Je parle aux oiseaux du bord de l’eau
Je connais les accents de la rivière
Je sais le sens du vent
La course des nuages
L’heure de la pluie
Je marche tard dans le soir
Sans jamais m’asseoir
Je n’ai pas peur du noir
La nuit est mon amie
J’étudie les mots du silence
Pour en connaître le sens
Je n’ai pas peur de la solitude
Je ne crains pas l’absence
On n’est jamais seul quand on est seul avec soi-même
La grille du cimetière donne sur les champs
Les paysans ont mis le feu à l’herbe sèche des talus
J’aime l’odeur âcre de la fumée du mois de mars
Les giboulées vont venir ponctuer l’écriture du printemps
Mettre un point final à l’hiver
Toi, déjà, tu rêves à la musique des feuilles des arbres
Quand le vent joue de l’harmonica dans les branches qui grincent pour ne pas pleurer
Les larmes, ça attire la pluie
Tu ne ressens jamais aucune fatigue, aucune douleur
Tu n’as jamais mal aux pieds, mal au dos, mal aux dents,
Ou si tu as mal, tu ne te plains pas
Se plaindre, c’est mal, se plaindre, ce n’est pas normal,
On ne se plaint pas d’être vivant.
Les morts n’ont plus mal aux dents.
Toi, tu rêves et tu dérives
Tu rêves tes rêves à la dérive
Tu vas dire : j’arrive quand on t’appelle de l’autre côté de la rive
Tu dis parfois Il pleut dans ma tête ou J’écoute la respiration de l’eau.
Tu penses que tu as le même arbre généalogique que la pierre.
Tu parles de ta sœur la pluie.
Tu voudrais laisser des messages aux générations futures
Tu dis qu’un écrivain, c’est un pêcheur à la ligne
Il amorce
Il lance ses gaules et il attend que ça morde
Tu prétends que les mots sont des poissons d’argent
Pourtant tu dis : Le silence est d’or.
Tu n’as pas ta langue dans ta poche
Tu dis : Les idées, c’est comme les chaussures, celles qui ne sont pas à votre pointure
risquent de vous empêcher de marcher.
Moi, pour t’ennuyer, je te réponds :
Un penseur est un va nus pieds.
J’invente des titres impossibles pour des livres que je n’écrirai jamais.
« Voyage au bout de l’ennui » et « Rêveries du promeneur solidaire »
sont mes deux préférés.
« Traverses »
sera le plus beau.
© Jean-Louis Crimon