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26 janvier 2016 2 26 /01 /janvier /2016 00:01
Paris. La Closerie des Lilas. 25 Janvier 2016. © Jean-Louis Crimon

Paris. La Closerie des Lilas. 25 Janvier 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher romantique égaré dans un siècle qui n'est pas le tien,

Tu aimes l'endroit. Le lieu. Le cadre. L'ambiance. Les noms gravés sur les tables. Entre Man Ray, Paul Eluard et Guillaume Apollinaire, tu choisis la petite table ronde, dans l'angle.

Une vue imprenable. Un premier café. Serré. Tu as hésité entre la terrasse et son soleil pâle d'hiver qui marque une pause. Tu fermes les yeux pour mieux respirer. T'imprégner. Ressentir les ondes qui magnétisent toujours l'espace. Tu les vois tous arriver. Bras dessus, bras dessous. Certains sont déjà saoûls. Verlaine, Apollinaire, Alfred Jarry, Baudelaire, Théophile Gautier, les frères Goncourt, Emile Zola, Paul Cézanne, et encore Paul Fort qui vient jouer aux Echecs avec Vladimir Ilitch Oulianov.

Lénine en train de pousser du bois à La Close, avec l'auteur du Petit cheval blanc. Tu te souviens comme cette chanson te faisait venir des ruisseaux de larmes où tu aurais aimé te coucher pour toujours à côté du petit cheval mort, mort à l'ouvrage, un jour d'orage.

" Le petit cheval dans le mauvais temps, qu'il avait donc du courage !
C'était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant.

" Il n'y avait jamais de beau temps dans ce pauvre paysage.
Il n'y avait jamais de printemps, ni derrière ni devant.

" Mais toujours il était content, menant les gars du village,
A travers la pluie noire des champs, tous derrière et lui devant.

" Sa voiture allait poursuivant sa belle petite queue sauvage.
C'est alors qu'il était content, eux derrière et lui devant.

" Mais un jour, dans le mauvais temps, un jour qu'il était si sage,
Il est mort par un éclair blanc, tous derrière et lui devant.

" Il est mort sans voir le beau temps, qu'il avait donc du courage !
Il est mort sans voir le printemps ni derrière ni devant. "

Va écrire après ça. Va rêver d'écrire. Et pourtant, toi aussi, tu l'as croisé, ce petit cheval blanc. Chassez le naturel , il revient au... galop.

Selon la légende, la Closerie aurait été construite sur le domaine du château de Vauvert, château appartenant à Robert le Pieux, fils de Hugues Capet. Abandonné à la mort du propriétaire, le château aurait été hanté par le Diable. L'expression « aller au diable vauvert » viendrait tout simplement de là. Deux siècles plus tard, Saint Louis donne le domaine aux Chartreux afin qu'ils exorcisent le lieu.

A la Closerie des Lilas, s'attablent aussi Ernest Hemingway, Henry Miller et Francis Scoot Fitzgerald. On raconte que c'est à la terrasse de la Closerie que Fitzgerald fait lire à Hemingway le manuscrit de Gatsby le Magnifique.

Depuis maintenant 10 ans, chaque année, début janvier, se réunit à La Closerie des Lilas, le jury du Prix du Livre incorrect, façon de faire vivre la tradition artistique et littéraire du célébre restaurant. Le jury distingue un ouvrage qui se signale par sa liberté de ton, son indépendance d'esprit et sa singularité. En Janvier 2007, le premier prix a été attribué à Eric de Montgolfier pour Le Devoir de déplaire. Parmi les autres lauréats: en 2009, Patrick Rambaud pour Deuxième chronique du règne de Nicolas Ier et en 2012, Pascal Bruckner pour Le Fanatisme de l'apocalypse. Sauver la Terre, punir l'Homme et Christopher Caldwell pour Une révolution sous nos yeux : comment l'islam va transformer la France et l'Europe.

En mars 2015, le neuvième prix du Livre incorrect est remis à Gabriel Matzneff pour Mais la musique soudain s'est tue : Journal 2009-2013.

Clin d'oeil en forme d'hommage, ce début de chanson qui me trotte soudain dans la tête:

" Mon voisin de table,

Me dit, très affable,

Qu'est-ce que tu lis là,

A la Close des Lilas ?

J'lui réponds direct,

J'lis le Prix du Livre incorrect ! "

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commentaires

G
Merci jean-Louis pour ce moment à la Close.