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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 22:28

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Paris, 18 septembre 2012.                                                                                © Jean-Louis Crimon   

 

                                                            

 

Travaux d'entretien sur le Pont. La Tour Eiffel au loin. Pas si loin. Le balayeur en premier plan. Depuis toujours, j'aime le geste du balayeur. Geste parfait. D'une technique éprouvée. En permanence à l'épreuve. Chacun sa manière. Son style. Son allant. Son ardeur. Son baume au coeur. Dans ce dur labeur.

Des photos de balayeurs, j'en ai des centaines. Des milliers peut-être. De partout sur la planète. Prises en Picardie. Là où l'on a la pique hardie. En Champagne. Prises en Chine, à Chengdu. Puis à Kunming, tout au sud. Au sud du sud. Photos prises aussi au nord. Au nord, tout au nord. A Copenhague. A Ljusekulla. A Stockholm. A Oslo. Prises en Pologne. A Poznan. A Varsovie. A Berlin. A Bruxelles. A Rome aussi. En Italie. A Londres. En Ecosse, à Dundee. Partout où j'ai posé mes pas. D'instinct, mes pas n'ont pas oublié de mettre leurs pas dans les pas des balayeurs. C'est comme ça. On ne se refait pas. Sans le savoir vraiment, je rêvais déjà ce livre impossible ou impensable : Balayeurs de tous les pays...

Les plus humbles des piétons ouvriers. Les plus précieux des salariés du quotidien. De la ville ou des villages. Campagnards ou citadins. En ces temps où sociologues de la ville, architectes, urbanistes, politiques, religieux, agnostiques, tous se targuent d'être des défenseurs de l'environnement, une question me vient souvent : que serait la planète, que serait la Terre, sans ces millions, ces dizaines de millions de balayeurs ? Qui balaient, balaient, du matin au soir, et  pour certains, du soir au matin, pour nous éviter à nous les Terriens de... mordre la poussière.

Raison d'une telle passion ? D'une telle fascination ? Raison d'une belle évidence. Simple et primordiale à la fois : mon père, jardinier, a été, pour moi, le premier des balayeurs. Il le sera toujours. Eternellement. Même s'il a posé définitivement son balai. Depuis longtemps déjà.

 

Ce livre Balayeurs de tous les pays, rêvé depuis tant d'années, je veux l'écrire et le publier pour lui. Lui, le premier des balayeurs. Dans mon enfance et dans mon coeur. 

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18 septembre 2012 2 18 /09 /septembre /2012 13:08

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Paris. 16 septembre 2012.                                                                            © Jean-Louis Crimon 

 

 

Cueille le jour. Sans te soucier du lendemain. Cueille l'instant. Profite de l'instant présent. Sûr, le monsieur qui consulte ses sms se prénomme Horace. Le Carpe Diem me saute à la face. Incroyable face à face. Au coin de la rue. Rappel à l'ordre. Incitation à ne jamais oublier. Injonction. Injonction suprême. Injonction sublime. Pas dégueu l'impératif d'Horace ! Pas dégueulasse. Mais pas facile à vivre au... quotidien.

"Cueille le jour". Carpe diem. Curieux conseil, tout de même, de la part d'un cafetier. Mais qui me va bien. Parfaitement bien. Carpe diem. Sauf que "Carpe diem", c'est juste les deux premiers mots du vers d'Horace. La citation, texto, du vers final de cette Ode à Leuconoé, c'est  Carpe diem quam minimum credula postero", ce qui se traduit, la plupart du temps, par Cueille le jour sans te soucier du lendemain.

Une traduction plus proche de la phrase initiale, presque "mot à mot", donnerait d'ailleurs quelque chose comme Cueille le jour et sois la moins curieuse possible de l'avenir. Horace cherche à persuader Leuconoé de la nécessité de savoir profiter du moment présent. Vraiment, à plein, sans s'inquiéter ni du jour, ni de l'heure de sa mort.

Epicurien. Stoïçien. Au sens plein. Horace. Certes. Mais pas seulement.

En rester au seul Carpe diem, - le Sens Interdit le dit à sa façon- ce serait oublier en chemin la philosophie de vie voulue aussi par Horace. Mettre l'accent sur le Carpe diem pour n'en retenir que l'exhortation à profiter de l'instant présent et se borner à rechercher activement les plaisirs tant qu'il est encore temps, ce serait oublier toute la force et toute la portée philosophique d'Horace : savourer, certes, le présent, l'avenir étant, par essence, incertain, mais sans oublier, pour autant, toute discipline de vie.

Autrement dit, Carpe diem, certes, mais fuir tout autant le lieu commun du jouisseur épicurien contemporain. Le mot d'ordre Profite du jour présent n'est pas suffisant. Très vite, même, insatisfaisant.

 

Même si, à sa façon, dès la fin du XVIe siècle, Ronsard, dans son célèbre sonnet pour Hélène, Hélène de Surgères, incitera, lui aussi, à jouir de l'instant.

 

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,

Assise auprès du feu, dévidant et filant,

Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :

Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.

...

Vous serez au foyer une vieille accroupie,

...

Regrettant mon amour et votre fier dédain,

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain,

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.

 

Joliment dit, mon cher Pierre de, sauf que la rose n'est que d'épines, et la belle Hélène, merde, pas la meilleure de tes copines. Alors, de toi à moi, tu vois, si m'en crois, l'amour n'est que chemin de croix. Qu'importe l'instant qui passe, c'est toujours l'amour qui trépasse. Et quand bien même Carpe diem, s'en vont mourir tous ces je t'aime. Comme fleurs de toutes les saisons, l'amour qui fane a ses raisons...

 

 

 

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17 septembre 2012 1 17 /09 /septembre /2012 16:40

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Paris. 16 septembre 2012. Notre-Dame.                                                      © Jean-Louis Crimon 

 

 

Le dimanche n'a pas été grandiose. Trois euros pour un Poche. Le Pavillon des Cancéreux. Soljenitsyne. Trois euros. Tout juste de quoi me rembourser mes deux tickets de métro. Beaucoup de promeneurs, sur le quai, pour le dernier dimanche d'été. Avec déjà, dans le ciel, un paquet d'accents d'automne.

Une étudiante en quatrième année de Lettres, à la Sorbonne, cherchait Pauvre Belgique de Charles Baudelaire. Pour son mémoire. Un texte en prose en forme de pamphlet où l'auteur des Fleurs du Mal ne dit pas que du bien du pays d'Outre-Quiévrain. Je ne l'avais pas. Lui ai conseillé de demander à mon voisin Julien. Ou à ma voisine Marie-Hélène. Ou, vraiment, si c'est urgent, d'aller voir sur Price Minister. Ou chez Gibert. Texte méconnu de Baudelaire, quasi introuvable, pendant longtemps. Sinon dans La Pléiade. Pamphlet inachevé, republié, l'an dernier, chez Ramsay, avec Les Lettres de Belgique à sa mère.

Le 24 avril 1864, criblé de dettes, Baudelaire décide de fuir ses créanciers français. Trouve refuge dans un hôtel minable de Bruxelles. Pense gagner un peu d'argent en faisant des conférences. Mais son réel talent de critique d'art ne déplace pas les foules. Charles écrit des lettres terribles à sa mère, la veuve Aupick. Charles parle d'une Belgique insupportable, caricature de la France bourgeoise qu'il exècre. Son texte Pauvre Belgique restera inachevé. A Bruxelles, preuve de la profondeur de son désespoir, il s'invente son épitaphe en un mot : Enfin !

Plus tard, s'arrête longuement devant mes boîtes, une petite dame aux cheveux tout blancs. Elle s'empare d'un ouvrage au titre éloquent : Au risque de l'Esprit. Me demande avec un petit sourire en coin et un air narquois : ça parle de quoi ? Moi, faussement énigmatique: Madame, la réponse se trouve dans la majuscule du E du mot Esprit !

Elle me lance : A dimanche prochain ! Ce n'est pas un Adieu. Juste un Au-Revoir ! Elle ajoute, en partant, à petits pas pressés : Mettez-le moi de côté, parce que, là, je file, je vais être en retard à la messe.

Plus tard, encore, sur le parvis de Notre-Dame, étrange spectacle. Apparition soudaine. Un Christ géant pour attirer le regard des gens. Photo. Forcément. Cadrage impossible. Trop de monde : ça grouille de partout. Je risque. Une image. Même pas deux.

En bas, à droite de l'image, message personnel du Christ tout blanc, à une Marie-Madeleine éventuelle, petits mots d'amour d'une dimension assez peu spirituelle : Trésor... Tesoro...

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16 septembre 2012 7 16 /09 /septembre /2012 09:56

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Paris. 6 mai 2012. Deuxième tour de la Présidentielle.                                     © Jean-Louis Crimon 

 

 

"Ce mec-là, mon vieux, il est terrible !" Forcément, on pense à trois ou quatre célèbres couplets de Johnny Hallyday en revoyant cette photo. Photo prise en mai dernier à l'entrée du Lycée La Fontaine. Il y a un peu plus de quatre mois.

Le Johnny de l'affiche les chante peut-être déjà, ce jour-là, ces couplets-là. Pour mémoire et juste pour sourire, avec ou sans retouche, juste pour la touche, on les fredonne ensemble :

 

Hé, regarde un peu, celui qui vient

C'est le plus beau de tout l'quartier

Et mon plus grand désir, c'est d'lui parler,

Il aguiche mes amis, même les plus petits.

Pourtant, pour lui, j'ai pas l'impression d'exister,

Mais tout ceci ne m'empêche pas de penser :

"Ce mec-là, mon vieux,

Il est terrible !"


Ou bien, déjà nostalgique, avec ce petit rien magique :

 

C'est beau de rouler, en rêvant,

Voilà que j'arrête ma vieille citron,

Et j'ai bonne mine devant la belle maison

De celle que j'aime, les poches à plat.

Pourtant si elle m'embrassait rien qu'une fois

Je dirais certainement en parlant de moi :

"Y'a pas à dire, ce gars-là

Il est terrible !"

 

Ou encore, dans un autre genre :

 

Souvenirs, souvenirs

Je vous retrouve dans mon coeur

Et vous faites refleurir

Tous mes rêves de bonheur 

...

Souvenirs, souvenirs,

Il nous reste nos chansons

...

Souvenirs, souvenirs,

Vous revenez dans ma vie

Illuminant l'avenir

Lorsque mon ciel est trop gris.

 

 

Sarkozy, Johnny. Jour J. D Day. Hallyday. Jojo, Sarko. Sarko, Jojo. Juste une photo. L'affiche et la... fiche.


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15 septembre 2012 6 15 /09 /septembre /2012 18:10

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Paris. Février 2012.                                                                                     © Jean-Louis Crimon 

 

 

 

Au bout de la table, il a repoussé la tasse. Croisé les bras, comme un enfant sage au fond de la classe. Un enfant d'autrefois. Dans une école d'autrefois. Il a pris appui contre le mur. Incliné la tête. Position foetale fatale. En toute sécurité contre la paroi, il retrouve le sommeil paisible de celui qui n'est pas encore né.

Ainsi sont les hommes. Même les hommes d'âge mûr. Quand la vie est trop dure, on se remémore, avec le corps, la douceur du sein maternel. Mots de poète. La paix perdue de la vie intra-utérine. Mots de psy.

Seule certitude : qu'on soit poète ou qu'on soit psy, il faut savoir habiter cette habitude. En tout lieu, savoir retrouver son milieu. La sieste est une actrice réparatrice.

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14 septembre 2012 5 14 /09 /septembre /2012 15:03

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Paris. Août 2012.                                                                                       © Jean-Louis Crimon  

 

 

Parfois, il n'y a rien à dire. Juste à ouvrir les yeux. Juste à regarder la ville. La voir. Savoir la voir. La voir et la boire. La boire des yeux. La goûter. La déguster. La savourer. La déchiffrer. Lire les espaces. Les mots des murs. Des palissades. Palissade à l'injonction facile. Message imbécile. Elle te parle ta ville. La ville te parle. Te parle au futur.

Demain. Demain ! Demain ? Mais la vie est moche. Demain te fait déjà les poches. Qui va lui sonner les cloches ? Toi, tu marches sans voir. Sans t'apercevoir que le futur s'approche. A grands pas. Le lointain se rapproche. Futur lointain devient futur proche. Demain est présent. Omniprésent. Demain se fait doubler par le présent. Le présent dépasse ton futur. Ton futur, c'est déjà du passé. Ton futur est dépassé.

Demain est dépassé. Demain est du passé. Demain est derrière toi. Demain dans le dos. Deux mains dans le dos. Le futur s'efface. En peu de temps. En un tour de main. Le futur passe. Le futur trépasse. Au présent.

Jamais le présent ne repasse. Demain, c'est derrière. Devant, le présent. A peine le temps d'être au futur. Tout va si vite, en ville. On double son futur. Sans même avoir klaxonné. A présent, au présent de se méfier.

Demain, c'est déjà hier.

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13 septembre 2012 4 13 /09 /septembre /2012 18:27

DSCN5885 © Jean-Louis Crimon

Rome. Septembre 2012.

 

 

Scène insolite. Face à face après la pluie. Deux voisins sans doute. Ils semblent se connaître. A moins qu'ils ne se croisent tout juste. Pour la première fois. Par hasard. Sur ce bout de trottoir. Ils se parlent du temps qu'il a fait. De cette journée entière de pluie. Des trombes d'eau. Pour laver la ville.

Je suis très mal placé. De l'autre côté de la rue. Je cadre d'instinct. Je prends. Au jugé. Une seule image. L'instant d'après, c'est fini. Déjà fini. La scène n'existe déjà plus. Le chien a bougé. Son maître a détourné le regard. La grande et jolie femme le salue. Elle s'en va.

Bien fait de prendre cette photo. Tout m'a semblé parfait. L'instant. Instant dérisoire. Dans la lumière du soir. Composition sublime d'un moment banal. J'adore le quotidien pour ça. Pour la beauté éphémère de l'instant. Instant de petits riens. D'une densité si forte et si fugace. Durée de vie, ici : un dixième de seconde, à peine. Equilibre fragile des formes et des couleurs. Incroyable répartition des couleurs. La mise en place. La mise en espace. La mise en scène. Juste pour moi. Passant du soir. Passant qui sait voir.

Ce qui me fascine, c'est cette immensité de gris qui encadre parfaitement l'ensemble. Dégradé de gris. Pavés de la rue. Gris bleu. Dalles du trottoir. Gris noir. Pierres d'une partie du mur. Gris clair. Panneaux du haut. Gris comme il faut. Les deux personnages presque gris aussi. Sur la portion de mur gris où ils se parlent. Semblent se fondre dans l'ensemble de gris d'un jour gris. Le petit chien blanc regarde ailleurs.  

La couleur est à l'intérieur. Deux belles pièces de couleur. Pour peindre un peu de soleil dans un jour trop gris.

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12 septembre 2012 3 12 /09 /septembre /2012 21:12

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Rome. Septembre 2012.                                                                               © Jean-Louis Crimon

 

 

Je croyais la manie urbaine strictement parisienne. Mais, qu'à cela ne tienne, à Rome aussi, tant pis pour les nanas, l'amour se fait... cadenas. Mam'zelle Angèle, Pont Saint-Angel... Amour éternel...

L'amour qu'on cadenasse, même avec l'air bonasse, à Rome ou à Paris, de la haute ou de la populace, ça oui, je prends les paris, très vite, sûr, ça lasse. Pardon pour le propos salace, la clef d'amour, c'est porno-dégueulasse. A Rome ou à Paname, on passe, sans état d'âme, de Ma Demoiselle à Ma Dame. N'en déplaise à la femme, je trouve ça plutôt infâme. La fille qu'on embrasse, si faut qu'on la cadenasse, franchement, ça tourne à la ramasse...

Même si, impavide, face à la peur du vide, la ville éternelle s'exclame : J'ai un Tibre dans mon moteur. La clef est à l'intérieur.

Au diable la passion fleuve, je préfère couler des amours paisibles de rivière. Au sud de la France. Pour la romance sur la Durance, j'ai un peu d'endurance.

 

Passerelle des Arts ou Pont de l'Archevêche,

L'amour est dans la dêche,

Ponts de Seine ou Ponts du Tibre,

Pour l'amour-cadenas, je n'ai pas... la fibre.


Tu peux faire ton bégueule, J'vais te casser la gueule, Toi qui joues le fou d'amour, Toi, le faux amour, la ferme ! Tu n'es qu'un sinistre amour qui enferme...

Impair et passe. Je m'achète un passe. Pour libérer la fille qu'on cadenasse. Aider la belle à se faire... la belle. Même si, tapis dans l'ombre, quand le fleuve tourne au sombre, le vieil amant est là, vieux briscard qui se voit déjà, avec ou sans cadenas, la prendre dans ses bras. Pour se l'enchaîner de plus belle... 

L'amour-prison, ça ribambelle...

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11 septembre 2012 2 11 /09 /septembre /2012 16:16

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© Jean-Louis Crimon.                     Chengdu, Sichuan. China. Campus.

 

 

La clef du savoir. La clef de la vie. La clef des songes. La clef des champs. La poudre d'escampette. La taille. La tire. La fuite. La fugue. Elle est passée par hasard dans le petit jardin que je traverse souvent, à la fin de mes trois heures de cours du matin. Je l'ai trouvée si gentille et gracieuse que je me suis permis de lui demander de prendre la pose. Debout sur la bordure de pierres. Pourquoi ? a-t-elle interrogé. Pourquoi pas ? ai-je répondu. La pose, à la pause, ça s'impose.

Elle a souri, sans savoir si vraiment c'était amusant. Elle a docilement esquissé le geste. Mimant avec les doigts la clef absente. Sans trop qu'on le sente. Instant amusant. Photo vue avant d''être prise. Photo sans surprise. Mais photo marrante, non ?

Photo souriante. Sourire amusé. Sourire immortalisé.

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 17:42

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© Jean-Louis Crimon                                Paris, Place Monge. 2011.

 

 

 

C'était encore l'hiver. Ou bien le tout début du printemps. Un début de printemps frileux. Tristoune et frisquet. Place Monge, à Paris. Pas très loin du quai de la Tournelle. Place Monge et sa brocante d'objets en ribambelle. Place Monge et sa brocante qui, toujours, m'enchante. C'était l'hiver. Ou les premiers jours du printemps. Je ne sais plus précisément. C'était déjà le soir. Cela, je m'en souviens très bien. La nuit tombe vite en hiver. Assez vite aussi au tout début du printemps. Même si l'on sent, alors, que le jour rallonge. C'était Place Monge. Il avait un peu plu, - ce qui ne m'a pas déplu, en fin d'après-midi. Le miroir était ponctué de gouttes de pluie. Des gouttelettes, pour être honnête.

Les marchands de choses ne disaient plus grand chose. Ils avaient, comme on dit, fait leur journée. Ils emballaient tranquillement, soigneusement, précautionneusement, leurs porcelaines. Leurs tableaux de Maître qui n'avaient pas trouvé de nouveaux Maîtres. Leurs petits meubles à écrire, qui resteraient sans servir. Leurs guéridons. Leurs tables de nuits. Leurs couverts en argent. Vendus par des gens désargentés.

L'homme à casquette s'approche. Il se regarde dans le miroir, sans se rendre compte qu'un autre miroir le réfléchit. Je veux dire le reflète. Le miroir se met à parler. Je l'entends dire quelque chose d'incompréhensible. Je tends l'oreille.

L'homme doit dire : Dans le miroir où je me mire, je me marre.

Le miroir répond : Il y a des jours où j'en ai marre. Des jours où ça va pas trop mal. Des jours où ça empire. Des jours où je larguerai tout. Tiens, ce soir, ma gueule de miroir pour un empire.

L'homme aux trois visages a dû dire encore quelque chose, mais là encore, je n'ai rien compris. L'homme aux trois visages s'est commandé une bouteille de Champ'. Elle est dans le seau. Le seau à champagne.

Vous ne croyez pas à l'histoire de l'homme aux trois visages. Il y a pourtant, sur la photo, une preuve. Une preuve irréfutable. Dans le bas de la photo. Dans le haut de la table.

Regardez bien, entourant la bouteille de champagne, il y a trois verres pour l'homme... Trois verres, ou trois timballes. Normal. Pour l'homme aux trois visages.

 

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