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7 janvier 2019 1 07 /01 /janvier /2019 08:27
Les Hortillonnages. Paule Roy. 1981. © Courrier Picard / Crédit Agricole de la Somme.
Les Hortillonnages. Paule Roy. 1981. © Courrier Picard / Crédit Agricole de la Somme.

Les Hortillonnages. Paule Roy. 1981. © Courrier Picard / Crédit Agricole de la Somme.

J'ai bien connu Paule Roy. Je l'ai rencontrée à plusieurs reprises, chez elle, à Rivery, la première fois pour une interview-radio. C'était au temps des premières années de Radio France Picardie. 1979 ou 1980. C'était une passionnée, pas seulement par les rues d'Amiens. Férue d'Histoire locale, elle était intarissable. Les Hortillonnages étaient aussi pour elle une véritable passion. Passion pour laquelle elle devenait immédiatement passionnante. 

Rien d'étonnant à ce que Le Courrier Picard lui confie, en 1981, la rédaction d'un livret consacré aux Hortillonnages. Elle y déploie tout son talent d'écriture et d'esprit de synthèse. Elle y confie même à la toute fin de l'ouvrage quelques uns de ses poèmes, appelés "Croquis", dont elle s'excuse presque de les faire coexister avec ceux, en picard, d'Edouard David. 

 

" Un ardent soleil métallique

Sur l'étang calme et gris, piqué de nénuphars ;

Un cri d'oiseau mélancolique ;

Un train, très loin, là-bas, qui siffle quelque part..."

 

D'Edouard David, - qui oserait la contredire ? - Paule Roy affirme qu'il est le meilleur chantre des Hortillonnages, ami des humbles, des pauvres, des travailleurs. Elle publie d'ailleurs un extrait des chants que Tchot Doère a consacré aux Hortillons et aux Hortillonnages : 

 

" Ch'est da l'vallée, d'Camon à Ch'Baraban 

A quèqu's longueurs ed ramon qu'est ch'gardan

Où l'legueinm' pouss' comm' si que ch'boin Dieu veuche

Preind' sin plaisir à li donner ch'coeup d'peuche

Ch'est lo qu'nou fleuve, amassant ses trésors,

Etranné, jette, ein vrag', tous ses debords,

Par chés mill' riux qui d'vant d'raller à l'Somme

Torn'nt pis ratorn'nt...

Lo chés oisieux, aux canchons admirabes,

S'donn'nt reindez-vous da l'grand cafouilli' d'abes.

...

Mais por afan qu'fuch' complet' vou visite,

Preindez ch'batieu, allez donc, cho l'mérite ;

Feufilez-vous pus avant par chés riux ;

O treuvarez d'quoi conteinter vos yux.

...

Bayez au loin, par chés treus foits à l'voute,

Ch'est l'Cathédral', nou suberb' monumeint.

Nayez sin cop qui s'ébot si crânn'meint

Su nou cité, su chés hortillonnages... "

 

 

 

Ce texte en picard de Tchot Doère se trouve à la toute fin du livret rédigé par Paule Roy, un livret curieusement non paginé. Photos non légendées. Une trentaine de pages malgré tout très précises et précieuses pour qui se passionne pour les Hortillonnages. 

 

D'entrée, l'information essentielle est clairement mise en place : "Les Hortillonnages d'aujourd'hui, ce sont quelque trois cents hectares de terre enserrés entre Amiens, Camon, Lamotte-Brebière, Longueau et Rivery. Les comparer à un échiqier ne serait pas exact car ce terme implique l'idée d'une géométrie régulière. Il s'agit plutôt d'un immense puzzle qu'il faut découvrir lorsque le long bateau à cornet ou une barque plus légère s'insinue entre les rieux au rythme lent du batelier, familier de ces lieux et qui en connait parfaitement les moindres détours.

 

On y apprend aussi qu'un photographe-poète allemand les a nommés "les jardins flottants", mais Paule Roy ne nous donne pas son nom. Ce qui ne l'empêche de valider cette jolie définition en poursuivant : " Jardins flottants, c'est exactement l'impression que l'on ressent, car chaque parcelle de terre semble flotter sur cet espace mouvant formé par les multiples canaux qui se croisent et s'entrecroisent, s'élargissant ça et là en pièces d'eau plus ou moins vastes dont la plus importante est l'étang de Clermont."

 

Que deviennent les légumes et les fruits produits par les Hortillonnages ?, interroge en fausse naïve Paule Roy pour mieux nous rafraîchir la mémoire : " A l'origine et jusqu'au début du siècle, ils fournissaient intégralement la ville d'Amiens. Pour amener sa récolte, l'hortillon utilisait - il utilise encore - un bateau de forme bien particulière : sa proue en forme de cornet est très relevée et munie de nervures de bois formant un léger escalier ; cette haute proue permet à l'hortillon de passer d'une aire à l'autre mais aussi d'accoster au quai du Marché sur l'eau. Les légumes étaient placés dans des mannes, appelées "mandes" en picard. "

 

Notons au passage cette définition parfaite du bateau de l'hortillon et de la raison de sa forme si particulière, une forme adaptée à sa fonction : " sa proue en forme de cornet est très relevée et munie de nervures de bois formant un léger escalier ; cette haute proue permet à l'hortillon de passer d'une aire à l'autre mais aussi d'accoster au quai du Marché sur l'eau."

 

Voilà qui est dit et plutôt bien dit. Paule Roy, merci. 

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

 

Les Hortillonnages. Paule Roy. Edition Le Courrier Picard / Le Crédit Agricole de la Somme.

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