effacer. Je m'engouffre dans le hall du Saint-Germain.

Ils sont une bonne trentaine à se retrouver au cinéma du 22 rue Guillaume-Apollinaire. Pas très loin du métro Saint-Germain-des-Prés. Pour le séminaire de Yann Moix. Entrée libre et gratuite. Aujourdh'hui : le parti pris de Ponge. Invité : Philippe Sollers. Texte de référence L'huître. Qu'on peut lire sur le grand écran. Pratique une salle de cinéma pour y tenir séminaire. L'écran accueille superbement l'écrit. Plus tard, une superbe photographie de Francis Ponge prendra la place du poème..

De Ponge, je l'avoue, je n'ai pas lu grand chose. En ai soudain un peu honte. Le cageot, Le savonL'huître... Des textes qui m'ont toujours déconcerté. Dérouté. Faute d'avoir vraiment lu Le Parti pris des Choses. Survolé. Médiocrement parcouru. Sur Ponge, avoir fait l'impasse. Sûr que Yann Moix me dirait, consterné : ça me dépasse !

 

Derrière-moi, ça bavarde. Dans mon dos, morceau d'anthologie :

- Salut, tu es là ? Comme il y avait pas mal de cheveux blancs, de dos, je ne te reconnaissais pas...

- Ah, bon !

- Qu'est-ce que tu as pris ? Un chocolat ?

- Non, un cachou !

- Tiens, essuie-toi, tu t'en es mis partout. C'est pas très propre !

 

Devant moi, à droite :

- Culinairement parlant, il eût mieux valu manger plus tôt...

 

C'est étrange, les gens chuchottent comme à l'église. Banalités de ceux qui sont venus pour écouter. Ecouter Yann Moix et Sollers. Philippe Sollers.

Onze heures dix, Yann Moix vient d'arriver.

- Bonjour ! Pas d'inquiétude. On attend juste Philippe Sollers qui nous rejoint dans trois minutes. Il est déjà là.

Soupir de soulagement dans la salle. Yann Moix reprend : Qu'est-ce que je fais ? Je meuble un peu... sur ce séminaire qui n'a pas encore eu lieu... En fait, j'ai fait Proust la semaine dernière, mais nous n'y reviendrons pas. Sur Proust, on a l'impression que tout a déjà été dit... Sur Ponge, au contraire, tout est à faire...

Bon, je suis content que vous soyez-là... Il y a déjà plus de monde dans cette salle-là que pour "Astérix", hier soir !

Dans la salle, quelqu'un dit : c'est réconfortant.

Enfin Sollers arrive. Yann Moix le salue comme il se doit. Lui avoue tout ce qu'il lui doit. Commence alors le long cheminement de Moix. Réflexion ponctuée de citations. Riche réflexion. Avec une certaine hauteur de vue. Ou de vues.

Moix et Sollers ont réussi leur prestation. Chacun sa mi-temps. Sans mi-temps. D'abord Moix pour une métaphysique de Ponge. Qui passait par Heidegger et Péguy. Même si, pour Sollers, Heidegger aurait suffit. La parenté Péguy/Ponge n'a semble-t-il, pas été tout à fait du goût de Sollers. Moix a poursuivi son approche.

Peu avant midi, une grincheuse lance : ça suffit !  c'est Sollers qu'on veut entendre ! Moix ne se laisse pas dérouter. Moix poursuit sa route. Belle progression. Exigeante. Ardente. Ardue aussi. Avant de passer le micro à son illustre invité. Philippe Sollers. Pour une lecture commentée de Ponge. Commentée. Comme hantée. Par le souvenir de Ponge. Sollers a connu Ponge. Sollers a invité Ponge à l'Ile de Ré. Sollers a mangé des huîtres avec Ponge. Sollers a parlé de l'homme Ponge. Un homme modeste. Presque pauvre. Qui déjeunait parfois d'un morceau de sucre. Emouvante leçon. Emouvante leçon de... choses. Sollers parlant de Ponge et de son énergie solaire... Le soleil, la putain rousse. Belle énergie solaire. Belle énergie Sollers !

Alors Sollers nous met en orbite. La planète Ponge nous est enfin visible. Accessible. L'érotisation de Ponge. Le mot touche la chose. La chose est touchée par le mot. La lecture de L'oeillet. Ponge, entre Littré et Linné. Entre l'homme du dictionnaire, l'herbier des mots, et l'homme qui nomme les choses de la nature, les plantes. Le soleil placé en abîme. Le soleil, ni la mort, ne peuvent se regarder fixement.

Au fond, le meilleur parti à prendre, recommandation de Ponge dans Proèmes : "considérer toute chose comme inconnue et reprendre tout au début".

Sollers parlant de Ponge, la salle buvait ses paroles et moi j'étais là, comme une é/ponge.

Treize heures déjà. Merci au tandem Moix/Sollers. Tous deux d'excellents Pongistes. Sans petite balle jaune, et surtout sans filet. Mission accomplie. Dans la salle, nous sommes nombreux à n'avoir qu'une seule envie. Une envie de Ponge. Relire Ponge. Relire Le Parti pris des Choses. Sans parti pris.

Pour ça, Moix/Sollers, merci.

 

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3 novembre 2012 6 03 /11 /novembre /2012 13:12

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Paris. Rue Gros. Octobre 2012.                                                                       © Jean-Louis Crimon                  

 

 

Feuille qu'automne endeuille

Vivants que mort effeuille

 

De vie à trépas

La faux n'hésite pas

 

Attention au faux pas

C'est son dernier repas

 

Cruel destin de feuille

Que vent trop froid accueille

 

Succombe au moindre écueil

Pour dormir sans cercueil

 

Qu'importe la saison

Mort a toujours raison

 

La mort toujours emporte

La vie qui prend la porte

 

       Crimon  (La Chanson amère)

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