Autoportrait en TER. Avril 2011 © Jean-Louis Crimon
Tout a une fin. Un jour, c'est le jour. Le dernier jour. Un jour, c'est la fin. Aujourd'hui, c'est fini. C'est ma dernière chronique. Mon dernier papier. J'arrête. Je tire un trait. Je mets le point final. Ce Blog, ce Journal du bouquiniste, je l'ai commencé en avril 2011. Le 27 avril 2011. Au départ, pour seule arme, la volonté naïve de traduire en mots, en sensations, en notations, et en idées, mon nouveau métier : Bouquiniste. Libraire de plein air, comme on aime dire, désormais, dans certains services de la Mairie de Paris.
Le soir du 27 avril 2011, je me donne à moi-même l'obligation d'écrire chaque jour. Chaque soir. Sans jamais manquer un jour. Sans jamais manquer un soir. Pas un jour sans une ligne. Faire mien, le beau proverbe latin. Nulla dies sine linea. Dire en quelques mots, en quelques paragraphes, notations impressionnistes ou plus détaillées, plus argumentées, ce dernier métier de rue qui n'est pas un simple passe-temps. Dire aussi l'air du temps. Chroniqueur du bout du quai. Mon autre métier. Vigie et pas vigile. Auteur de la pensée agile. Mon esprit ne va si mes jambes ne l'agitent.
Inventif. Incisif. Subversif. Poète et rêveur tout autant. Tant que le quai m'en laisse le temps. OverBlog qui m'héberge me demande de définir en trois lignes l'esprit de mon projet. J'écris, dans les cases appropriées, sans dépasser le nombre de signes :
- Blog : Le blog de crimonjournaldubouquiniste
- Catégorie : Journaliste Bouquiniste rêveur impénitent Littérature
- Description : Journal d'un bouquiniste curieux de tout, spécialiste en rien, rêveur éternel et cracheur de mots, à la manière des cracheurs de feu !
Pas évident de se définir d'abord. D'emblée. D'entrée. Avant d'avoir rien montré. Rien démontré. Faut être à la hauteur. A la hauteur de la barre qu'on s'est soi-même imposée. J'ai mis la barre un peu haut. Comme toujours. Plus le challenge est relevé, plus ça donne envie de relever le défi. Bouquiniste sur le quai, c'est romantique. Tellement romantique. Follement romantique.
Bouquiniste devenu, je réalise, doublement, sur le quai, le rêve de mes quinze ans. Je me dis que j'ai, cette fois, in extremis, sans doute, les conditions idéales pour réaliser ce projet si souvent abandonné, tout au lond de mon existence sociale et tout au long de mon existence tout court : tenir un journal. Tenir mon journal. L'obsession du diariste m'a rattrapé.
Tenir, chaque jour, un journal. Son journal. Au lycée, dans les années soixante, j' y avais pensé. J'ai même commencé. Tenu huit jours. Sur un cahier qu'on n'appelait déjà plus de brouillon, mais d'essais. Salle d'Etudes des Internes. Pour égayer nos vies trop ternes. Terminale philo. Verlaine et Rimbaud. Vite abandonné. Mes années d'étudiant, caractérisées par les prises de notes obligatoires des cours magistraux, de professeurs qui l'étaient vraiment, m'ont dissuadé de reprendre la lubie du journal. Mes années d'enseignement ont failli m'en redonner le goût. Surtout dans le beau rôle du prof de philo. Mais, là aussi, la volonté m'a manqué.
Localier au Courrier Picard, début des années quatre-vingt, j'ai tenté la chose une nouvelle fois. Rêvant de donner naissance à une variante picarde du Spleen en Corrèze d'un certain Denis Tillinac. Mais trop pris par l'extérieur, je n'ai pas su consacrer les minutes quotidiennes suffisantes au beau projet. Difficile d'écrire chaque jour, dans Le Journal, et chaque soir, dans son journal. En fait, je m'étais fait une raison. Diariste ne serait pas mon fort. Pas non plus mon but. Pas ma vocation.
La radio m'a ensuite totalement absorbé. Quand on écrit au micro, on perd la facilité d'écrire au stylo. J'ai à nouveau laissé tomber. Un journaliste ne peut pas tenir un journal. Ne peut pas tenir son journal.
Du 27 avril 2011 au 15 septembre 2011, c'est la première partie de mon blog. 15 septembre 2011, date de mon départ pour la Chine. Ayant eu la faiblesse d'accepter le poste de professeur de français que l'on me propose à l'Université Normale du Sichuan, à Chengdu. 2000 km au sud-ouest de Pékin. La ville des Pandas. Fago Laoshi. Une expérience fabuleuse. Un break salutaire. Seul problème : le blog. Mon blog. Pas de blogueur subjectif dans la Chine toujours communiste. Mes amis chinois m'ont prévenu. Le blog, chez nous, vaut mieux éviter. Ce ne serait pas très raisonnable. Pour toi, d'abord. Ensuite, pour nous. Tu as un esprit trop libre. Tu es trop imprévisible. On aurait tous des ennuis. Je me suis donc abstenu. Par respect de mes amis chinois. A mon retour, le 15 janvier 2012, j'ai renoué avec le blog. Du 15 janvier 2012 à ce 17 janvier 2013, j'ai mis un point d'honneur à ne manquer, sous aucun prétexte, ce rendez-vous quotidien. La campagne présidentielle française, vue du quai des bouquinistes, m'a parfois amusé. Souvent agacé. La guerre du Mali me laisse sans voix. Je ne pensais pas qu'en ce début 2013, ça repartirait... comme en 14.
Ce soir où, volontairement, je m'efface, je me fredonne pour moi tout seul, la chanson de Brel : Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?
A l'heure où j'écris, si je lis bien les statistiques du site OverBlog qui m'héberge, vous êtes plus de 31.000 à m'avoir lu, depuis le 27 avril 2011. Certains, y prenant goût, sans doute, m'ont fait l'honneur de me lire plusieurs fois, puisque mes pages d'écriture ont eu droit, grâce à vous, à près de 75.000 lectures.
Les statistiques générales de votre blog depuis sa création
Aujourd'hui, c'est ma 500 ème chronique. Mon 500 ème papier. Mon dernier papier. J'arrête. Je tire ma révérence. Non pas parce que je n'ai plus rien à dire. Sur l'époque. Sur le monde ou sur les gens. Envie, simplement, de le dire autrement. D'abord, de me taire. Parfois, se taire est salutaire.
Je repense à cette pensée en forme de proverbe : l'homme met trois ans pour apprendre à parler et toute sa vie pour apprendre à se taire. Disons que, pour moi, le temps est venu d'apprendre à me taire.
Je vous entends déjà : vous allez nous manquer !
Si je vous manque, relisez-moi ! Depuis le début ! 500 chroniques. Une par jour. Une bonne année de lecture. Si certains jours, vous vous accordez le plaisir d'en lire... deux.
27 avril 2012 - 17 janvier 2013. Chroniques du bout du quai. On embarque seul ou à deux. Bonne lecture.
Si je vous manque malgré tout. Employez les grands moyens. Trouvez-moi un Editeur. 500 chroniques. Poétiques. Politiques. Sympathiques. Eclectiques.
Si on en jette 4 sur 5, ce qui peut sembler excessif, il en reste une bonne centaine. Cent chroniques. Autant de photos. De quoi faire un joli petit livre. Un chouette bouquin. Le titre est tout trouvé :
Journal du Bouquiniste.
Date de création : | 27/04/2011 |
Pages vues : | 74 871 (total) |
Visites totales : | 31 247 |
Journée record : | 05/11/2012 (425 Pages vues) |
Mois record : | 12/2012 (7 305 Pages vues) |