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28 janvier 2012 6 28 /01 /janvier /2012 09:22

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Paris. Lycée La Fontaine. Mai 2012.                                                          © Jean-Louis Crimon    

 

 

Sur le quai, en général, on ne parle pas "politique". Le bouquiniste, par tempérament, ou à cause des intempéries, parfois -rarement- intempérant, est rebelle à tout, s'affirme contre tout, oui, franchement contre. Dans une même tirade, il vous critique le Maire de Paris, l'actuel, l'ancien aussi d'ailleurs, qui, "s'il revenait aux affaires, ne serait pas meilleur". Critique tout autant l'actuel Président, le gouvernement, l'opposition, l'Etat, la France, l'Europe, et le monde libéral. Dans ses "libéralités", le bouquiniste n'oublie pas les socialistes et les communistes qu'il ne ménage aucunement. Anarchiste, le bouquiniste ? Sans doute, mais de "droite". Anarchiste de droite.

Je caricature à peine. Depuis bientôt deux ans de vie à l'intérieur de cette corporation bizarre, j'en ai entendu de toutes les couleurs -politiques, s'entend. Des vertes et des pas mûres. Des blettes, et des "avariées" qui ne varient pas. Et puis, des franchement "pourries". Stoïque sur ma portion de quai, j'écoute, souvent en silence, l'incroyable litanie des aigreurs et des aigris. Je prends mon mal en patience. Je ne suis que de passage. On est tous de passage. La différence, c'est qu'eux, se croient éternels. Moi, j'ai la conscience aigüe que cela ne dure pas. Pas très longtemps. Je sais que tout passe et que nous passerons. Que valent les certitudes des mortels que nous sommes ? Nos convictions, nos vérités, n'ont rien d'inoxydable. Le temps qui rouille tout, les métaux, les sentiments, les idées, les enthousiasmes, aura raison de nous. Certains d'entre nous rêvent de changer le monde, de "changer la vie", mais le cri de Rimbaud, détourné un temps par les socialistes de François Mitterrand, n'a pas vraiment transformé nos façons d'être ou de gouverner. Désormais, tous les cinq ans, le peuple choisit son "représentant". Son "champion". C'est le temps de la campagne de l'élection Présidentielle. Nous y sommes.

La campagne à la ville, la campagne vue du quai, ça ne manque de piquant. Le bouquiniste peut, s'il le veut, devenir le chroniqueur du bout du quai. L'Editorialiste du coin de la rue. Le billetiste impromptu. Parfois, au vol, on chope des bribes de paroles de passants. On entend des gens qui parlent de "l'hyper Président". Sans savoir comment ça s'écrit vraiment.  Moi, j'ai ma petite idée. Je lis dans les sons. Je sais lire en creux le trop plein. Tout petit déjà, j'avais cette manie de chercher d'autres sens que le sens courant. Avec l'âge, ça s'accentue. J'adore le sens qui tue. Qui destitue. Les exactes paroles de la chanson amère de ceux que le pouvoir exaspère, j'en maîtrise parfaitement  la secrète orthographe. Je lis très bien entre les lignes. Entre les signes. Je décrypte, je décode, j'ai le son filigrane.

En un instant, dans la bouche des gens, parole, "L'hyper Président" est devenu... "L'y perd Président". M'a bien plu ! J'adore -pardonnez-moi- mon côté déco... dant !

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 18:55

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© Jean-Louis Crimon                                                                  Quai de la Tournelle. 2011.

 


- Vous, au moins, vous faites partie des courageux !

- Pourquoi donc, monsieur ?

- En début d'après-midi, vous n'étiez pas nombreux...

- Nombreux ?

- A être ouverts...

- Avec la pluie, vous savez, faut comprendre les confrères...

- Oui, mais sans vous, les quais, c'est désert ...

- Nous ne sommes pas des fonctionnaires ...

- On peut toucher ?

- Oui, bien sûr, et même, si ça vous dit... feuilleter...

- C'est gentil ..

- Et même lire un peu, c'est gratuit ...

- C'est agréable, avec vous... Vos voisins, ils plastifient tout, et on ne peut toucher à rien...

- Faut les comprendre, sous cellophane, le livre est beaucoup moins vulnérable...

- Moins vulnérable...

- Au vent, à la poussière, aux "mains sales", à la pluie, que sais-je ? A force, le livre s'use et s'abîme...

- Celui-ci aussi, je peux le toucher ,

- Oui, bien sûr, pourquoi pas ?

- Vous avez vu son titre !

- Oui, c'est un San-Antonio, Fleuve noir, première époque !

- Son titre, j'vous dis ! j'peux le prendre en main ?

- Touchez-le, parcourez-le, humez-le, goûtez-le, caressez-le ...

- Impossible, monsieur le bouquiniste !

- Pourquoi donc, monsieur le perfectionniste !

- Parce que c'est écrit, en grosses lettres, sur la couverture "BAS LES PATTES" !

- Très drôle, monsieur, c'est dix euros, mais je vous le laisse à huit, si ça fait un heureux.

 

L'homme, plutôt fier de lui, a payé le prix. Fier d'être l'auteur d'un bon mot. De saluer ainsi le père de San-Antonio.

 

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 15:39

 

Lu dans Le Figaro Littéraire de ce matin la très belle "Lettre à Eric Rohmer" de Carole Desbarats, auteur de "Conte d'été", un livre destiné aux Terminales " L" pour leur faire découvrir l'oeuvre d'exception de ce cinéaste d'exception.

En fait, texte et contexte, cette "Lettre à Eric Rohmer" est une mise au point consécutive à l' "Apostrophe" publiée il y a huit jours par Etienne de Montety à propos de la disparition des accents circonflexes dans l'ouvrage de Carole Desbarats.

La semaine dernière, Etienne de Montety avait écrit : " Le texte de Carole Desbarats frappe par sa qualité d'analyse de l'oeuvre de Rohmer et la disparition de nombreux accents circonflexes. On croit d'abord à des coquilles avant de comprendre: c'est la nouvelle orthographe décrétée par l'Education nationale et qui entre en vigueur." Dit comme ça, on pouvait naturellement penser que l'auteur en question, universitaire ou pas, était en partie co-responsable, sinon coupable de la disparition des accents en question. Même si un avertissement faussement sibyllin annonçait froidement l'assassinat des circonflexes. Par un laconique : "Cet ouvrage est conforme à la nouvelle orthographe". Mise à mort de l'accent circonflexe officilisée chez les Terminales Littéraires !

On comprend d'autant mieux la vigueur, toute pédagogique, de la mise au point de l'auteur concerné qui affirme très clairement: " En clair, cette conformité à l'orthographe nouvelle n'est pas de mon fait. On ne m'a d'ailleurs pas demandé mon avis pour l'appliquer." Incroyable. Méthodes inquiétantes. En quel siècle, en quel pays, vivons-nous ? Sans que le terrain soit totalement circonscrit, j'avoue être pour le moins circonspect devant la mort annoncée du circonflexe.

Ce n'est pas pour mettre un point final au débat, mais vraiment je me demande ce qu'en penserait Théophile Gautier qui écrivait, je ne sais plus où, " Des sourcils circonflexes et dont le poil se rebroussait en virgule". Je n'en appelle pas encore à Bernard Pivot, Académicien Goncourt devenu,  qui s'était ému, il y a près de 20 ans déjà, de la disparition du point-virgule.

En tout cas, Carole Desbarats, merci pour votre "Lettre à Rohmer", même si sa lecture laisse un peu amer. 

Une telle défense du "circonflexe" mérite le respect. On est tenté de dire et d'écrire, en toute hâte, Madame Desbarats, ... Chapeau !

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 19:15

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Mes quatre boîtes, 41 quai de la Tournelle.                                             © Jean-Louis Crimon   

 

 

Les ouvrages consacrés aux bouquinistes ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait le penser. Au Castor Astral, en juillet 2000 - déjà bientôt 12 ans - est paru, préfacé par Guy Béart, le livre de Guy Silva. Titre: "Avec les Bouquinistes des Quais de Paris". Sous-titre: La plus grande Librairie du Monde. Un beau cahier photo d'une trentaine de pages, des entretiens-portraits avec les plus parlants - si l'on peut dire- des bouquinistes de l'époque, constituent l'ossature du travail de Guy Silva.

A la fois carnets d'un flâneur et petite monographie historique bien documentée, le livre de ce journaliste des arts et du spectacle mérite toujours le détour, mieux : le parcours. On y apprend beaucoup et on y gagne, dès le début de la lecture, l'irrésistible envie d'aller faire un tour rive gauche ou rive droite. Ce qui n'est pas le moindre des mérites. De la plongée dans un livre, tu ne sais jamais ce dont tu hérites. Cette fois, le désir de sortir, l'envie d'aller voir, d'y aller vraiment. Le plus beau des encouragements. La plus belle des incitations. La plus irrésistible. Textuellement : celle à laquelle on ne résiste pas.

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24 janvier 2012 2 24 /01 /janvier /2012 16:38

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© Jean-Louis Crimon                                     Quai de la Tournelle, l'averse est belle.     Mars 2011.

 

 

Pluie froide sur le quai. Les boîtes vertes restent muettes. Déjà, ces derniers jours, sur la portion qui va de Montebello à La Tournelle, mon parcours préféré, nous n'étions pas très nombreux à risquer l'ouverture. A peine cinq ou six. Le mauvais temps n'explique pas tout. Un de mes voisins m'a dit : "Avec les soldes, tu comprends, les gens n'ont plus d'argent pour la littérature !"

J'ai pensé à la citation en exergue du catalogue d'un ami féru de livres anciens: "Quand j'ai un peu d'argent,  j'achète des livres et s'il m'en reste, des vêtements et de la nourriture."

Un café ou un Poche, à qui trouve le nom de l'auteur de la citation ! Un choix de vie vraiment impensable aujourd'hui. Plus dans l'air du temps. Pas même les jours de mauvais temps.

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 20:43

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 Abbeville-Amiens.

 

 

L'homme s'est arrêté près de la boîte aux livres de cyclisme. On a parlé du Tourmalet, du Peyresourde, de l'Aubisque, de l'Aspin et du temps où sans doute, lui comme moi, on pesait 30 ans et 30 kilos de moins. D'un coup, d'un seul, voulant révéler d'une façon aussi imagée que définitive, le secret de ces coureurs qui montent vers les sommets dans une allégresse faite de souplesse et -presque- de tendresse, comme s'ils caressaient la montagne avant de la basculer d'un coup de rein irrésistible (PHRASE TROP LONGUE !), d'un coup, d'un seul, il a claqué sa formule, comme on plante un démarrage :

F = p x sin α

Il a développé le raisonnement à la manière des profs de maths d'autrefois. Je restitue simplement. Sans la voix. Sans le talent. C'était grandiose. Ecoutez plutôt :

"La force à développer pour monter le Tourmalet est proportionnelle au poids et au sinus de l'angle. Le sinus de l'angle étant le même pour tout le monde, si vous pesez 90 kilos, vous devez développer le double de la force développée par un coureur de 45 kilos ! " CQFD.

Depuis j'ai repris l'entrainement. Mais ça ne vous surprendra pas, j'ai décidé de commencer par le plat.

 

 

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 23:24

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Ma petite librairie de plein air, 41, quai de la Tournelle. Août 2011.                   © Jean-Louis Crimon    

 

 

Pas une semaine où un passant attachant, une passante touchante, un touriste artiste, ou simplement curieux, ne pose la question rituelle de la naissance de cette tradition : ça remonte à quand ?

Pour répondre, l'ouvrage de Jacques Hillairet "L'île de la Cité"  (Les éditions de Minuit, 1970) est un bon point de départ. Page 88, après un joli passage sur la naissance du Pont Neuf et la création de la Place Dauphine, l'auteur mentionne la présence d'une petite trentaine de "bouquinistes".  Souligne aussi les rapports déjà tendus à l'époque entre ces premiers "libraires de plein air" et les libraires "en dur".

"En 1619, il y avait déjà ici vingt-neuf bouquinistes, que les libraires, jaloux de leur négoce, firent déguerpir en 1650, 1686, et 1742. En 1675, on installa des boutiques sur les demi-lunes situées au-dessus des avant-becs des piles, emplacements où l'on avait envisagé d'ériger sur des piédestaux les statuts des plus illustres rois. Supprimées en 1756, elles furent remplacées, en 1775, par des pavillons en pierre, couverts de voûtes en demi-coupole, oeuvre de Soufflot. Au nombre de vingt, ils furent loués au profit de l'académie de Saint-Luc (peintres et sculpteurs) au prix annuel de 600 livres pour ceux du trottoir Est et de 1200 livres pour ceux du trottoir Ouest, le plus fréquenté. Ces pavillons devenus en 1807 la propriété des Hospices, devaient disparaître lors de la réparation du pont en 1848-1855."

On aimerait en savoir davantage. C'est juste un point de départ. Une piste à creuser.

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 13:02

 

- Le crachin, pouah !

- On se croirait en Bretagne ...

- Un vrai temps de Toussaint  ...

- Le fond de l'air est doux !

- Oui, un temps de Toussaint !

- Non, un temps de "doux seins" !

 

Dialogue du bout du quai. Bouquinistes en partance. Marins improbables. Traversée en solitaire. Tout le monde n'ouvre pas. Le temps ne s'y prête pas. "Pluie du matin passe son chemin". Pas très sûr aujourd'hui. On est bientôt le début de l'après-midi.

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 13:04

 

"Douceur et humiditié. Vents turbulents et fortes pluies au nord de la Seine." Je trouve une beauté tendre aux mots de la météo. Le matin, à la radio, les prévisionnistes ont le talent incroyable de vous parler du temps, du temps qu'il fait ou qu'il va faire, avec des accents de poètes. Ils écrivent avec la voix des poèmes destinés à vivre une heure à peine, une matinée parfois. Sitôt formulés, leurs mots s'en vont dans la tête des gens qui écoutent, plus ou moins distraitement sans doute, puis disparaissent. Un nuage, une averse, et tout s'efface. Un rayon de soleil attendu ou espéré pour l'après-mid, et c'est un nouveau poème en prose qui se pose. Une région où il va pleuvoir ou bien où il a plu, et c'est un poème perdu.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 13:46

 

La voix-météo de la radio l'avait annoncé très tôt matin dans son bulletin. "Temps maussade. Moins froid. Mais avec de la pluie". Les livres n'aiment pas la pluie. Les bouquinistes, forcément, non plus. Avec le vent, souvent présent sur les bords de Seine, ça pénètre sur le côté des boîtes. Tous les livres n'étant pas sous cellophane, certains deviennent vulnérables. Il faut "bâcher" et "rebâcher". Souvent.

Parfois, c'est lassant. Agaçant même. Alors, la pluie, le bouquiniste s'en méfie. Peste contre elle. Comme mon voisin Julien. La pluie, simple, - c'est lui qui le dit- il "déteste" ! Notez, tout autant le soleil en été ! Faut le voir alors, à coups de grands gestes désespérés, clamer à qui veut bien l'écouter : "fait chaud ! fait chaud !"

Moi, j'aime bien la pluie. Elle donne une ambiance particulière à la ville. Une couleur aussi. Les gens aussi sont différents. Ils s'arrêtent pour se mette à l'abri, sous vos auvents. Si vous avez des auvents.  C'est comme ça, les auvents ne protègent pas vraiment du vent, mais plus sûrement de la pluie. Comme aujourd'hui. Parfois, sous le auvent, on cause, on parle, on discute. Et on ... vend. Aujourd'hui "Les petites âmes" de Paul Géraldy. Albert Messein Editeur. 1929.

Les ventes sous le auvent sont les plus agréables des ventes. On y échange autre chose que de l'argent. C'est pourquoi j'aime bien la pluie. C'est pourquoi j'aime bien les jours de pluie.

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