Paris. Septembre 2012. © Jean-Louis Crimon
Souvent je me demande ce que disent les mains dans le dos. Ce qu'elles pensent. En silence. Tout bas. Elles sont inertes. Patientes. Elles ne voient rien. Elles ne touchent pas. Ne caressent pas la couverture du livre ancien que le propriétaire des mains regarde. Pourtant, si l'homme se décide, alors les mains vont lui être précieuses. L'homme va se souvenir qu'il a deux mains. Il va cesser de les ignorer. Il va gentiment les remettre à l'honneur : la gauche et la droite. Ils va les convoquer pour leur exercice favori. Elles vont prendre le livre. L'ouvrir. Le parcourir. Le feuilleter. Le poser. Le reprendre. Dans la poche intérieure de la veste, la main droite, toujours aussi leste, va prendre le portefeuille, pour le délester d'un billet ou deux. A moins que la gauche ne fasse soudain l'appoint avec la monnaie qui se trouve, -l'homme est organisé-, dans la poche de gauche.
Pour l'instant, l'homme caresse avec les yeux ces titres déjà vus, déjà lus, la veille. Il enveloppe du regard cette bibliothèque inattendue. Impromptue. Classée par association d'idées davantage que par ordre alphabétique des auteurs. L'homme est un rêveur. Pas forcément un acheteur. Les mains dans le dos, signe de l'homme qui rêve dans sa tête. Dans cinq minutes, sûr, il se remet en marche. Les mains toujours dans le dos. Parfois les mains se lassent. Elles en ont marre. Mais elles ne savent pas comment le dire. Comment l'exprimer. Elles en ont assez de cette balade sur le quai où on les ignore. Elles en ont...
plein le dos.