Peu importe l’heure, le lieu, la ville, le pays,
Soir qui tombe ou plein midi
J’aime le geste du balayeur
Sans doute parce que c’est le geste de mon père jardinier
Bon bêcheur pas bêcheur, bon balayeur
Dans sa vie, il en a donné des coups de balai, mon père
Autant que de coups de bêche
Feuilles mortes ou poussière
Eté, printemps, automne, hiver
En toute saison, son balai avait toujours raison
N’a jamais lésiné
Chaque jour de sa vie
Pas un jour sans un coup de balai
La cour, côté jardin
Le trottoir, côté rue
Impeccable
Fallait que ce soit impeccable
Impeccable, nickel, ses deux mots préférés
Pour parler de ces choses essentielles à ses yeux
Dans ma tête d’enfant, j’imaginais qu’il balayait aussi les jours au calendrier
Pour que le temps passe plus vite
Hop, un coup de balai sur aujourd’hui pour qu’il se nomme hier
Hop, déjà se pointe demain pour balayer les soucis d’aujourd’hui
Hop, demain effacé en un tour de main
Dans mes conjugaisons enfantines, les éléments étaient aussi de la partie
Le vent balaie la campagne
Le ciel balaie les nuages
La pluie balaie la poussière
Aujourd’hui encore, après toutes ces années amoncelées
il y a toujours un coup de balai à donner quelque part
Le balai Aujourd’hui efface toujours Hier
Rien à faire, il y a toujours quelque chose à faire
Dernier balayage du soir
Déjà pointe le premier coup de balai du matin
Seule différence, s’est enfui à tout jamais le temps de la belle enfance
Mon père a changé de destin
Il s’est absenté
Pour toujours, disent les gens
Je n’en crois rien
Moi, je pense qu’il balaie l’envers des nuages.
© Jean-Louis Crimon