J'ai trouvé ma place. Une petite place. Tout près de ma Tante Laure et pas très loin de mon petit frère Jean-François. Né le matin, mort le soir. Pas même vécu une journée entière. Redevenu poussière depuis si longtemps. Né un an après moi. Jamais compris pourquoi, lui, était mort, et pourquoi, moi, j'étais vivant. Pourquoi, moi, j'allais devoir vivre. Avant moi, une petite fille était née et morte aussi, à la naissance. J'étais donc né entre deux enfants morts. Je ne sais plus quand ma mère me l'a dit. Je n'ai pas non plus compris pourquoi elle avait éprouvé le besoin de me le dire. Comme si, à ses yeux, j'avais la charge de vivre pour trois. Comme si je devais en être conscient chaque instant de ma vie de vivant.
La vie m'a semblé très courte. Passée si vite. Se pointe déjà la fin du parcours. J'ai trouvé ma place. En lisière, en bordure. Près de la haie qui borde le chemin qui va vers la Butresse. La source du village. Un bon endroit, ma foi. Pour celui qui n'a pas la foi.