© Jean-Louis Crimon
Chengdu. Sichuan. RPC. Octobre 2011.
Souvent, le soir, sans dire un mot, il s'en va chercher son instrument préféré. Il en a terminé avec ses tenailles, marteaux, ciseaux à bois et autres balais. Il en a fini avec son boulot d'homme d'entretien. D'homme toutes mains. De factotum, comme on dit sous d'autres climats.
Il s'installe dans le hall de la Résidence des étudiants étrangers dont il est le gardien. S'asseoit, se cale le dos bien droit, clope au bec, ou pas, et fait glisser alors tout doucement l'archet. Histoire de réveiller l'instrument. De le mettre en confiance. La magie opère. Le miracle se produit. Le violon à deux cordes se met à pleurer toutes les larmes trop longtemps retenues. Corps accord. Corps raccord. Son infinie tristesse est raccord.
Parfois, il chante. Un chant très mélancolique. Qui semble venir de très loin. Pourquoi je repense à lui aujourd'hui ? Parce qu'il pleut. Une pluie fine, douce et triste, comme la pluie qui tombait les soirs où il se mettait à jouer. Oui, c'est sûr, c'est à cause de la pluie que je pense à lui.
Lui, je me demande s'il pense encore à moi.