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13 janvier 2016 3 13 /01 /janvier /2016 00:01
Compiègne. Salle Saint-Nicolas. 12 Janvier 2016. © Jean-Louis Crimon

Compiègne. Salle Saint-Nicolas. 12 Janvier 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher toi,

Ce matin, comme prévu, tu as pris le train de 10:54 pour Compiègne. Comme prévu, tu es arrivé à 11:51. Comme prévu, Florence Lambert et Nicolas Cardon sont venus t'accueillir à la gare. Tu leur as dit que tout au long du trajet, entre Amiens et Compiègne, le ciel avait couleur d'encre. Une encre violette. Que c'était bon signe. Un ciel couleur d'encre, ça ne peut qu'inspirer un romancier. Même si aujourd'hui, les lettres écrites au clavier n'ont que faire des encriers et des encres violettes. Tu as trouvé ce clin d'oeil très littéraire. Il y a avait de bons mots dans l'air. Déjeuner sympa dans un endroit de même: le Bistrot du Terroir. Un élève qui avait lu et adoré ton roman vous a rejoint à table. Le repas fut un moment joyeux. De bons mets et à nouveau de bons mots.

Au programme de l'après-midi, la Rencontre avec 200 lycéens qui font vivre le Prix Lycées-Lecture, organisé par la Bibliothèque Municipale avec les 5 lycées de la ville et la Librairie des Signes. Une superbe aventure créée en 2002 et qui a couronné cette année-là Eric-Emmanuel Schmitt. Tu es parmi les quatre romans de la sélection annuelle, avec Du côté de chez Shuang, ton petit roman chinois, comme tu aimes à dire. Les trois autres romans sont: Le coeur du Pélican de Cécile Coulon, Un hiver à Paris de Jean-Philippe Blondel et Evariste de François-Henri Désérable. Salle Saint-Nicolas, 14 heures 30, la fête commence.

Incroyable rencontre. Etonnante. Surprenante. Extra-ordinaire. Ponctuée de questions faussement naïves:

Quand avez-vous commencé à écrire ?

Combien de temps avez-vous mis pour écrire votre roman ?

Où écrivez-vous ?

Pourquoi un amour platonique ?

Tu leur as répondu, comme tu as pu, sans en dire trop et sans en dire trop peu. Une lycéenne t'as posé une question sur ta façon de jouer avec les sons, les sonorités, les allitérations, les assonnances, les jeux de mots. Une autre t'a demandé pourquoi avais-tu écrit, dans l'avertissement au lecteur, que ton roman était à lire à "haute voix". Tu as cité Flaubert et son gueuloir. Tu as expliqué que la musique de la phrase ne s'écoute parfaitement qu'avec l'oreille, que la lecture à voix basse, ça casse et parfois ça lasse.

Une autre t'a demandé si Liu Xiaobo avait pu lire ton roman puisque tu lui as dédié. Elle a aussi voulu savoir si le roman avait été traduit en chinois. Tu as expliqué que le contexte politique actuel de la Chine ne le permettait pas, mais que tu donnerais bien, chaque année, six mois de ta vie, pour permettre au Prix Nobel 2010 de respirer, six mois par an, un air de liberté. Tu as dit vouloir proposer au gouvernement chinois et au Président Xi Jinping de partager le temps de détention de Liu Xiaobo:

"Moi, 6 mois dedans, lui, 6 mois dehors, et puis moi, 6 mois dehors, et lui, 6 mois dedans ! "

En réponse à la question sur le moment précis de tes premières tentatives d'écriture, tu leur as, de mémoire, donné les deux premiers vers de ton premier poème, "Comme l'eau qui goutte à goutte tombe du toit, pleure mon triste coeur..." et tu leur as parlé de cette allitération "en T" qui t'avait valu les éloges de ta Prof de Français, en classe de troisième, au Lycée Lamarck d'Albert, en 1964, dans un autre siècle et dans un autre monde.

"Comme l'eau qui gouTT'à gouTTe Tombe duToit", c'est vrai, au fond, ta Prof avait raison, ça valait largement " Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? " Les 200 lycéens de la salle Saint-Nicolas ont trouvé ça très drôle que tu te compares à Racine et à son Andromaque, V, 5. Ils t'ont applaudi sans cesse pour saluer ta prouesse de piétiner sans faiblesse l'allitération en "s" !

Le soir, tu as pris le train de 18:31 pour Amiens, la tête ivre de toutes ces questions. Tu t'es repassé le film de l'après-midi et tu as regretté de ne pas avoir précisé telle ou telle chose pour éclairer davantage telle ou telle question. Tu t'en es voulu de ne pas avoir assez bien répondu à la question sur l'amour platonique, même si tu as bien mis en avant la certitude du narrateur de ton roman: l'incontestable supériorité du coeur à coeur sur le... corps à corps.

C'était... raccord.

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