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11 juillet 2016 1 11 /07 /juillet /2016 00:01
Amiens. 11 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 11 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher vieux chat... grin,

 

Cesse de te prendre pour un lion, tu n'es qu'un chat, un chat viré au soleil du jardin parce qu'il fait trop de bruit quand il ronronne au salon. C'est connu, le chat ronronne et l'homme... ronfle. Allez, va, dans un bon mois, ce sera ton heure de gloire, tu seras enfin en parfaite harmonie avec le calendrier: tu seras le chat qui miaule à la mi-août...

 

Tu sais bien comment ça te vient, sans prévenir, sans crier gare, ciel du matin ou ciel du soir, besoin de t'isoler, de te mettre à l'écart, ni trop près, ni trop loin, mais à distance, à bonne distance, c'est comme ça que tu aimes prendre tes distances. Chat évite les coups de griffes. Chat calme. Chat tranquilise. Chat qui fait sa valise.

Chat dans les foins, et ton air chafouin. Chat chagrin. Chat broc, comme si tu avais envie de faire chabrot, et de verser ton verre de vin dans le fond de ton assiette de soupe, et si chat rate, chat loupe, bon arrête là ton chat rabia, ne demande pas de rabiot, même si tu trouves chat biau !

Parait que si tu somnoles autant tout au long du jour, c'est que la nuit venue, tu t'en vas soigner ta déconvenue dans un de ces colloques de chat où chat ne danse pas le chat-chat-chat. Mais où chat fait un de ces chats hue. Chats huteurs qui aiment chat huter. Mais aussi chats plus calmes et vachement sympas, surtout le samedi, chats bath...

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10 juillet 2016 7 10 /07 /juillet /2016 00:02
Grandvilliers. 10 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Grandvilliers. 10 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher éphémère qui rêve d'éternel

 

Toujours la mesure du temps t'obsède et toujours cette phrase de Stendhal te poursuit: "Une mouche éphémère naît à neuf heures du matin dans les grands jours d'été, pour mourir à cinq heures du soir."

Bien sûr, pas question de prendre la mouche devant cet oeil-de-boeuf. Tu trouves simplement le clin d'oeil amusant. On a beau te persuader que tu es fait pour vivre cent ans, tu sais, toi, que ta condition première est éphémère: gloire éphémère, succès éphémère, bonheur éphémère, amour éphémère... 
 
Heureusement, cette nuit encore, tu t'endors en te récitant Baudelaire:
 
Mes baisers sont légers comme ces éphémères,
Qui caressent le soir les grands lacs transparents.
 
Tu sais que tu n'es qu'un insecte à quatre ailes verticales au repos, qui ressemble à une petite libellule, dont la larve aquatique vit plus d'un an et l'adulte... un seul jour.
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9 juillet 2016 6 09 /07 /juillet /2016 00:01
Paris. Quartier Latin. 2012. © Jean-Louis Crimon

Paris. Quartier Latin. 2012. © Jean-Louis Crimon

Cher diariste,

 

Tu relis ta lettre du 1er Janvier dernier. Cette lettre où tu te donnes ce défi. LE défi. Celle où tu annonces la couleur. D'abord le constat. On ne t'écrit plus. On ne s'écrit plus. On ne reçoit plus de lettres. On ne s'en envoie plus. Ensuite, la décision: tu vas t'écrire à toi-même. Tu vas t'écrire une lettre à toi-même. Chaque jour. Sans déroger. Une lettre par jour. 366 lettres en une année, puisque l'année est bissextile. Aujourd'hui, mais oui, c'est ta cent quatre-vingt-onzième "Lettre à moi-même".

En ces temps SMS, Texto, Twitter, Instagram, Whatsapp ou autre Snapchat, s'écrire cent quatre-vingt-onze lettres en cent quatre-vingt-onze jours, s'écrire à soi-même, tient d'une belle abnégation ou d'une jolie folie.

Pour l'instant, tu tiens ton pari. Avec plus ou moins de bonheur. De bonheur d'écriture. Pas sûr de trouver le ton juste chaque jour. Chaque matin. Chaque soir quand tu attends l'idée ou l'ouverture du soir.

L'autre jour, ayant parcouru quelques unes de tes lettres sans avoir bien compris l'esprit, un de tes amis te balance tout de go: à mon avis, fais gaffe, tu deviens... timbré.

Une petite vacherie qui est aussi le plus beau des compliments.

 

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8 juillet 2016 5 08 /07 /juillet /2016 00:01
Train de l'Euro en gare d'Amiens. 7 Avril 2016. © DR

Train de l'Euro en gare d'Amiens. 7 Avril 2016. © DR

Cher vieux rêveur de mots,

 

On te demande souvent pourquoi tu as écrit ce "Verlaine avant-centre" ? Pourquoi et surtout comment ? Pourquoi avoir choisi le foot comme terrain d'écriture du match de l'écrivain avec les mots ? Pourquoi ne pas t'être contenté de livrer un simple récit d'enfance ? A chaque fois, tu te sens désarmé devant tant d'insistance à vouloir des réponses précises à chaque pourquoi. Des réponses de la vraie vie quand, toi, tu aimerais qu'on ne t'interroge que sur le roman, la fiction. Peu importe que l'histoire soit vraie pourvu qu'elle soit belle. Poco importa que la storia sia vera...

Tu relis aujourd'hui quelques extraits d'une Conférence qui t'avait été demandée il y a maintenant une quinzaine d'années. Peu de temps après la sortie de ce premier roman.

 

...

 

"Ma mère aimait les mots. Mon père aimait les matches. Je décidai de gagner le match avec les mots." Le projet de Verlaine avant-centre, mon premier roman, tient tout entier dans ces trois petites phrases qui peuvent n'en faire qu'une si je renonce, sciemment, à cette nécessité qu'elles soient trois. Trinité familiale fictive dans laquelle le narrateur doit trouver son unité en même temps qu'un sens à une vie qui, peut-être, n'en a pas. Au moment de la dernière relecture des épreuves, l'Editeur a demandé à l'Auteur de "ponctuer avec des virgules" les trois petites phrases. Pour une histoire de respiration. L'Auteur s'est plié au souhait de l'Editeur. Dans le roman, les trois petites phrases n'en forment plus qu'une. Dans l'esprit de l'Auteur, même avec la respiration différente des virgules, elles sont toujours trois. Trois propositions indépendantes et pourtant à tout jamais liées.

L'évidence du lien entre les mots, les matches, et la nécessité de gagner un jour le match avec les mots ne m'est apparue que très tardivement, à un âge adulte, et de façon progressive. La prise de conscience de la richesse d'une enfance pauvre ne peut se faire qu'après avoir rompu avec cette enfance-là. La conscience est souvent diffuse, la prise de conscience parfois brutale. Immédiate. Dans mon cas, elle est tardive. Tardive et progressive. La découverte de la lumière particulière de cette enfance pauvre, semblable à beaucoup d'autres enfances pauvres, ne s'est pas faite en une fois. Cela pour la mise en place des aspects "vécus" que beaucoup aimeraient enfermer dans une démarche strictement autobiographique.

Ne voir dans Verlaine avant-centre que le mot-à-mot précis d'une enfance, comme si le roman, aux allures de récit, devait être considéré, non pas comme une oeuvre de fiction, mais plutôt comme la simple transcription d'une existence aux accents romanesques, est une douce et rassurante tentation. Réduire le roman à la seule catégorie du récit d'enfance, un récit extraordinaire d'une enfance extraordinaire, c'est méconnaître d'emblée le travail de création, de déconstruction et de reconstruction du romancier, même s'il travaille sur des sentiments ou des sensations qu'il connaît bien, puisque les ayant, sans doute, lui-même, en partie, éprouvés, enfant. Mais, première erreur du lecteur pressé: prendre au premier degré, et selon la formule, pour argent comptant, ce que l'écrivain raconte, c'est à dire invente. Deux questions tout d'abord, pour bien cerner le problème et l'enjeu. Doit-on aussi rapidement accepter de réduire l'enfance du narrateur à l'enfance de l'écrivain ? Qu'est-ce qui nous permet d'affirmer que ces deux enfances ne sont qu'une seule et même enfance ?

Sur des cahiers de brouillon qu'il baptise "Mes je n'oublierai jamais", le narrateur de Verlaine Avant-Centre consigne des mots, des paroles, des phrases, des idées, des odeurs, des sensations, des sentiments, des bruits, des sons ou des chansons. Cela, c'est le narrateur qui le fait ou qui dit qu'il le fait. C'est l'Auteur qui le lui fait faire. Mais qu'est-ce qui peut faire penser ou faire croire que cela, l'Auteur l'a vraiment fait ? Que l'Auteur, enfant, a réellement, dans son enfance réelle, tenu ce genre de cahiers de brouillon de "phrases définitives" ?

Au risque de vous faire sourire, il arrive souvent à l'Auteur de Verlaine avant-centre, que je connais bien, et avec qui je m'entretiens de temps en temps, de devoir répondre à l'issue de séances de signature ou de rencontres-débats avec des lecteurs, souvent des lectrices d'ailleurs, à ce genre de questions très touchantes:

 

- Vos cahiers de brouillon, vous les avez gardés ?

- Non ! ils n'ont jamais existé. Ils n'existent que dans l'imagination de l'Auteur du roman.

 

La déception est souvent à la hauteur de l'espérance placée dans la question. L'Auteur s'en veut de ne pas oser mentir. D'autant que les autres commentaires sont plus terribles encore :

 

- Vous avez bien de la chance d'avoir une Tante qui a connu Verlaine !

- Mais c'est seulement vrai dans le roman. Dans la vraie vie, cette rencontre n'a pas eu lieu. C'est une invention du narrateur qui croit, dur comme fer, que la Laure de la dédicace du Sonnet de Jadis et Naguère, c'est sa Laure à lui, alors qu'il s'agit de la Laure de... Pétrarque ! Laure de Noves. 

 

...

 

Tu penses à ce que ton frère t'a un jour dit: "On ne demande pas à un magicien d'expliquer ses tours de magie, alors dis-toi qu'un romancier, c'est un magicien d'un genre particulier, mais c'est d'abord un magicien, il n'a pas à dévoiler le secret de ses tours."

C'est à partir de cette remarque que tu as décidé de ne plus répondre de manière trop directe ou trop concrète à toutes ces questions qui voudraient enfermer ton roman dans des accidents strictement biographiques. Pour simplement accepter de partager avec l'auditoire la mélodie et les mouvements d'une oeuvre de fiction.

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7 juillet 2016 4 07 /07 /juillet /2016 00:03
Paris. Métro Jasmin.6 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Paris. Métro Jasmin.6 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher lecteur des Transports en commun,

 

Lire dans un train, dans un avion, oui, sans doute. Tu y prends souvent un réel plaisir. Dans le métro, debout, pas évident. Ce matin, ton voisin lit - c'est devenu presque banal - sur une tablette. Une liseuse. Les caractères sont agréables. Le passage est superbe. Ton regard a zoomé sur le prénom Julien. Un sourire au lecteur du métropolitain. Tu lui demandes l'autorisation de photographier la page qu'il est en train de lire. Logiquement, la conversation se poursuit sur le livre numérique. Tu lui avoues ta préférence pour le vrai livre. Ce à quoi le lecteur de tablette te fait remarquer que pour tourner les pages, dans un métro bondé, c'est plus facile qu'avec un vrai livre et une vraie couverture. En tout cas, ça ne gâche pas son plaisir de lire Le rouge et le noir.

 

Vous échangez ensuite sur le héros malheureux du roman de Stendhal, ce Sorel type même de l'homme victime de sa condition. Ambitieux, d'une intelligence très supérieure à la moyenne, partagé entre l'enthousiasme et l'hypocrisie, et finalement victime d'un système social figé.

Tu te souviens de la façon dont on parlait de Stendhal en cours de littérature. Manière trop stéréotypée à ton goût. Manie de décrytper sans nuances un personnage, pas si éloigné de Henri Beyle, alias Stendhal. Henri Beyle, l'auteur. L'auteur aussi de La Partreuse de Charme  enfin, tu veux dire de La Chartreuse de Parme.

Le lecteur de livres numériques aime ce côté personnage tragique de Julien Sorel, avec sa lutte condamnée d'avance. Le refus de la place que sa naissance lui destine et cette révolte qui l'oppose à la société toute entière, et qui ne peut se solder que par l'échec. Personnage ambigu, sympathique et détestable à la fois, Julien Sorel, est toujours l'une des figures les plus marquantes de la littérature française.

Henri Beyle peut être fier de ce succès posthume. Lui qui pensait que son oeuvre ne pourrait être immédiatement comprise. Grande sensibilité sous un apparent cynisme, a-t-on dit de Julien Sorel. Sans doute aussi un peu beaucoup de la personnalité de Beyle.

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6 juillet 2016 3 06 /07 /juillet /2016 00:01
Amiens. Courrier Picard. 4 Juillet 2016.  © DR

Amiens. Courrier Picard. 4 Juillet 2016. © DR

Cher agnostique résolu,

 

En ces temps de commémoration unanime, de Verdun à la Bataille de la Somme, tu te dis que les hommes ont la mémoire sélective. Cahiers spéciaux en pagaille pour les morts de la Grande Bataille, ce qui est, bien sûr, tout à fait normal et légitime, mais même pas une demi-page pour Jean-François Lefebvre de la Barre. Dommage. Dommage d'oublier ce genre d'hommage.

Dans son édition du Lundi 4 Juillet, page 10, Le Courrier Picard publie une simple petite brève et une mini photo du Monument élevé par le Prolétariat à l'Emancipation intégrale de la Pensée humaine. La photo est si petite qu'on ne peut pas lire le texte gravé sur le monument érigé en 1907. Un texte qui résonne pourtant comme un slogan. La brève rappelle que le vendredi 1er Juillet, un hommage a été rendu au Chevalier de la Barre pour le 250 ème anniversaire de sa mise à mort. Pas davantage. Rien de plus. Service minimum. Surtout rien qui puisse permettre au lecteur, ou à la lectrice, de comprendre qu'en ces années-là, l'Eglise Catholique, pour mener à Dieu,  n'avait rien à envier aux méthodes des Barbares de Daesh ou du pseudo Etat Islamique.

Impossible de comprendre cela avec une simple brève et une mini photo. Texte et contexte. Fondamental. Sinon, c'est du Zapping, pas de l'Info.

 

Il y a bien 35 ans, c'est une page entière que le Journal régional consacrait au Chevalier de la Barre. Tu en sais quelque chose, la page, c'est toi qui l'avais écrite et qui la signais. Tu citais largement Voltaire qui avait pris, tardivement, la défense du jeune Abbevillois. Tu parlais de Lourdelle, André Lourdelle, un cheminot pacifiste et anarchiste, militant de la Libre pensée. C'était un autre temps, une autre époque.

 

Dans son article « Torture » de l'édition de 1769 du Dictionnaire philosophique, Voltaire fait le récit du martyre du chevalier de La Barre :

« Lorsque le chevalier de La Barre, petit-fils d'un lieutenant général des armées, jeune homme de beaucoup d'esprit et d'une grande espérance, mais ayant toute l'étourderie d'une jeunesse effrénée, fut convaincu d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession de capucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains, ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât la main, et qu'on brûlât son corps à petit feu ; mais ils l'appliquèrent encore à la torture pour savoir combien de chansons il avait chantées, et combien de processions il avait vues passer, le chapeau sur la tête. »

Dans ton papier, tu devais dire -année du patrimoine obligeait - que nos pères ne nous avaient pas légué que de vieilles pierres, mais aussi des idées. Tu pourrais écrire la même chose aujourd'hui. Enfin, si cela était possible. Manifestement, ça ne doit plus l'être.

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5 juillet 2016 2 05 /07 /juillet /2016 00:01
Amiens. 5 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 5 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher géomètre du regard,

 

Au Collège ou au Lycée, on ne peut pas dire que tu excellais en mathématiques, mais tu adorais la géométrie. Surtout le théorème de Pythagore depuis qu'un ingénieur de l'aérospatiale t'avait dessiné les "carrés" correspondant à la somme des deux petits côtés égale au carré du plus grand côté. La "visualisation" de la formule te l'avait rendue compréhensible. Cette mise en espace t'avait séduit à tout jamais. Tu serais géomètre. Géomètre des cadastres intérieurs.

Le théorème de Pythagore est un théorème de géométrie euclidienne qui énonce que dans un triangle rectangle (qui possède un angle droit) le carré de l'hypoténuse, côté opposé à l'angle droit, est égal à la somme des carrés des deux autres côtés. Pythagore, Pythagore de Samos, était un mathématicien, philosophe et astronome de la Grèce antique.

La forme la plus connue du théorème de Pythagore est la suivante :

 

Version géométrique du théorème

Cette version géométrique du théorème t'autorisait à accepter un savoir plus abstrait. Dans un triangle rectangle, le carré de l'hypothénuse, côté opposé à l'angle droit, est égal à la somme des carrés des deux autres côtés.

Dans un triangle ABC rectangle en C, AB étant l'hypoténuse, où AB = c, AC = b et BC = a (cf. figure ci-contre), on aura donc :

BC2 + AC2 = AB2

ou encore :

a2 + b2 = c2

 
 
Formes, angles, diagonales, désormais pour toi une façon de voir le monde. Les couleurs se posent ou s'imposent ensuite. D'abord la forme pour construire une bonne image. Levant les yeux au ciel, tu t'arrêtais souvent sur des apparences de théorème. Jubilant quand, par hasard, ou par chance, tu croyais que c'était Pythagore lui-même qui te faisait signe. Dans la forme qui s'offrait à ton regard, il y avait la formule. Sa formule.
 
Pythagore, cinq et six siècles avant J-C, 570-480, vingt-cinq siècles de distance temporelle et, au fond, si proche, si présent. L'espace d'un instant.
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4 juillet 2016 1 04 /07 /juillet /2016 00:02
Amiens. 4 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 4 Juillet 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher partisan de l'instant dérisoire,

 

Tu ne sais jamais pourquoi ni comment. L'image s'impose d'elle-même. Elle ne dit rien ou pas grand chose. Elle passerait pour banale. Banalité du quotidien. Juste une image. Pourtant, à bien y regarder, elle dit davantage. Davantage qu'une simple image.

En prise avec le réel. Mais aussi la tête dans les nuages. Un peu de bleu pour faire mentir tous ceux qui ne voient jamais qu'une ville triste et grise. Un peu de bleu dans les yeux qu'une blonde irise.

La beauté de l'instant dérisoire a la modestie de ne pas tutoyer de trop près l'instant décisif. Cartier-Bresson, qu'en penserais-tu ?

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3 juillet 2016 7 03 /07 /juillet /2016 00:01
Cappy. Monument aux morts. 1er Mars 2014. © Jean-Louis Crimon

Cappy. Monument aux morts. 1er Mars 2014. © Jean-Louis Crimon

 

Cher poète de 19 ans,

 

Cette histoire de Chanson de Craonne censurée au cimetière allemand de Fricourt, le 1er Juillet 2016, en plein centenaire de la Bataille de la Somme, te ramène brutalement un demi-siècle en arrière. Tu es élève de Terminale Philo au Lycée Lamarck d'Albert. Somme. Picardie. Tu adores Brel, Brassens et Ferré. Tout autant que Rutebeuf et Villon. Déjà tu t'appelles Crimon. Mon cri, pour tes camarades de Lycée. Mon Cri, martèlent depuis toujours tes copains de cours de récré. Depuis la communale, tu sais que ton nom t'impose de cultiver le Cri.

Te reviens en mémoire ce poème écrit par un poète de moins de 20 ans, en salle d'Etudes des Internes, un soir de novembre 1968. Un camarade de l'Internat, qui habite Bray-sur-Somme, te raconte que dans son village, contrairement aux autres années, des Anciens Combattants ont refusé de se rendre au Cimetière Allemand:

" C' était pas des Alliés ! "                                                                        

Pas des alliés ! Est-ce celà se souvenir ? Y-a-t-il encore des frontières et des drapeaux chez les morts ? Ton sang ne fait qu'un tour. Mots de guerre et mots d'amour plein la bouche. Sans rature, sans retouche, ton poème, jailli d'un jet, fait mouche.

Tu penses à ton grand-père mort gazé de la grand-guerre. A tous ceux qui n'en sont jamais revenus.

Ce soir-là, salle numéro 1, salle d'études des internes, tu écris/tu cries ton premier chant de révolte. Chant de révolte censuré dans le journal du Lycée par le Proviseur : "Monsieur, c'est le poème d'un anarchiste, il n'a pas sa place dans un journal de lycéens !"

"Censure, censure " ! A 48 annnées de distance, deux censures se retrouvent et s'épousent, se rejoignent, pour n'en former qu'une, toujours au cimetière allemand de Fricourt, près de Bray-sur-Somme.

 

 

Onze Novembre

 

Des Anciens Combattants

Battant de la semelle

Derrière un porte-drapeau

Et d'autres cons battant

Battant des mains

Pour ceux qu'ont pu sauver leur peau...

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Vous me direz pourtant

De quoi, de quoi, j'me mêle

Mais je ne pourrai pas manquer de vous dire bien haut

De vous dire et de vous redire

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Dans les mains du poilu

Du Monument aux Morts

Entre les arbres qui seront cet hiver aussi des morts

Dans les mains du poilu

Du Monument aux Morts

Ils ont mis la bleu-blanc-rouge loque

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Ces diables de bonshommes

Ces hommes du Bon D...iable

Trop heureux ou trop fiers d'avoir été de la Grand Guerre

D'avoir été de tristes compères

Ont travesti leurs fils

De leur bleu-horizon oripeaux

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Et puis ils se recueillent

Pour ceux qui sont des morts sans cercueil

Et l'on voit des combattants

Battant de la paupière

Pour ceux qui ont battu les tranchées

Pour Jacques ou Jules ou bien Pierre

 

Alors on ose espérer qu'ils se souviennent

Simplement et vraiment de ceux qui ne sont plus

 

Mais déjà ils entonnent

Leur hymne national

ça leur prend aux tripes, moi ça m'fait dégueuler

De voir ces cons qui déconnent

Au nom de la Patrie

De voir que des pauv' types sont morts

Pour que de pauv' cons soient encore en vie

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Et la bleu-blanc-rouge loque

Au vent de Novembre

Claque et flotte, flotte et claque, claque et flatte

Les A.C. pleins de breloques

Les A.C. qui débloquent

J'foutrai le feu à la tricolore loque

 

D'accord qu'on se souvienne

Mais pas pour jouer les patrios

 

Y'en a assez de ce genre d'A.C.

Faut que ça cesse ou qu'on fasse cesser

Que ça cesse et qu'on n'ait plus à dire

A chaque fois que commence une nouvelle guerre

Que bien sûr ce sera la der des der

 

 

Alors et seulement alors

Qu'on se souvienne d'accord

D'accord qu'on se souvienne

Des pauv' types qui sont morts.

 

 

                                     Jean-Louis Crimon. Chansons noires. 1968.

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2 juillet 2016 6 02 /07 /juillet /2016 00:01
Copenhague. 19 mars 2016. © Jean-Louis Crimon

Copenhague. 19 mars 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher éternel Copenhaguois de coeur,

 

KBH, trois lettres qui te sont chères à tout jamais. København. Copenhague. Depuis tes premiers pas dans cette ville qui a vu déambuler, Place kongens Nytorv, Søren Kierkegaard. Oui, celui dont la plupart des biographies rapides résument la vie en trois lignes:

Søren Kierkegaard, selon l'état civil Søren Aabye Kierkegaard, né le 5 mai 1813 et mort le 11 novembre 1855 à Copenhague, est un écrivain, théologien protestant et philosophe danois, dont l’œuvre est considérée comme une première forme de l'existentialisme.

Kierkegaard que tu as bien connu et tant aimé dans tes périgrinations scandinaves, au début des années 70, quand hitchhiker résolu, tu traçais des liaisons philosophico-romantiques à coup de tronçons d'autoroute.

Tout le monde ne le sait pas, le nom du philosophe Danois signifie très précisément cimetière. Mot à mot: jardin d'église. Kierke: Eglise et Gaard: Jardin. Kierkegaard, père de l'existentialisme. L'existentialisme, courant philosophique qui considère que l'être humain forme l'essence de sa vie par ses propres actions. Des actions strictement humaines qui ne sont pas prédéterminées parc des doctrines théologiques, philosophiques ou morales. L'existentialisme considère chaque personne comme un être unique, maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu'il décide d'adopter. C'est ce qui a fait de toi un existentialiste convaincu. Dès que tu as su, tu as compris pourquoi  tu étais, tu es et tu seras, à tout jamais, existentialiste. Entre Sartre et Kierkegaard. Entre Søren Kierkegaard, existentialiste chrétien, et Jean-Paul Sartre, existentialiste athée​, tu construiras ton destin.

Cette fois, sciemment, c'est à dire consciemment. Existentialiste et stoïcien. Existentialiste parce que tu t'efforceras, partout, tout le temps, d'être "maître de tes actes et de ton destin". Stoïcien parce que tu t'interdiras d'être malheureux de ce qui ne dépend pas de toi.

 

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