Paris. Le Monde. 13/14 janvier 2013. © Jean-Louis Crimon
Honni soit qui Mali pense. Le titre m'est venu comme ça. Au réveil. Très tôt. Faut dire que depuis longtemps, je m'endors avec la radio. Me réveille aussi avec, forcément. Nuit mouvementée. Bruits de bottes dans le poste. Infos de France Info et de RFI. France Inter toujours en grève à cause du redéploiement de quatre techniciens. Honni soit qui Mali pense. Beau titre. Sonne bien. Plutôt presse écrite que radio. Bon titre ? Pas si sûr. Peut-être qu'il n'a pas de sens. Pas de sens évident. D'emblée. Plutôt gênant pour un titre.
Honni soit qui Mali pense. Sale guerre qui commence. Sale guerre d'Afrique pour Hollande et la France. Mais comment faire autrement. Laisser faire ? jusqu'où ? jusqu'à quand ? Fermer les yeux. Se boucher les oreilles. Déjà trop longtemps que ça dure. Plus d'un an ? D'abord, qui les arme ? Qui leur procure des armes ? D'où viennent les armes des jihadistes ? les pick-up ? et l'argent, ils l'ont où ? qui leur vend des armes ? qui les a armés ? qui fait le plein de leurs pick-up ?
Le jour, la radio, -c'est curieux-, n'ose plus prononcer le mot "guerre". Les journalistes au micro, les présentateurs des infos, s'évertuent à dire en trois mots, intervention militaire française, ce qui s'exprime mieux, et plus clairement, en un seul. Qui s'imprime d'ailleurs, ce matin, à la une des quotidiens de papier : "guerre". Pourquoi la France entre en guerre, titre sans ambiguïté, Le Parisien.
Dans son point/presse du soir, le Président de la République évoque, lui, "l'intervention française au Mali" comme s'il s'agissait d'une opération humanitaire. N'emploie pas le mot "ennemis" et déclare : "de lourdes pertes ont été infligées à nos adversaires". Affirme la "détermination de la France à ne pas céder au chantage des terroristes". Ne justifie l'intervention française que dans l'attente du déploiement d'une force d'intervention Africaine. Surtout dans le respect des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. Afin de permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale.
Honni soit qui Mali pense. François Hollande souligne que l'action de la France a été saluée par la communauté internationale et par l'ensemble des pays africains. Le Mali, ancienne colonie française. Il y a 6000 ressortissants français à Bamako. Plan vigipirate renforcé en France et à Paris. Bâtiments publics et infrastructures de transports, sous surveillance.
Honni soit qui Mali pense. Pas si mauvais mon titre. Juste à ajouter une petite ponctuation. Deux petites virgules. Honni soit qui, Mali, pense. Pas si mauvais, alors, mon titre. Se peut même qu'il ait du sens. Qu'il fasse sens. Qu'il donne sens. Détesté, aujourd'hui, celui qui pense au Mali. Au Mali, en Malien. Les Maliens de Paris le disent bien : "Le Mali a toujours été un pays laïc où les hommes et les femmes vivent en paix. Nous ne voulons pas de la charia."
Intervention militaire de la France au Mali. Guerre éclair. Juste pour quelques jours. Juste pour empêcher les islamistes de rejoindre Bamako. Guère plus. Ou guerre pour un peu plus. Un peu plus longtemps. Avec des risques d'enlisement. La guerre n'est jamais jolie. Même pour le Mali.
Mali.
So Mali.
Somalie. Le raid a échoué. L'otage français a été abattu par ses geôliers.
Honni soit qui mal y pense : Honte à celui qui considère comme condamnable une action à l'intention innocente, mais aux conséquences ambigües.