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7 mai 2012 1 07 /05 /mai /2012 21:53

 

Juste une impression. Impression matinale. On se sent mieux. On respire mieux. On se sourit. On se parle dans la rue. On s'écoute. On écoute. La libraire de la rue Jean de La Fontaine a son beau sourire du début de semaine. Aujourd'hui est un jour particulier. C'est "Le jour d'après". Le lendemain de la victoire. La victoire du candidat de gauche. La victoire de François Hollande. La nuit a été courte. Ceux de la Bastille se sont couchés vers deux ou trois heures du matin. Levés tôt quand même. La vie reprend ses droits. La France qui se lève tôt, ou un peu plus tard, reprend son rythme. La France des retraités ou des rentiers du XVIème aussi.

Dans la librairie, comme à chaque lendemain d'élection présidentielle, les gens achètent davantage. Simple, me confie la libraire, je vais doubler mon chiffre d'affaires. "Celui qui, d'habitude, achète un journal, aujourd'hui, il en achète deux. Souvent Le Figaro  et un autre titre. Pas comme vous, vous c'est toujours Libé et L'Huma. L'Huma, ici, à part vous, j'en vends pas. Aujourd'hui, y m'en ont mis trois." Tous les quotidiens, forcément, titrent, pleine page, sur la victoire de François Hollande.

François Hollande est allé, lui aussi, pas trop tôt matin, au turbin. Son turbin à lui, c'est avenue de Ségur, dans le 7ème arrondissement. QG de campagne rebaptisé ce matin QG de transition. Les choses sérieuses commencent. Le Président élu a du pain sur la planche. D'abord plancher sur les premières mesures. Baisse de 30% du salaire du Président et des ministres. Au-delà du symbole, vrai geste de solidarité. Partage des efforts demandés au peuple. Geste d'un vrai Chef d'Etat. Loin du Fouquet's et des Rolex. Geste essentiel. Pour rompre avec le superficiel.

 

La nuit dernière, à la Bastille, Noah, Cali, Martine Aubry, Laurent Fabius, Manuel Valls, Stéphane Le Foll, Lionel Jospin, Harlem Désir, Ségolène Royal, Vincent Peillon, Aurélie Filippetti ou Pierre Moscovici, personne n'a chanté Le temps des cerises. J'ai trouvé ça dommage. Marseillaise et Internationale font trop d'un autre âge. Ce matin, toutes les radios nous rejouent Le temps des crises. Sûr, on le sait, on l'imagine, on le devine, la tâche qui attend le nouveau Président ne sera pas facile. Mais, déjà, la façon de procéder est un signe. Discrétion. Efficacité. Quelques mots quand même aux journalistes qui attendent avenue Ségur, devant le QG de transition : "Je dois me préparer. J'ai dit que j'étais prêt. Je dois l'être complétement." Modestie et sérieux. Gentillesse aussi. L'homme se prépare. Il le dit. Simplement. En douceur. Avec détermination.

 

Dès demain, à la demande du Président en exercice, François Hollande co-présidera les cérémonies du 8 mai. Le sortant et l'élu, tous les deux, côte à côte, sous l'Arc de Triomphe : belle image d'une démocratie française enfin à nouveau apaisée. Puis ce sera, dans huit jours, la passation de pouvoir, fixée, d'un commun accord, au mardi 15 mai. Dans la foulée, sera donné le nom du premier ministre. Mercredi ou jeudi, devrait suivre la composition de l'équipe gouvernementale. Le 16 mai, François Hollande doit être à Berlin. L'agenda international est déjà très chargé :  G 8, G 20, Sommet de l'Otan. Sans oublier la réunion des 27, à Bruxelles, le 28 juin, réunion d'arbitrage sur les différentes propositions concernant la croissance. François Hollande n'a pas caché, durant la campagne, sa volonté de renégocier le fameux traité de stabilité budgétaire. "L'Europe austéritaire", selon la formule de Mélenchon a des soucis à se faire. Mme Merkel a fait savoir qu'elle accueillerait le nouveau Président de la République Française "à bras ouverts". De la part de celle qui avait imprudemment affiché un soutien sans nuances au Président sortant, cette soudaine ouverture, des bras, est touchante. Réaliste surtout. Logique en tout cas. François Hollande n'en doutait pas. L'homme fort, désormais, c'est lui. Pas celui de la "France Forte". La belle affiche de la "France Forte" est... morte. Son leader a confirmé sa volonté d'abandonner la vie politique. Une page se tourne. Définitivement. Changement de style. Changement de ton. Changement de fond. Nécessité salutaire : retrouver un peu de profondeur, un peu de légéreté aussi.  Place à ce beau slogan : "Le changement, c'est maintenant". Un slogan à incarner dans le réel. A conjuguer dans la réalité. Dans la réalité de chaque jour.  A faire vivre. Maintenant. Ici et maintenant.

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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 18:26

 

C'est fait. Ou presque. C'est officiel. Ou presque. Sarkozy est battu. Hollande est le nouveau Président. Le septième Président de la République Française. Le septième Président de la Vème  République. C'est "presque" fait. Dans quatre minutes trente... Dans trois minutes... Dans deux... La télévision s'accroche à cette coutume audiovisuelle d'un autre âge. Hypocrise garantie. Aspect officiel-émotionnel maintenu. Pour un rituel convenu. Même si la France des réseaux dits sociaux sait déjà. Depuis une heure ou deux. Ou davantage. Enfin... c'est comme ça.

20 heures ! Premières estimations : Hollande : 51,90 %, Sarkozy :42,10 %.  Estimations "officielles". Bien avant 20 heures, sur la 2, David Pujadas rame comme un fou pour essayer de maintenir un peu de suspens, mais les images de Solférino sont d'une telle évidence que l'artifice du "dimanche 6 mai, 20 heures", comme moment officiel de l'annonce, s'avoue un peu "éventé". Dépassé. Anachronique. Les images de la Concorde déserte,ou déjà déserée, sont aussi très "parlantes". Les médias officiels font semblant, mais l'info, officielle ou pas, est déjà connue. 

Vers 17 heures, les fans de Twitter twittent à qui mieux mieux : "Radio Londres : 5 consonnes et trois voyelles". Le message est clair. Variante : Les Pays-Bas l'emportent sur la Hongrie. Plus précis : 52 % de remise sur le gouda.

 

A l'Elysée, RTB ou Radio Suisse Romande, RG ou pas, en comité restreint, Nicolas Sarkozy a déjà déclaré qu'il était le seul responsable de l'échec. Qu'il ferait tout pour maintenir l'unité de sa famille. Sans pour autant conduire la bataille des législatives. Faut comprendre. L'homme est un homme de parole. D'honneur aussi :"Si je perds, j'arrête la politique !"

20 h 20, Mutualité : Discours de Nicolas Sarkozy. Discours très classe. Très clair. Le battu fait face. Ne tergiverse pas. Comme si, soudain, la défaite, le rendait plus humain. 

"Le peuple français a fait son choix. Sifflets de la Mutualité...Je vous demande d'écouter ce que j'ai à vous dire. C'est un choix démocratique, républicain. François Hollande est le nouveau Président de la République. Je viens de l'avoir au téléphone...et je veux lui souhaiter "Bonne chance", au milieu des épreuves. Je l'ai félicité. Je lui ai souhaité bon courage."

Nouveaux sifflets. Sifflets à nouveau refusés par le Président sortant :
"Il y a quelque chose de plus grand que nous, c'est notre pays, c'est la France. Je voudrais remercier les Français de m'avoir fait l'honneur de présider aux destinées de la France, pendant ces cinq ans. Jamais je n'oublierai cet honneur. Je porte toute la responsabilité de cette défaite.Je ne suis pas un homme qui n'assume pas ses responsabilités. Il me faut en tirer toutes les conséquences...

"Quand on défend des valeurs, il faut les vivre. Laissez-moi cette liberté de dire... une autre époque s'ouvre, je resterai l'un des vôtres... ces idées, ces convictions... Après 35 ans de mandats politiques, après 10 ans de responsabilités au plus au niveau, mon engagement sera désormais différent. Au moment où je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français, je veux vous dire : jamais je ne pourrais vous donner tout ce que vous m'avez donné, vous m'avez tellement donné."

Et enfin, mots de la fin : "Soyons dignes, soyons patriotes, vous êtes la France éternelle, je vous aime, merci, bonsoir !"  

 

Pendant ce temps-là, à Tulle, au Conseil Général de Corrèze, le nouveau Président de la République peaufine son discours. Ses discours. Ses deux discours. Celui de Corrèze et celui de la Bastille. Car François Hollande a décidé de venir Place de la Bastille saluer ceux qui déjà font la fête. Des anciens d'un certain 10 mai 81 et des beaucoup plus jeunes qui n'avaient pas l'idée de ce que ça pouvait être, l'alternance. Pas l'idée. Pas le goût, non plus. Incroyable saveur d'un instant que l'on sent, confusément, historique. 

Ce soir, on renoue avec la grande histoire de la gauche au pouvoir. C'est le 10 mai 1981 qui s'en revient faire un  tour dans le siècle 21. C'est François 1er qui dit à François II : Bien joué. Puisqu'il était question de valeurs, puisque tous s'accordaient pour dire que ce n'était qu'un problème de valeurs, eh bien oui, affirmons nos valeurs, car nos valeurs ne sont pas les leurs.

 

21 h 20. Le discours de Tulle, enfin. Place de la Cathédrale. François Hollande a pris son temps.

"Les Français viennent de choisir le changement...Je mesure l'honneur qui m'est fait et la tâche qui m'attend...

J'adresse un salut répubicain à Nicolas Sarkozy qui a dirigé la France pendant 5 ans... Je suis fier d'avoir été capable de redonner l'espoir... Cette émotion doit être celle de la fierté, de la dignité... le changement que je vous propose, il doit être à la hauteur de la France, il commence maintenant...

"Ce soir, il n'y a pas deux France qui se font face. Il n'y a qu'une seule France, une seule nation réunie dans le même destin. Chacun, en France, dans la République, sera traité à égalité de droits et devoirs. Aucun enfant de la République ne sera laissé de côté... trop de fractures, trop de blessures, trop de ruptures, de coupures ont séparé nos concitoyens, c'en est fini. Le premier devoir du Président, c'est de rassembler et d'associer chaque citoyen à l'action commune pour relever les défis qui nous attendent ... la préservation de notre modèle social... la réorientation de l'Europe pour l'emploi. "Je demande à être jugé sur deux engagements majeurs : la justice et la jeunesse. J'ai confiance en la France, je la connais bien, j'ai eu l'occasion de mesurer les souffrances, les difficultés , mais aussi tous les atouts, toutes les chances de notre pays. J'ai évoqué tout au long des ces derniers mois le rêve français... la longue marche pour qu'à chaque génération nous vivions mieux, pour donner à nos enfants une vie meilleure... Servir  la République, la France, les causes, les valeurs, que j'ai portées et qui auront à être entendues ici et partout dans le monde."

 

Belles paroles. Qui tranchent avec tous ces discours de haine et de division, ces éloges de la "frontière" dans sa conception la plus sectaire. Beau discours. Tenu. Retenu. Emu. Emouvant. Beaux mots, simples et beaux comme des mots d'amour. On retrouve l'esprit de celui qui a dit un jour: "J'aime les gens quand d'autres sont fascinés par l'argent."

 

Une journée particulière. Une soirée historique. Dans le rétroviseur, des images, des séquences, d'un dimanche pas comme les autres. Matinée cependant classique, banale. Dans l'attente du premier chiffre de participation. Pour patienter, les infos rituelles du vote des deux finalistes. François Hollande a voté à Tulle, à 10 heures 32. En compagnie de sa compagne, Valérie Trierweller. 

Nicolas Sarkozy  a fait de même à 11 heures 52, au Lycée Jean de La Fontaine, dans le 16 ème arrondissement de Paris. En compagnie de Carla Bruni-Sarkozy. Un service d'ordre impressionnant. De nombreux militants et des familles qui attendent sagement. Pour une photo. Une photo de famille justement.

Midi. Premières indications sur la participation. 30,66 %. Mieux que pour le premier tour du 22 avril : 28,29 %. Un signe. Un signe, oui, mais un signe de quoi ? Le choix de Marine Le Pen de voter "Blanc" et le choix de François Bayrou de voter "Hollande" n'ont rien d'évident, de simple. Leurs électeurs peuvent, doivent, être déroutés. Comment vont-ils se comporter ? Et pour ceux qui ont déjà voté, comment se sont-ils comportés ?

 

17 heures. Second chiffre de la participation : 71,96 %. Près d'un point et demi de mieux par rapport au premier tour du 22 avril, à la même heure. 70,59 % . Sur un plan statistique, les observateurs estiment que l'on est sur une participation proche de celle de 1981.

 

Après-midi paisible, en Corrèze, pour François Hollande. Déjeuner et promenade. D'abord, un bon déjeuner composé d'un vrai repas corrèzien. Terrine de canard, côte de boeuf aux pommes de terre et, en dessert, un fraisier. Réunion à l'Elysée avec l'équipe de campagne, pour Nicolas Sarkozy. Au programme : préparation du discours de ce soir à la Mutualité.

Un visage, un nom, un Président. Edition spéciale... Les radios augmentent la cadence de la diffusion des auto-promos L'attente d'abord, puis à 20 heures précisément, estimation IPSOS.

Soirée électorale à l'heure d'Internet et dans le respect des règles officilles, rappelle David Pujadas, qui réaffirme, comme pour mieux se persuader lui-même : aucune estimation ne sera donnée avant 20 heures parce que c'est la loi et que nous respectons la loi.

Dès 16 heures, plusieurs milliers de militants se rassemblent  à Solferino. Ecran géant. Dans la cour de Solferino, impossible de progresser. Un cortège de Solferino vers la Bastille.

 

A  la Mutualité, ça siffle à volonté.  "Hollande en Corrèze, Sarkozy à l'Elysée". "Sarkozy, c'est pas fini". On annonce la venue de Nicolas Sarkozy vers 21 heures. Pour une déclaration.  Déjà, on parle des législatives. 10 et 17 juin prochains. Le troisième tour promet d'être à la hauteur des deux premiers. L'UMP espère déjà, ouvertement, un vote de "correction". Que la gauche n'ait pas tous les pouvoirs, le Sénat, les Régions... l'Elyése et le gouvernement.

 

En Grèce, les deux partis qui défendaient le plan de rigueur s'effondrent. Les Conservateurs et les Socio- Démocrates en paient le prix. La crise et la rigueur ont pour conséquences l'entrée au Parlement, à Athènes, du Parti néo-Nazi "Aube dorée", 7 % des voix : "L'heure de la peur a sonné pour les traîtres à la PatrieHonte à ceux qui nous ont traîné dans la boue !"

 

A Paris, pari perdu pour Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat sortant doit se faire une raison. Lui qui affichait une énergie et un otimisme à toute épreuve, et qui rêvait d'une surprise possible, sait bien que depuis la fin de l'après-midi, tout est plié. Il n'est plus, il ne sera jamais plus Président de la République. Ses arguments n'ont pas convaincu. La stratégie de sa dernière ligne droite a trop dérouté. Dans tous les sens du terme. Au point de faire traverser la rue au patron du Modem.

Avant 20 heures, pour sauver les apparences du respect des règles et la loi électorale, les journalistes meublent comme ils peuvent. Question : Quel sera le destin du nouveau Président de la République ? Quel que soit le Président. Si François Hollande est élu ? François Hollande ne doit pas s'attendre à un état de grâce. Si c'est lui le nouveau Président, il faut sortir de l'austérité en Europe.

Une autre question, ce soir, mais il encore trop tôt : quel destin attend celui qui perd ? qui a perdu ? qui a tout perdu ? Quel sera désormais le destin de Nicolas Sarkozy ? Ce soir, personne ne pose, ni n'ose poser la question. Tout le monde s'en fout. Personne ne le sait. Bien malin qui pourrait prétendre  le savoir. Nicolas Sarkozy, lui-même, ne le sait peut-être pas. Groggy, k.-o. Classe tout de même, le sortant "sorti", dans la descente au tombeau ! Que n'ait-il été aussi classe et respectueux de l'autre, des autres, beaucoup plus tôt. Pourquoi attendre la défaite pour s'humaniser un peu. La complexité psychologique de l'individu n'a pas fini de surprendre.

Pendant ce temps-là, à la Concorde, on démonte et on remballe. A la Bastille on installe. De Tulle, François Hollande se rendra directement à la Bastille. Sans passer par Solférino.

 

La Bastille, ce soir, il faut en être. Il faut vivre l'évènement. Intensément. Non pas partisan. La Bastille en fête. C'est après minuit que le nouveau Président y arrive : "Je ne sais si vous m'entendez, mais moi je vous ai entendu. J'ai entendu votre volonté de changement. Merci de m'avoir permis d'être votre Président de la République."

Jean-Luc Mélenchon, plus tôt dans la soirée, a estimé qu'avec l'élection de François Hollande, les Français ont brisé l'attelage austéritaire Merkel-Sarkozy. Un beau message aux Européens. Aux Grecs et aux Italiens. Aux Espagnols et aux Portugais. Et d'abord aux Allemands.

Au milieu de ces dizaines de milliers de citoyens, certains, surtout certaines, une rose à la main, comme en 81, rassemblés, réunis, agglutinés, Place de la Bastille, j'écoute la voix de fraise des bois, et je me dis, tout, bas, qu'un éléphant, parfois, ça (se) trompe énormément. Hollande a-t-il pardonné à Fabius ? Ce surnom si peu élégant.  Belle élégance, ce soir, en tout cas, pour le "Président normal". Normal, n'est-ce pas ? La moindre des choses. "Nous devons faire de cette victoire, non pas la victoire de la revanche, de la rancoeur, de la rancune, mais une belle victoire."

Celui que certains observateurs qualifient de "Pompidou de gauche" est un homme droit. Normal, quoi.

 

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 22:14

 

L'un à Paris, en famille. Avec sa femme et sa fille. L'autre, en Corrèze, avec sa compagne. Dans son canton. Silence radio pour les deux héros de la finale. Jour de repos. François Hollande, à Tulle, fait, comme d'habitude, un petit tour de marché. Nicolas Sarkozy, à Paris, 18, rue de la Convention, dans le XVème, remercie tous ceux qui se sont battus pour lui. A  la radio, à la télé, ni parole politique, ni sondage, jusqu'à demain, 20 heures. Journée de réflexion pour les électeurs. Pas pour tous les électeurs. On vote déjà ailleurs. 

Les Français d'Outre-Mer et les Français d'Amérique ont ouvert le bal. Une journée d'avance sur la métropole. A Saint-Pierre et Miquelon, un électeur sur quatre s'était rendu aux urnes à la mi-journée. Même si vient de s'ouvrir la très populaire saison de pêche à la truite. Ici, on ne peut pas dire de ceux qui vont à la pêche qu'ils sont des abstentionnistes.

Ce dispositif de vote anticipé, déjà appliqué en 2007, a été retenu pour éviter que les ultramarins ne votent alors que l'issue du scrutin est déjà connue.

 

Ici, désir de campagne. Même si Mai se déguise en Mars. Soif de vent et de pluie. De soleil aussi. Marcher enfin dans des chemins de terre. Parler aux arbres. Ecouter le chant des oiseaux. Longer le bord de la rivière. Etre à nouveau dans la "vraie vie". Retrouver le sens du silence. Respirer, rire et chanter. Faim de campagne. Pour mieux retourner en ville. De l'air pur plein les poumons. Ou alors, s'en aller au bois ou se balader dans les parcs. La campagne à la ville, c'est aussi possible parfois.

 

Nicolas a sans doute mumuré des centaines de fois : merci Carla. Carla a sans doute répondu : de rien, Nicolas. Quatre consonnes et trois voyelles, c'était vrai pour Raphaël, quatre consonnes et trois voyelles, ça l'est encore pour Nicolas, et c'est toujours Carla qui donne le "la"... Carla, Carla, Carla, quel beau prénom ! mais demain soir, sera bien triste la chanson,

 

Car la soirée ne sera pas facile pour Nicolas, qui va tomber de Charybde en Scylla, 

Car la République semble, cette fois, plutôt choisir François,

Car la crise n'explique pas tout, et parce qu'il ne faut pas faire et dire le contraire de tout,

Car la France mérite mieux que des leçons de morale à deux balles sur la règle d'or,

Car la plaisanterie a trop duré, et ce sont toujours les mêmes qui font les mêmes efforts,

Car la Bastille est à reprendre, ça, au moins, tu aurais pu le comprendre,

Car la France des Droits de l'homme et du citoyen, ce n'est pas rien,

Car la  France des Lumières, Diderot, Rousseau, Voltaire, c'est salutaire,

Car la colère est profonde et, depuis trop longtemps, elle gronde,

Car la fin ne justifie pas tous les moyens, qui va à la chasse perd sa place, tu le sais bien,

Car la fille en Bleu Marine, si belle soit-elle, n'était pas un "bon parti",

Car la fin est proche et c'est bête, d'un côté, on fait la fête, de l'autre, on fait la tête,

Car la roue tourne, et le peuple aspire au changement, et ça n'est pas dément,

Car la bataille était de trop, et Europe ou pas, tu aurais dû te contenter d'un seul quinquennat,

Car la démocratie, c'est François qui l'a dit, doit être plus forte que les marchés, la finance, on doit la dominer, 

Car la raison d'être de l'Etat, ce n'est pas d'équilibrer ses comptes sur le dos des plus faibles,

Car la raison d'être de l'Europe, ce n'est pas de mettre les peuples à genoux,

Car la Grèce et l'Italie qu'on étrangle, ça n'est ni très net, ni très honnête,

Car la chose publique, la res publica, en a assez des privilèges des intérêts privés,

Car la vérité n'est jamais d'un seul côté et ton art du mensonge nous a désespérés,

Car la vie, tu vois, a parfois des envies de revanche, c'est pas tous les jours dimanche,

Car la leçon de l'histoire, c'est que le pouvoir, on le mérite ou on le perd, et alors c'est une autre paire... de manches,

Car la relève est là, un autre chemin est possible, et tu peux faire une croix sur tes rêves de revanche ! 

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4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 19:35

 

Aux Sables-d'Olonne, ça sent la déconne. En Moselle, à Périgueux, c'est pas dégueu. Mieux: c'est sérieux. A l'Est, à l'Ouest, au Sud, les deux finalistes lancent leurs dernières salves. En Vendée, un fanfaron fanfaronne. En vain, sans doute, mais rien ne l'atteint, rien ne l'étonne. Le président-candidat, c'est drôle, il est mal barré, il est barré, il est... à l'Ouest ! Quand c'est cuit, quid de la méthode Coué ? Quand la grande Union se délite, pas de raisons qu'il hésite, dernière pique pour les petites élites, ces petites élites dévoyées qui travestissent la réalité. Travestissent, mais oui, c'est ce qu'il a dit, le sortant. C'est ce qu'il a sorti. Ces petites élites qui travestissent la réalité. Travestir : déguiser, transformer, falsifier, déformer, trahir. Bien sûr, c'est évident, la "vraie" raison d'être du métier de journaliste ! Etre journaliste, c'est, bien sûr, trahir, déformer, falsifier, transformer, déguiser, les faits, les gens, les idées, le réel, la réalité ! Projection classique. On met sur le dos de l'autre, sur le dos des autres, ce qui pèse tant sur notre propre dos. Grand classique Sarkozien. Nouvelle confirmation du célèbre Ch'est ch'ti qui l'dit qui y'est. C'est celui qui le dit qui l'est !

"Je sens monter la vague", a repris Nicolas Sarkozy, aux Sables-d'Olonne. Monter la vague aux Sables, normal, me direz-vous ! Le président-candidat a martelé à nouveau : "Chacun d'entre vous a l'avenir de son pays dans les mains. Chaque voix comptera. Les choses vont se jouer sur le fil du rasoir. Je sens monter une mobilisation que je n'ai jamais connue et jamais ressentie dans notre pays."

Dernière petite phrase, à double ou à triple sens, confession ou concession, aveu ou mise en garde : la haine de soi conduit toujours à la haine des autres.

A Périgueux, on n'est pas des gueux, et François Hollande a souligné que cela fait très exactement 24 ans que l'on attend une victoire d'un socialiste à l'élection présidentielle. Le dernière victoire, c'était, mais oui, en 1988, celle de François Mitterrand. Ce soir, à Périgueux, le candidat de la gauche a redit, avec force et conviction : "Je représente déjà plus que la gauche. Même si je suis socialiste, même si je vais gouverner avec la gauche, ce sont les républicains qui vont me permettre la victoire de dimanche. Clin d'oeil discret à un autre François, François Bayrou, et à tous ceux qui, ayant réfléchi de la même façon, vont suivre, dimanche, le même chemin.

A partir de ce soir, minuit, c'est fini. A la campagne ou à la ville, la campagne sera finie. Plus de réunions. Plus de rassemblements. Plus de meetings. La campagne pour la présidentielle 2012 aura vécu. Plus d 'analyses. Plus de commentaires non plus. Encore moins de sondages. On va enfin pouvoir parler d'autre chose. On va enfin pouvoir penser à autre chose.

Derniers mots de Sarko sur cette campagne qui s'achève. Première "vraie" note d'humour :" Avec François Hollande, on s'est réparti les choses... l'arrogance pour lui... et... l'humour pour moi !"

Pas mal du tout ! Jolie sortie, monsieur le sortant ! Tous les espoirs sont permis. Tous les espoirs vous sont permis ! Surtout, gardez le même humour pour dimanche soir. Dimanche soir, 20 heures. 18 heures 30 si vous écoutez les radios Belges ou Suisses. L'humour, la seule manière de garder un peu de distance entre "soi" et "soi". Le soi "public" et le soi "privé". Entre nous, soit dit en passant, chez vous, chez toi,  ils ont été bien malmenés, ces deux "soi". Il est temps d'en prendre soin. Prendre soin de soi, c'est la meilleure façon d'être bien avec soi. Avec soi-même. Se sentir bien "chez soi", c'est vital. C'est essentiel quand on veut s'occuper des autres. Je veux te faire un aveu, -tant pis si je te déçois-, je dois te dire que je n'ai jamais voté pour toi. Tu le comprends, ce n'est pas après-demain que ça arrivera, mais permets-moi, ce soir, cette petite familiarité : prends soin de toi ! Tu t'es un peu trop malmené, ces derniers temps, et tu nous as beaucoup trop malmenés, durant ces cinq dernières années. Il est temps, il est vraiment temps, monsieur le Président sortant, de prendre congé. De cesser de penser à nous. Pour commencer à penser  toi. Vraiment à toi. Sans nous. 

Plutôt que de dépenser tant d'énergie à tout faire pour nous diviser, il est temps que tu comprennes que tu dois maintenant  te réconcilier avec toi-même. D'abord régler tes propres problèmes avant de vouloir, à nouveau, prétendre prendre en charge les nôtres. Cesse, une fois pour toutes, de vouloir jouer le bon apôtre. Tu as eu ta part de lumière et de pouvoir, tu peux en laisser un peu aux autres. Tu as tes certitudes, nous avons les nôtres. Il est venu le temps de l'alternance, on veut vraiment changer de gouvernance.

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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 18:21

 

L'un, dans le Var, à Toulon, s'en va chercher un peu de réconfort. Précieux quand on sent qu'on n'est plus le plus fort. Sarko, il déconne, il en fait des tonnes, lui entonne la Garonne. L'autre, à Toulouse, Place du Capitole, pour une victoire capitale. L'homme de Tulle jamais ne capitule. Ils l'ont cru faible, il est fort. Ils l'ont cru sans envergure, c'est de bon augure : il excelle dans l'effort.

Toulon: To lose. Toulouse : tout bon. La gauche est là, prête à diriger le pays. Qui va s'en plaindre aujourd'hui ?

Pendant ce temps-là, le MoDem ne se trompe pas. Son Président franchit le Rubicon. Non pas comme César, pour renverser la République. Mais comme François Bayrou, pour sauver la République. Il y a du talent à ne pas se tromper d'ennemi. Il y a de la grandeur à ne pas se tromper de combat. Il y a de la grandeur d'âme à se vouloir l'émissaire qui refuse la stratégie du bouc-émissaire. Ne pas succomber à l'obsession de l'immigration. Ne pas stigmatiser  en zoomant, dans son clip de campagne, sur le panneau Douane, écrit en français et en arabe.

François Bayrou  franchit le Rubicon. Il  annonce qu'il votera François Hollande. Un choix personnel. Un choix d'indépendance. Un choix de citoyen. Sans éprouver le besoin de donner la moindre consigne à ses 3 millions 300.000 électeurs: "Chacun s'exprimera en conscience." Le patron du MoDem se borne à justifier son propre choix. Un choix qui n'engage que lui-même, mais tout lui-même.

"La ligne qu'a choisie Nicolas Sarkozy, entre les deux tours, est violente. Elle entre en contradiction avec les valeurs qui sont les nôtres, pas seulement les miennes, pas seulement celles du courant politique que je représente, mais aussi les valeurs du Gaullisme, autant que celles de la droite républicaine et sociale."  

Cette fois, l'homme Bayrou ne parle pas la langue de bois. Rejet clair et net de ce qu'il qualifie de "course-poursuite", derrière le Front National,  pour cueillir, ou recueillir, les voix de l'extrême. Reste donc un seul chemin, une seule voie : le vote pour François Hollande qui, selon François Bayrou, s'est prononcé de manière claire sur la moralisation de la vie publique. En prime et en substance : la crise est devant nous. Nous nous devons de le dire, de ne pas le cacher, et de nous unir, de nous rassembler pour y faire face. Je pense que devant cette crise inéluctable, le pays a besoin d'un projet qui réunira des femmes et des hommes venu d'horizons différents, pour le reconstruire.

Sans surprise, mais sans doute pas sans amertume, le premier ministre, François Fillon, minimise, de façon méprisante, le choix de François Bayrou : c'est l'avis d'un homme seul. François Fillon oublie un peu vite qu'il faut, en pareille circonstance, un réel courage pour être "un homme seul".

François Hollande salue une certaine conception de la République. Celle d'un homme qui place les valeurs avant tout. Ne confond pas le choix entre deux personnes, qui représentent deux conceptions de la République, avec des logiques d'appareils : "C'est un choix d'homme libre, indépendant... qui a pris conscience que le candidat sortant divisait et que je rassemblais, qu'il y avait un risque pour le pays." 

Décision dictée par le dépit personnel, assassinent déjà les aigris du Centre. Boutin et Morin, dans un bateau... deux destins qui tombent à l'eau ! Dire à ses électeurs ... "Moi, à titre personnel, je vote Hollande !", ne leur  parait pas cohérent. Pour les leçons de cohérence, c'est vrai, Boutin et Morin... 

A Toulon, l'un caricature, une dernière fois, les valeurs morales d'une gauche qui, selon lui, a abandonné les quartiers, les usines. Mauvais perdant. Mauvais orateur. Fustige, encore et encore, une gauche qui condamne la réussite sauf quand c'est la sienne. Cette gauche qui déteste l'argent sauf quand c'est le sien. Oublie en chemin qu'il doit d'abord et avant tout convaincre les indécis. Se perd à nouveau dans des attaques aussi séniles que stériles. Réactions primaires de vrai réactionnaire. D'abord : Avec nous, la rue n'a jamais fait la loi dans la République française. Et encore : C'est toujours pareil avec les  socialistes, il font des promesses à tout le monde . Dans les années 80, il a fallu deux ans pour que les socialistes réalisent, aujourd'hui, il leur faudra deux jours. Deux jours d'illusions pour des années de souffrance.

Discours de trop. Paroles inutiles. Mots de mauvais perdant. Le talent, c'est aussi de savoir reconnaître la valeur de l'adversaire. Dérisoire. Désespéré. Désespérant. Au Zénith de Toulon, celui qui n'est plus au  zénith, donne son chant du cygne.

Parfois, il faut savoir se taire. Faute de n'avoir pas su le faire, le sortant se condamne au silence. Par la petite porte, il sort de l'Histoire. Sort de l'Histoire de France. A la bouche, la morgue de celui qui va finir à la morgue. Pensée mortifère qui va finir en cadavre. L'homme du karcher, de la vie chère, peuchère, de sa peau, ce soir, on ne donne pas cher. Symboliquement parlant, s'entend.

A trop pratiquer la surenchère, sûr, un jour, le peuple, on désespère.

 

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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 19:27

 

C'est une dramatique comme on les aime. D'abord, elle n'a lieu que tous les cinq ans. Une dramatique comme un match. Un match de catch. Un match de tchatche. Un combat de gladiateurs. Des gladiateurs des temps modernes. Ils ne s'empoignent qu'avec la voix. Un combat de sophistes conviés sur le terrain de la politique. De la philosophie politique. En jeu : l'avenir de Cité. En cause : la Res Publica. Un duel télévisuel. A fleurets pas vraiment mouchetés. Les duellistes, pour ne pas dire les duettistes, sont de grands artistes. Chacun dans son genre. Il y a un bon chanteur de variétés, avec l'expérience de cinq années de tournées, et un nouveau chanteur. Tenant de la chanson à texte. Le chanteur de variétés adore les solos. Il n'y va pas mollo sur les trémolos. Le chanteur à textes ne fait pas d'effets de voix. Il a une bonne voix. De bons textes. Et, parole, module plutôt bien. Bien sûr, il faut aimer la chanson.

C'est une dramatique pour la télévision. Vingt millions de télespectateurs. Des millions d'auditeurs. C'est du spectacle. Du grand spectacle. Le spectacle dépend de la qualité des acteurs. De leur sincérité. De leur capacité à transmettre des émotions. Des émotions et des idées. Des idées qui ne laissent pas indifférent. Des idées pas trop abstraites. Des idées... concrètes.

Avant le début du match, leurs équipes ont vérifié l'état du terrain. Transmis leurs observations aux deux concurrents. D'emblée, ils sont tombés d'accord sur au moins deux choses : la hauteur des fauteuils et la température du studio. Pour le reste, respect des règles habituelles : tous les coups sont permis. Les deux gladiateurs le savent, l'acceptent, et ne vont pas s'en priver. L'empereur Audimat décidera de qui doit "périr" dimanche prochain, à 20 heures. Jusque là, ni l'un, ni l'autre, ne doivent se considérer comme vainqueur.

La chose tient de la fiction, mais c'est du réel dont il est question. Tout peut arriver. C'est du direct. Un incident. Une provocation. Un pétage de plombs. Le texte n'est pas complétement écrit. De grandes plages d'improvisation attendent les deux adversaires. Deux adversaires qui n'ont qu'un ennemi : le temps de parole.

Les deux acteurs ne sont pas seuls à table. Ils ont deux journalistes pour les aider à faciliter, à fluidifier, les échanges. Les deux journalistes ne comptent pas les points. Leur rôle d'arbitre n'est pas de cet ordre là. Ils tentent de maîtriser le temps qui s'écoule. Désespérément. Laurence Ferrari élève la voix. David Pujadas invoque la clarté du débat. Manifestement, nos deux confrères courent derrière. Les deux adversaires font le show. Le show, très vite, devient très chaud.

 

On voit tout de suite qui est le patron. On voit "qui parle comme un Président". Qui prend de la hauteur. Qui élève le débat. Qui se situe, au contraire, en "inférieur", devant se justifier ou s'expliquer. Qui s'abaisse dans les bassesses. Faute d'assumer le bilan. Son bilan. C'est pourtant la destinée du sortant de devoir assumer son bilan. Amusant ou déroutant, dans l'écriture du match, les dialogues de ponctuation sont souvent à l'initiative des journalistes.

Florilège :

 

- Votre réponse, Monsieur Hollande, assez courte !

- Allez-y, François Hollande !

- Messieurs, ça fait 50 minutes que nous discutons, est-ce que nous parlons des comptes publics ?

- Alors, la dette et les comptes publics !

- Messieurs, on va essayer d'avancer dans le débat, si vous le voulez bien !

- Alors, réponse de Nicolas Sarkozy sur la dette !

- Messieurs, ça fait une heure que nous débattons...

 

Ce soir, c'est curieux, plus on avance dans le débat, plus il y un Président qui fait de plus en plus "candidat" et un "candidat" qui fait de mieux en mieux Président. Une raison : le sortant s'estt beaucoup trop répandu en déclarations d'avant-match. Déclarations toujours contre-productives. Qui dispersent. Ne facilitent guère la concentration. Révèlent surtout l'angoisse, l'incertitude, le stress, la panique, de celui qui éprouve le besoin de les prononcer :"Je vais le débusquer, le Prince de l'esquive. Je vais l'exploser. Je vais l'atomiser. Je vais le détruire."

 

- Votre réponse, Monsieur Hollande, assez courte !

- Messieurs, on a compris vos divergences, on a dix minutes de retard.

- Il faut qu'on aborde d'autres sujets. Parlons de l'Europe.

- On va vous demander des réponses brèves, parce qu'on a beaucoup de retard et beaucoup de sujets à aborder encore.

- Nicolas Sarkozy termine, ensuite François Hollande, mais très court, s'il vous plaît.

- Ce sera le mot de la fin là-dessus.

 

Le sortant emploie souvent le mot "mensonges", et depuis le début du débat, ça agace François Hollande. D'autant que maintenant, pour compléter le registre, aux accusations de mensonges, Nicolas Sarkozy ajoute la calomnie :

- Vous ajoutez la calomnie au mensonge ! Arrêtez de parler mensonges et calomnie, ou ça traduit une propension assez grande à commettre ce que vous reprochez à d'autres.

Un peu plus loin, le sortant refusant et son bilan, et les conséquences de son bilan :

- Avec vous, c'est très simple, ce n'est jamais de votre faute !

 

L'homme au pouvoir ne veut pas perdre le pouvoir. C'est compréhensible. Les avantages liés au pouvoir, surtout. Le candidat de l'opposition a de bonnes propositions. Stigmatise l'allégement de l'impôt sur la fortune :

 

Vous protégez les plus privilégiés, c'est votre droit. Avec vous et votre bouclier fiscal, le Trésor Public a fait des chèques aux plus fortunés. Ce que je veux moi, c'est que les plus fortunés fassent des chèques au Trésor Public. C'est ce que j'appelle la justice fiscale.

 

Sans prompteur, dialogue impromptu :

François Hollande : Oui, je veux créer 12000 postes de policiers

Nicolas Sarkozy : C'est encore fois le laxisme et la folie dépensière.

François Hollande : Ne confondez pas invalidité et pénibilité.

François Hollande : Allez-y !

Nicolas Sarkozy : Merci de me donner votre autorisation !

François Hollande : J'essaie d'avoir une cohérence dans mes convictions ! 

François Hollande : Monsieur Sarkozy, vous aurez du mal à vous faire passer pour une victime ! 

...

- Messieurs, il est 22 heures 30, il est temps de passer aux sujets de société. A un sujet dont on a pas mal débattu, ces derniers temps : l'immigration.

François Hollande :  Sur le vote des étrangers, je trouve que des personnes qui sont là depuis plusieurs années, qui paient des impôts locaux, doivent pouvoir voter aux élections municipales.

 

François Hollande : Mon devoir, si je deviens le prochain Président de la République, c'est de donner une autre orientation à l'Europe.

François Hollande : Quoiqu'il arrive, vous êtes toujours content.

Nicolas Sarkozy : C'est un mensonge !

François Hollande : quel mensonge ?

Nicolas Sarkozy : C'est un mensonge quand vous dîtes que je suis toujours content.

 

Nicolas Sarkozy :  Monsieur Hollande, vous voulez moins de riches, moi, je veux moins de pauvres. 

François Hollande : Avec vous, Monsieur Sarkozy, c'est simple, il y a à la fois plus de pauvres et des riches plus riches !

 

- Ce débat est clos, on passe au nucléaire, Laurence...

- On ne va pas vous laisser les clés, messieurs.
- On passe à la vie publique, messieurs, ça vous intéresse aussi.

- La vie publique et ses règles, quelle présidence pour le quinquennat qui s'annonce ?

...

L'homme au pouvoir ne fait pas de cadeaux. Il s'accroche. Il s'accroche au pouvoir. Il veut vendre chèrement sa peau. L'homme de Tulle ne fait pas dans la dentelle. Le Prince de l'esquive n'esquive rien. Celui qui esquive, au contraire, c'est flagrant, c'est celui qui s'est amusé à qualifier l'autre de ce joli surnom. A la fin, lassé et magnanime, le Prince de l'esquive se montre même bon Prince. D'un regard, sans le moindre mot, il semble concéder : Vous aurez jusqu'au 16 mai pour votre déménagement. Prouvant qu'il n'est pas aussi débutant que l'avait voulu le sortant. Le sortant se fait sortir. Il accuse le coup. Il a joué son va tout. Mais rien ne va. Rien ne va plus. Nicolas Sarkozy semble battu. Nicolas Sarkozy a perdu. Dans le débat, dès le début, c'est François Hollande qui a marqué les buts.

 

Soudain, si proche de la fin du show, est-ce un coup de chaud ? est-ce un slam qu'il improvise ? C'est le moment fort de l'anaphore. Belle envolée pas volée pour le Prince de l'esquive, à la fois humble et grandiose, sublime :

 

Moi, Président de la République,

je ne serai pas le chef de la majorité,

je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l'Elysée,

Moi, Président de la République,

je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur,

Moi, Président le République,

je ne participerai pas à des collectes de fond pour mon propre parti dans un hôtel parisien,

Moi, Président de la République,

je ferai fonctionner la justice de manière indépendante,

Moi, Président de la République,

je n'aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes publiques,

Moi, Président de la République,

je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire,

Moi, Président de la République,

je constituerai un gouvernement paritaire, autant de femmes que d'hommes,

Moi, Président de la République,
je serai un Président qui ne veut pas être chef de tout et en définive chef de rien,

je respecterai les Français,

la proximité avec les Français

Moi, Président de la République,

j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue...

 

En face, Sarko le vieux routier, n'en revient pas. Sa profession de foi, à lui, en devient plate. Même sur ce coup là, c'est Hollande qui fait péter l'audimat.

...

David Pujadas : Nous arrivons au terme de cette émission, nous allons vous demander à chacun d'entre vous une conclusion ... François Hollande, c'est à vous, ensuite ce sera à Nicolas Sarkozy de conclure ...

 

Deux phrases simplement. Prises à la volée. Une pour chacun. Une pour définir chacun. 

François Hollande : Ce que je souhaite, c'est que les Français reprennent confiance.

Nicolas Sarkozy : Je souhaite vous conduire dans les cinq ans qui viennent, dans ce monde difficile.

 

Au final, la finale n'a pas déçu. Ce fut un match tendu. Celui qui voulait "exploser, atomiser, détruire" son adversaire s'est pris à son propre piège. Face à un Hollande souverain, en défense comme en attaque, l'élève Sarkozy a complétement raté son grand oral, mais pour autant,  pas question de lui demander de... redoubler. On l'a assez vu. Assez entendu. On n'en veut plus. On lui souhaite simplement de prendre un peu de vacances, bien méritées, et pourquoi pas de reprendre ce premier projet de 2007... faire une petite retraite au monastère. Pour y purger toutes ses méchancetés, toutes ses mauvaises pensées, toutes ces insultes, toutes ces fautes inutiles et  tous ces ... mensonges.

Celui qui voulait réformer le permis doit d'abord se racheter... une conduite !

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1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 21:10

 

Défi absurde. Un 1er Mai. Trois rassemblements. Opéra. Trocadéro. Bastille. Prendre dans l'ordre les trois lieux des trois rassemblements. Se dire que dans une vie de citoyen, c'est forcément intéressant d'aller écouter les discours de ceux dont on ne partage pas les idées. Pas les programmes. Avec qui on n'a rien de commun. Ni programme, ni projet. Ni manière d'être, ni façon de vivre. Démarche louable, mais à risque. Les militants, parfois, c'est "limité". Souvent, ça ne supporte pas le différent, celui qui est là, mais qui n'applaudit pas, qui ne vocifère pas, qui ne hurle pas, parfaitement synchro, avec la sono de la voix du micro. En plus, s'il est photographe, s'il prend des photos, sûr, on lui tombe sur le paletot. Son comportement est suspect. On va l'aguerrir ou le forcer à déguerpir.

 

Midi, Opéra. Quand j'arrive, Marine, la fille, a déjà pris le relais du père. Drapeaux bleu-blanc-rouge à bout de bras, la foule joue la houle et se défoule, en scandant les slogans. Le cadre est prestigieux. Le "bleu Marine" profite du bleu du ciel pour écrire, sous l'aile de la Pucelle, une nouvelle page d'Histoire de France. Dans l'ombre, ou qui sait, dans la lumière de Jeanne d'Arc, Marine décoche ses flèches  tous azimuts. En priorité, Sarkozy et Hollande qu'elle vilipende. Annonce très vite son choix :  dimanche prochain, elle votera blanc. La foule applaudit. Hollande,Sarkozy, -le vieux Duclos en sourirait-, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. Très classe, ou très stratège, fille Le Pen n'exige pas que les militants et les électeurs du FN fassent tous comme elle : je vous renvoie à votre propre choix, dit-elle.

 

A vouloir être au Trocadéro, très tôt, je manque Mélenchon à Denfert-Rochereau. Surtout son déjà célèbre : Il va se prendre une tannée dimanche prochain. Les prises de position du président-candidat sur le "vrai travail" n'ont fait qu'exaspérer davantage encore la colère des syndicats et de tous ceux qui n'ont pas honte d'appartenir au "peuple de gauche". Les slogans, les affiches, les tracts, disent la même exaspération. 

Sarkozy, on va te mettre à la retraite.

Nous aussi, nous sommes de vrais travailleurs.

C'est honteux d'opposer les gens comme ça.

Les faux travailleurs, ce sont les rentiers et les spéculateurs.

Je manque tout ça, mais, sûr, je serai à la Bastille, vers 17 heures.

 

Place du Trocadéro, le petit homme ne se grandit pas. Certes, le talent est là. Toujours là. Le talent est réel. Incontestable. Mais c'est un talent très mal utilisé. Trop exclusivement consacré à des idées fausses. A une vision fausse de l'Histoire. De l'Histoire sociale. De l'Histoire de France. Le petit homme persiste et signe. Fonce et s'enfonce. S'il sait, depuis le 22 avril, qu'une élection se gagne avec la mathématique, il confond toujours addition et soustraction. Son discours, basé sur la division, n'est pas productif. Ne peut pas être productif. Après avoir divisé les travailleurs, classés désormais en deux catégories, les "vrais" et les "faux", il oppose maintenant les drapeaux, les bleu-blanc-rouge aux drapeaux rouges. Il tire à vue. Sur tout ce qui bouge. Force le trait. Dessine une mémoire et une histoire très sélectives. Excelle dans la caricature. Cite les grands hommes, Hugo, Jaurès, Blum, et même Maupassant. Que vient faire Guy de Maupassant au Trocadéro ? Guéant a dû mélanger ses fiches et ses citations. Ou c'est Carla qui l'a embrouillé, en lui lisant une nouvelle, hier soir, pour le déstresser. Enfin, le petit homme cite les Grands Hommes. Des grands hommes, cela dit en passant, qui ne seraient sans doute pas tous très heureux, ni flattés, d'être ici cités. Dans le cadre de cette "vraie fête du travail". Dernière perle : La gauche appauvrit les travailleurs. On croit rêver, mais... c'est un cauchemar.

Après François Fillon, qui avait chauffé la Place, en se montrant déjà très offensif, les 40 minutes de discours du président sortant, devant une marée de drapeaux tricolores, ont des accents souvent déroutants. Déroutante aussi l'adresse aux syndicats : Votre rôle n'est pas de faire de la politique ! Posez le drapeau rouge. Nous ne voulons pas de la Lutte des Classes. Nous ne voulons pas du socialisme. Déterminée ensuite l'adresse aux militants et aux sympathisants : Il reste 3 jours pour convaincre, il reste trois jours gagner. François Hollande dit que je suis le candidat sortant. Il n'est pas encore le candidat entrant.

Fin du rassemblement. Nous sommes 200000, avait lancé le président-candidat avant de commencer son discours. Il a dû gonfler un max, mais il y a vraiment du monde. Du beau monde. Beaucoup de belles familles, familles nombreuses venues en famille, justement, gens très dignes et très déterminés. Avec un rien d'agressivité à l'attention de la presse ou de ce qui pourrait lui ressembler. Exemple de phrase entendue à plusieurs reprises : "On va voir ce que ces pourris de journalistes vont en dire". Et aussi : "ils vont dénigrer forcément". Et enfin : tous des communistes !

 

A Nevers, Hollande salue la mémoire de Bérégovoy, l'ancien ouvrier syndicaliste devenu Premier ministre de François Mitterrand : "Je ne peux pas accepter qu'en France, il puisse y avoir une bataille contre le syndicalisme. Le dénigrement, le mensonge. Face au candidat de la frontière et de la division, François Hollande se veut, encore et toujours, le candidat de l'union. De la réunion. Du rassemblement.

750000 manifestants pour toute la France, 316000 selon la Police. Plus de monde que l'an dernier. Certains commentateurs disent que c'est grâce à la météo. La météo sociale, sans aucun doute.

Pas de manifestation du 1er Mai pour François Hollande, mais un 1er Mai tout en douceur. Plus subtil. Détaché du mouvement social.  Pas dans les pas des travailleurs. Davantage en éclaireur. Déjà dans son rôle de Président.  Prêt à écouter, bien sûr. Toutes les voix.  Aussi les discordantes.

La CFDT, par exemple, refuse toute consigne de vote. François Chérèque insiste, comme en écho républicain aux mots du Trocadéro : Respectons les travailleurs. Ne divisons pas les salariés entre eux.

 

A la Bastille, vers 18 heures, ambiance de vraie fête populaire. Quelque chose de simplement joyeux dans l'air. Des gens qui se parlent. S'embrassent. Se racontent. La vie. La vraie vie. Des vrais gens. Des travailleurs. Des vrais travailleurs. Des vrais chômeurs aussi. La sono de Sud qui monte le son. Mélenchon, Mélenchon ... Brochettes, merguez, frites, oignons... Pas le même rapport au pognon. Près de moi, un ouvrier, un vrai, qui commande un bon casse-dalle. Un double merguez-oignons, 3 euros 50, le bonheur, c'est comme ça aussi, qu'on l'invente... Pour la première fois de la journée, je me sens de la famille... 

Je repense à mon échappée du Trocadéro. Une heure au moins pour me défaire d'une foule très vite hostile. Avenue Georges Mandel. Encore un signe. Mandel, la bio de Sarko. Puis rue de la Pompe. Des gamines en bleu-blanc-rouge m'indiquent la station de métro la plus proche. Je m'engouffre. Ligne 9. Pont de Sèvres. Me laisse tomber sur l'un de ces sièges jaunes si peu confortables. Je m'attarde sur l'allure très digne de mon voisin. Un monsieur d'un certain âge. Son regard me dit quelque chose. Son visage me rappelle quelqu'un. Mais bien sûr...  

Dans le métro, loin du Trocadéro, je croise Yves Guéna. Rue de la Pompe, un peu pompé. A dû déambuler autant que moi. Yves Guéna, Gaulliste de la première heure. Je le salue. L'homme a gardé autour du cou son carton NS 2012, d'Invité d'Honneur à la tribune officielle. Il a l'air épuisé. Deux longues heures debout. A écouter Nicolas Sarkozy. Le soutien au Président sortant est épuisant.

Je lui demande ce qu'il pense de la situation. Il marque un silence. Se contente de dire : ce n'est pas gagné. Puis, dans un incroyable sourire, me confie : Hollande à L'Elysée, vous savez ce que je dis, moi ?

- Non,monsieur !

- Avec Hollande, la France va devenir un... Pays-Bas !

- Pas mal du tout, très joli, monsieur Guéna ! mais vous savez,  ça ne m'inquiète pas, la France, avec Hollande, un Pays-Bas... désormais moi je suis... Hollandais !

Yves Guéna éclate d'un bon rire de brave homme. Trait d'humour pour trait d'humour. Beau regard d'un beau vieil homme qui aura 90 ans, en juillet prochain. Vrai Gaulliste. Gaulliste de la première heure. Yves Guéna n'a pas 18 ans quand, le lendemain même de l'appel du 18 juin, il décide de rejoindre le Général de Gaulle en Angleterre.

Guéna, soutien de Sarkozy et de la France Forte, Guéna descendu, je crois à ... Muette ! La France Forte qui descend à... Muette.

Signe avant coureur de la silencieuse clameur de dimanche prochain, 20 heures !

 

© Jean-Louis Crimon

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30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 22:37

 

L'homme est fabuleux. Un vrai marchand de fables. Pas toujours très affable. Surtout si l'on évoque les tours de table. Ne supporte pas d'être dans le collimateur. Traite facilement les autres de menteur. Accuse, sans façon, les autres de mentir. Sans jamais se départir de son incroyable aplomb. Comportement transparent. Limpide. Syndrome de Pinocchio. Le nez s'allonge. La fin de l'immunité présidentielle, ça le ronge. Raison profonde de l'envie de 5 ans de rallonge.  

D'année en année, ça empire. Il ment comme il respire. Quand il parle des autres, quand il croit parler des autres, il parle encore de lui. Toujours de lui. "Ceux qui mentent, ceux qui font des faux, doivent être condamnés par la justice." Ne reculant devant aucune perfidie, il dit, dédit, médit et quand même mendie... un peu d'humanité, que diable, c'est quand même pas si minable.

Faux et usage de faux, publication de fausses nouvelles, c'est l'intitulé de la plainte déposée, aujourd'hui, par lui, le président-candidat, contre Mediapart, après les révélations du site d'information. Révélations troublantes sur le financement de la campagne de 2007. Sur les 50 millions d'euros du colonel Kadhafi, - y'a pas de petit profit-, le parquet ouvre une enquête. Pourtant Mediapart "lit bien" la note des services secrets Libyens. Nicolas Sarkozy, pas dément, une nouvelle fois, le plus naturellement, dément ces accusations. Comme pour d'autres accusations. Comme pour le comptable de Dame Bettencourt, qui trouve le temps long, en prison. C'est un comble : le comptable doit rendre des comptes. Mieux : paie l'addition !

 

Pour faire diversion, l'homme appelle, le 1er mai, à un grand rassemblement dédié au travail, Place du Trocadéro, à Paris. Le 1er ministre en personne s'étonne et s'inquiète du refrain "il n'y a qu'à, il n'y a qu'à, s'en prendre aux syndicats !"  L'homme a perdu la raison. Il prend, semble-t-il, plaisir à monter les Français les uns contre les autres. Dans sa propre famille, c'est l'affolement. On est moins enthousiaste à l'idée d'un "revenez-y".  La droite prépare l'après Sarkozy.

Un grand rassemblement dédié au travail ? Au "vrai travail" ? Une "vraie fête du travail". Quelle folie ! A droite aussi, les langues se délient. En silence, superbe inconscience, il pense "ça, c'est du boulot !" S'autopersuade: Tous au Trocadéro !"

Le Trocadéro. Le troc a des rots. Le troc des voix FN contre un peu plus de haine. Le troc a des rots. Des relents, plutôt. Des relents d'une époque qu'on croyait à jamais révolue. Des relents à vous faire... gerber.

 

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 21:52

 

Dernier dimanche d'avril. Rendez-vous incontournable des chineurs du grand nord. Depuis  des dizaines d'années, Danois, Suédois, Néerlandais, Allemands, Britanniques, ont pris l'habitude de venir à Amiens : Amiens, France, Picardie. Ils ne veulent manquer pour rien au monde le Marché à Réderie. Cette année, moi aussi, je me suis dit que je devais être à Amiens, ce dimanche 29 avril. Marché à Réderie, Marché à Rêverie, comme j'avais joliment titré un de mes premiers reportages, quand -début des années 80- j'officiais au Courrier Picard. Réderie, vieux mot picard, synonyme de "puces", "antiquités", "brocantes". Marché à réderie, version picarde de "vide grenier", "foire à tout".

Cette année, pas de chance, la pluie n'a pas cessé de tomber durant toute la matinée. Pas très motivant pour partir à la recherche de vieux journaux, vieux livres, pochettes de vinyles, 33 ou 45 tours, photos vintages ou petits meubles anciens. Ecritoires en bois précieux. Vaisseliers d'un autre âge. Heureusement, cette fois encore, le dicton du jardinier s'est vérifié : Pluie du matin passe son chemin. Avant midi, un vent assez fort s'est levé pour chasser la plupart des nuages. Le miracle s'est produit. Le gris du ciel a soudain viré au bleu. Le vent a séché les étals. Les "rédeux" ont débâcher. Au moment même où ils hésitaient à débaucher.

Cette année, la grande rue piétonnière, qui va de la gare à la Maison de la Culture, était tout entière vouée aux brocanteurs et aux marchands d'un jour. Je décidai de la remonter tranquille. M'arrêtant ça et là, au gré de l'inspiration du moment. De vieilles cafetières, d'un beau bleu comme on n'en fait plus, et de vieux moulins à café, ont un instant ralenti ma progression. Des livres en vrac, à un ou deux euros pièce, m'ont fait perdre aussi une bonne dizaine de minutes. On croit toujours trouver son bonheur dans ce qui est présenté en vrac. En fait, on perd son temps. Les livres passent de main en main. Un NRF de Daniel Boulanger, un auteur connu et aimé surtout pour son art de la nouvelle, a failli dormir chez moi, ce soir. C'était un recueil de textes courts. Style petits poèmes en prose. J'ai oublié le titre. Je l'ai posé une demi-seconde. Une autre main s'en est emparé. Sans regrets, j'ai repris ma déambulation.

C'est une centaine de mètres plus loin que je l'ai trouvée, "ma réderie". On dit comme ça, toujours, en Picardie. Quand on trouve cette chose qu'on ne cherchait pas vraiment, mais qui vous va comme un gant, au plaisir de l'instant de sa rencontre.

La chose n'était pas vraiment une chose extraordinaire. C'était un livre. Un livre au titre pas très attractif. Georges Mandel, Le moine de la politique.

Le titre me suffisait. Je savais la valeur du document. Dans le contexte actuel surtout. Je n'allais pas manquer pareille occasion. Surtout au prix de l'occasion.

- Combien, monsieur, cet ouvrage ?

- Le prix est indiqué à l'intérieur !

L'ouvrage avait été protégé de la pluie de la matinée par une pochette plastifiée. L'homme sortit le livre de son emballage rudimentaire, l'ouvrit, et déclama, devant sa femme, ébahie : 3 euros !

- 3 euros, pour Monsieur Sarkozy, je ne marchande même pas, monsieur, les voici !

- Ah bon, c'est le Président qui a écrit ça ! Tiens, je ne le savais pas !

S'adressant à son épouse, assise, derrière un invraisemblable étalage, l'homme ajouta "tu t'rends compte, fortiche quand même l'Président, l'écrit aussi des livres !

 

Plus tard, près du Beffroi, de jeunes militants UMP distribuent à tour de bras un petit format bleu blanc rouge. Présentation et maquette très FN. Titre de la première page de ce tract tricolore :  "Le 6 mai, je vote Nicolas Sarkozy". A l'intérieur, dix engagements numérotés de 1 à 10. Premier engagement, en lettres blanches, sur fond bleu : Face aux crises, NIcolas Sarkozy est l'homme de la situation. Sur fond rouge, première contrevérité : François Hollande n'a pas la carrure pour être Président de la République. Affirmation gratuite qui rappelle, en à peine mieux formulé, le célèbre "n'a pas le gabarit" d'une certaine Bernadette Chirac. Deuxième engagement, toujours sur fond bleu : Nicolas Sarkozy veut revaloriser le travail et le pouvoir d'achat. Deuxième contrevérité, toujours sur fond rouge : François Hollande est pour l'assistanat et le matraquage fiscal des classes moyennes.

Je survole les dix engagements, m'attarde à peine sur les dix contrevérités. Gros plan tout de même sur le huitième engagement : Nicolas Sarkozy veut maîtriser l'immigration. Arrêt sur la huitème contrevérité : François Hollande veut augmenter l'immigration en France.

Dixième engagement : Nicolas Sarkozy veut rendre la parole au peuple par le référendum. Dixième contrevérité : François Hollande veut tout faire arbitrer par les syndicats.

Lecture rapide des deux conclusions après cette épreuve des preuves par dix. En lettres blanches, sur fond rouge : Voter François Hollande, c'est le choix d'une France faible qui tombera dans le déclin et perdra son identité. C'est le choix de l'assistanat, de la dette, de l'égalitarisme et du multiculturalisme.

En lettres blanches, sur fond bleu : Voter pour Nicolas Sarkozy, c'est le choix d'une France forte qui conserve la maîtrise de son destin. C'est le choix du travail, du mérite, de la responsabilité et de l'autorité.

 

Deux heures plus tard, assis en terrasse, avec une jolie brune et deux boissons blondes, je sors enfin de mon sac, le livre acheté vers midi. La bio de Mandel. Livre acheté trois euros rue des troix Cailloux. Ce "Georges Mandel" signé par un certain Nicolas Sarkozy. Biographie sous-titrée "Le moine de la politique", publiée chez Grasset, en janvier 1994. La quatrième de couverture est assez éloquente, sinon élogieuse. Je cite : "S'il est une passion à laquelle Georges Mandel sacrifia toute sa vie, c'est bien la politque. Ce fut, pour cet homme illustre et énigmatique, une passion sans partage, dévorante, destructrice. Il y perdit sans doute son existence, mais il y gagna son destin. A l'heure où d'aucuns, ici ou là, croient devoir réduire la part de noblesse et d'abnégation qui s'attache au service de la "chose publique", il n'était peut-être pas inutile de ressusciter, en conséquence, la figure - voire la légende- de ce grand ministre."

La figure et la légende d'un grand ministre. La part de noblesse et d'abnégation qui s'attache au service de la chose publique. Des valeurs auxquelles croyait sans doute le ministre du Budget, et porte-parole du gouvernement, Nicolas Sarkozy. Des valeurs à chercher en vain dans les bassesses contenues dans le tract tricolore diffusé à la mi-journée, par de jeunes militants de l'UMP. 

Après le détour par la quatrième de couverture, j'ouvre enfin le livre. Par le début. Surprise. Surprise étonnante. Incroyable surprise. Incroyable clin d'oeil du destin. Page 3, une superbe dédicace, pleine page. Très bel envoi, d'une assez belle écriture : Pour Virginie M..., l'histoire de Georges Mandel, le moine de la politique, avec ma bien cordiale amitié. C'est  daté et signé, bien sûr, Nicolas Sarkozy, le 3 mars 1994.

La biographie de Mandel, avec un envoi. Envoi de Nicolas Sarkozy. Nico Sarko, tu te rends compte, pour moi, un envoi. Un envoi de toi. Pour toi, dans huit jours, à cause de toutes tes bêtises et de toutes tes inepties, un renvoi. Envoi. Renvoi. C'est la vie. Dans huit jours, tu pourras te remettre à l'écriture d'une biographie. T'as pas de sujet. Pas d'idée de sujet. Judas, tiens, ça t'irait bien. Oui, pourquoi pas une bio de Judas ?

Tu ne vois pas ? Tu ne comprends pas ? Enfin, toi, l'homme qui a tout trahi, ses idées, ses idéaux, ses amis, son ami Chirac, son ami Balladur, son ami Chirac pour Balladur, puis son ami Balladur pour Chirac, son ami Kadhafi, puis, dernier défi, ses promesses de 2007, ses engagements de jeune Président... Cet homme-là, franchement, c'est le meilleur biographe qui soit pour cette mission là : la bio de Judas ! 

 

 

 

 

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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 22:38

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© Jean-Louis Crimon                                                            Paris. Quai de la Tournelle. 2012.

 

 

Il pleuvait des cordes cet après-midi là. L'homme est venu se mettre à l'abri sous mes auvents. Côte à côte, on a regardé la pluie tomber. La scène avait quelque chose d'insolite. On tournait le dos aux livres. Pour une fois, ça pleuvait dans le bon sens et le vent épargnait les boîtes. Les conversations des gens qui regardent tomber la pluie sont souvent banales. Pour ne pas dire affligeantes. Forcément, les premiers mots parlent du ciel tout en eau. Selon les individus, c'est souvent l'occasion de jeux de mots. De plaisanteries. Plus ou moins drôles. Pas cette fois. L'homme avait un beau regard. Une belle intensité dans le regard. Il s'est exclamé :

- Moi, monsieur, quand j'ai un coup de blues, je relis Zarathoustra. Le Zarathoustra de Nietzsche. Vous savez, le lion, l'enfant, le surhomme...

- Oui, Also sprach Zarathoustra. Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre comme un poème. Un poème philosophique. Un prologue et quatre parties. Une quatrième partie que Friedrich Nietzsche dût publier, je crois, en 1885, à compte d'auteur, devant le peu de succès des trois premières. Les quatre parties du Zarathoustra de Nietzsche furent publiées ensemble pour la première fois, en 1892.

- J'aime beaucoup Nietzsche, vous savez. Je ne sais plus vraiment à quelque âge je l'ai lu pour la première fois. Aujourd'hui, la cinquantaine bien entamée, je veux tout relire de lui. En ce moment, par exemple, j'ai recommencé Au-delà du Bien et du Mal.

- Ce n'est pas l'un des plus faciles...

- Enfant, déjà, je savais quelque chose de cet ordre-là. Je me suis dit très tôt : je ne peux pas faire autre chose que d'aller vers ma destinée. J'ai eu la chance de comprendre ça : je ne veux pas être ce que je ne dois pas être.

 

Brusquement, la pluie s'est arrêtée. Le ciel, lassé sans doute de nous avoir déversé un trop plein d'averses, virait à l'éclaircie. L'homme m'a salué. On s'est souri. Il est parti. Comme il était arrivé. M'a juste donné l'envie, à moi aussi, de me replonger dans Zarathoustra. Ainsi parlait Zarathoustra.

 

Nietzsche, lui-même, n'avait-il pas dit de son Zarathoustra : Ein Buch für alle und keine. Un livre pour tous et pour personne.

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