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8 mars 2019 5 08 /03 /mars /2019 11:07
Paris. Mai 2014. © Jean-Louis Crimon

Paris. Mai 2014. © Jean-Louis Crimon

 

J'aime le geste du balayeur. Quelle qu'en soit l'heure. Le lieu. La ville ou le pays. Le moment. Soir qui tombe, fin de journée ou plein midi. Sans doute parce que ce geste me rappelle la présence de mon père. Jardinier de son métier. Dans sa vie de jardinier, il en a donné des coups de balai, mon père. Feuilles mortes ou poussière. Eté, printemps, automne, hiver. En toute saison, son balai avait raison. N'a jamais lésiné. Chaque jour de sa vie. Pas un jour sans un coup de balai. La cour, côté jardin. Le trottoir, côté rue. Impeccable. Fallait que ce soit impeccable. Impeccable. Nickel. Ses deux mots préférés.

 

Moi, dans ma tête d'enfant, j'imaginais qu'il balayait aussi les jours au calendrier. Pour que le temps passe plus vite. Hop, un coup de balai sur aujourd'hui pour qu'il se nomme hier. Hop, déjà se pointe demain pour balayer les soucis d'aujourd'hui. Hop, demain effacé en un tour de main. Dans mes conjugaisons enfantines, les éléments aussi étaient de la partie. Le vent balaie la campagne. Le ciel balaie les nuages. La pluie balaie la poussière.

Aujourd'hui encore, avec toutes ces années amoncelées, il y a toujours un coup de balai à donner quelque part. Le balai Aujourd'hui efface toujours Hier. Rien à faire, il y a toujours quelque chose à faire. Dernier balayage du soir. Déjà pointe le premier coup de balai de demain matin.

Seule différence : s'est enfui à tout jamais le temps de la belle enfance. Mon père a changé de destin. Il s'est absenté. Pour toujours, disent les gens. Je n'en crois rien.

Moi, je pense qu'il balaie l'envers des nuages.

 

 

© Jean-Louis Crimon

Je me souviens d'Amiens " Le Castor Astral. 2017. (pages 118 et 119).

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