Cher capteur d'instants,
Tu aimes écrire avec la nuit. Tu aimes écrire avec la lumière. Tu aimes écrire avec la lumière de la nuit. Photographier, pour toi, c'est une forme d'écriture. Une écriture... lumineuse. Une écriture capable de révéler notre part d'ombre. Tu t'es inventé ta propre technique. Ta propre façon d'opérer. Une façon qui ne déplairait pas à Brassaï ou à Man Ray. Une prise de vue volontairement bougée, non pas tremblée. Il faut de la fermeté et de la maîtrise dans cette manière de photographier. Souplesse du geste du bras et fermeté de la main qui tient le boîtier.
C'est la part de hasard dans ce savant "bougé maîtrisé" qui te fascine. Le hasard est le vrai maître d'oeuvre. Toi, tu décides juste du moment où tu va appuyer sur le déclencheur en bougeant de façon circulaire l'appareil. Le reste est affaire de chance. Si ton mouvement est vif et régulier, l'écriture aura du sens. Un sens. Au fond, la photo de nuit, bougée, dansée, chahutée, balancée, enjouée, débridée, insensée, c'est ce qui te plait. Quand rien n'est gagné d'avance.
Comme dans la vie. Comme dans l'existence. Tu penses que c'est un jeu d'enfant, mais tu sais que c'est un jeu sérieux. On ne rivalise pas impunément avec les dieux.