Ce livre-là, j'ai dû l'acheter au début des années 70, dans l'autre siècle, le XXe, ce siècle 20 que nous avions pris l'habitude, par dérision autant que par lucidité politique, de rebaptiser "le siècle vain". C'était au temps de nos 20 ans turbulants et paisibles à la fois.
C'est le titre qui m'avait accroché d'emblée, un titre plutôt long pour un lecteur qui depuis toujours préfère les titres courts. Un titre d'une beauté rare. Un titre comme une promesse. Une promesse qui dépasse la promesse de lecture de ce petit roman perçu comme flamboyant. Un titre comme une promesse de vie. La jeune fille qui ressemblait à un cygne. Auteur : Patrick Reumaux.
L'incipit était superbe. Il disait : "Maintenant que j'ai abandonné la licence de philosophie pour écrire des histoires pour les enfants, j'ai le sentiment que cela seul a de l'importance."
En un instant, "La jeune fille qui ressemblait à un cygne", roman, est devenu "Le livre qui ressemblait à un signe."
Je n'ai pas abandonné pour autant la licence de philosophie. Je ne me suis pas mis à écrire des histoires pour les enfants. J'ai simplement compris que dans ma vie, rien ne serait plus essentiel à mes yeux que l'écriture. Aujourd'hui, je persiste et je signe. Ecrire, j'ai le sentiment que cela seul a de l'importance.
Miracle des hasards de l'existence humaine, comme dans le roman, la jeune fille qui ressemblait à un cygne m'est un jour apparue. Je l'ai vue vraiment. Vraiment vue. Une légéreté soudaine, une grâce incroyable. Aérienne.
Beauté rare de l'instant donné qui serait à tout jamais enfui s'il n'y avait eu, à cet instant précis, la magie de la photographie.
© Jean-Louis Crimon
La fille à la fenêtre
Sans doute ou bien peut-être
T’as l’impression de la connaître
A la vitre du temps, c’est toi qu’elle attend
La fille à la fenêtre
Sans doute ou bien peut-être
C’est à toi qu’elle téléphone,
Juste à attendre que ça sonne
La fille à la fenêtre
Sans doute ou bien peut-être
C’est toi qu’elle appelle,
Même si des lovers elle en a à la pelle
La fille à la fenêtre
Sans doute ou bien peut-être
Elle te laisse un message
Pour te dire qu’elle est de passage
La fille à la fenêtre
Sans doute ou bien peut-être
Elle poste un flow de je t’aime dans ta boîte vocale
Rêve pas trop, camarade, ta batterie est en rade
La fille à la fenêtre
Ce n’est pas peut-être,
Elle est belle comme un Vermeer de bord de mer, un Gauguin gris,
Comme un profil de Madone qui guette la pluie
La fille à la fenêtre,
Toi, tu rêves qu’il tombe des tonnes d’eau
Pour courir la sauver du déluge
Mais pas la moindre averse
La fille à la fenêtre
Sans aucun doute, c’est pas peut-être
Elle est trop belle pour toi, laisse tomber, arrache-toi
Son coup de fil n’est pas pour toi.
La fille à la fenêtre
Sans aucun doute, c’est pas peut-être
La téléphonie sans fil, ça ne tient qu’à un fil,
Tu n’es pas dans la mémoire des numéros qu’elle défile.
Traverses © Jean-Louis Crimon