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17 juin 2024 1 17 /06 /juin /2024 08:57
Chine. Chengdu. Université du Sichuan. 20 Octobre 2011. © DR
Chine. Chengdu. Université du Sichuan. 20 Octobre 2011. © DR

Chine. Chengdu. Université du Sichuan. 20 Octobre 2011. © DR

Cher Laoshi,

 

En ce temps-là, tu enseignes le français dans une université chinoise. A Chengdu. Sichuan. Le poivre du Sichuan, connu dans le monde entier. Tes cours sont très épicés. Un peu trop parfois. 

Tu te souviens de ton premier poème écrit en Chine ? De la façon dont tu l'as imposé, en douceur, à ta classe de quatrième année de français. Une soixantaine d'étudiants dans l'amphithéâtre, ce jour-là. Des étudiantes surtout. 

Le balayeur, premier poème. Poème rêvé vraiment pendant la nuit. Couché sur le papier vers 5 heures du matin. Quand les premiers balayeurs entrent en action sous ta fenêtre. Musique étrange du balai de genêt qui pousse, amasse et ramasse les feuilles mortes tombées pendant la nuit. Poème écrit pour tes étudiants. Des étudiants charmants qui ne comprennent pas ton intérêt pour les balayeurs et les balayeuses du campus. Ne comprennent pas que tu puisses leur dire Bonjour, à chacun, chaque matin, les immortaliser en photographies. Les balayeurs, ce n'est pas un sujet intéressant, a tranché, une fois pour toutes, la Chef de classe.

 

       Le balayeur

 

Dès le début d'octobre

D'un geste précis et sobre,

Il entre en scène,

Sans mise en scène,

Ici ou ailleurs,

Lui, le balayeur...

 

Il décrit d'étranges arabesques

Dessine d'invisibles fresques,

Avale des morceaux entiers de trottoir

Ne se raconte pas d'histoire,

Ne tire aucune gloire,

D'un destin pourtant méritoire...

 

Il balaie du matin au soir

Ne prend guère le temps de s'asseoir,

Vous le regardez sans le voir,

Sa vie est monotone,

A peine si ça vous étonne,

Le balayeur efface l'automne.

 

Un beau matin donc, dès ton entrée dans l'amphi, tu écris au tableau les trois strophes de ton poème. Sans dire un mot. Juste "Ni hao". Tes étudiantes et tes étudiants lisent, en silence, le mot à mot du poème. C'est un beau moment. Un moment plein. Le plus beau moment de tes six mois chinois.

Tu commences ton cours sans faire référence au poème que tu viens d'écrire à la craie blanche sur le tableau noir. Une heure de cours magistral. Ecriture romanesque, Ecriture journalistique. Tu maîtrises ton sujet. Les étudiants sont bouche bée. A la pause, une étudiante vient te parler. Elle est très étonnée qu'on puisse écrire un aussi beau poème - ce sont ses mots - sur un métier aussi minable. Tu lui dis que ton père, dans sa vie de jardinier, maîtrisait mieux que personne le geste du balayeur. Qu'il était mort il y a dix ans. Que photographier les balayeuses et les balayeurs du campus et de la ville, les saluer chaque jour, c'est une forme d'hommage à ton père disparu. Que tu espères que le père est fier du fils. Fier des photos et de l'attitude de son fils. Elle sourit. Puis s'en va rejoindre ses amies.

Au cours de la deuxième heure, tu lis, avec tes étudiantes et tes étudiants, à haute voix, plusieurs fois, le poème. Un garçon propose qu'on le traduise en chinois. Une fille déclare qu'il faut l'envoyer au journal régional pour qu'il soit publié.

 

C'est surtout le dernier vers qui intrigue et qui fascine : Le balayeur efface l'automne. Impensable pour tes étudiants. Lumineuse évidence pour toi. A mettre autant d'ardeur et d'application à faire disparaître, à peine tombée, la moindre feuille morte, c'est bien la preuve que le balayeur est porteur d'un pouvoir magique : il est cet être rare qui posséde la "gomme à saisons". Le cours prend fin sur de multiples interrogations. Tu trouves ça bien : aux réponses, depuis toujours, tu préfères les questions.

 

La semaine suivante, l'étudiante indignée qu'on puisse écrire un aussi beau poème sur un métier aussi minable, vient te revoir à la pause. Tu ne sais si l'expression existe en chinois, mais manifestement, elle a dû balayer devant sa porte. Faire table rase de ses préjugés. Un beau sourire illumine son visage de Joconde inachevée. Elle te dit, tout de go : 

 

- Vous savez, Laoshi, maintenant, je dis "Bonjour" aux balayeuses et aux balayeurs, quand je croise leur chemin. Ils me sourient. Je ne suis pas sûre que leur vie en soit plus heureuse, mais moi, je le suis, Laoshi !  Merci à votre poème. Il a changé mon regard. Il a changé ma vie. 

 

Ce jour-là, tu t'es dit que tu la tenais ta... Révolution culturelle !

 

© Jean-Louis Crimon

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16 juin 2024 7 16 /06 /juin /2024 08:57
La Chaussée -Tirancourt. Lieu dit "Camp César". Père et fils. © SC

La Chaussée -Tirancourt. Lieu dit "Camp César". Père et fils. © SC

L'Oppidum de La Chaussée -Tirancourt est un site fortifié de la fin de l'âge du fer et de la Guerre des Gaules, situé sur le territoire de la commune de La Chaussée -Tirancourt, dans le département de la Somme, à une douzaine de kilomères à l'ouest d'Amiens. On a coutume de l'appeler "Camp César", sans être bien certain que Jules César en personne ait pu vraiment y séjourner. Lieu priviligié d'escapades dominicales avec ses grands talus herbeux où l'on peut faire de mémorables glissades.

L'intérêt pour les collines fortifiées de la vallée de la Somme s'est manifesté dès le début du XVIIIe siècle. Des érudits de l'époque se sont évertués, sans entreprendre de fouilles, à mettre en évidence les points communs des différents sites : position de hauteur, vitale pour se préparer aux attaques d'éventuels envahisseurs, surface d'une trentaine d'hectares avec défenses naturelles formées par des pentes abruptes, aménagement par l'homme de terrassements renforçant les points faibles, enfin l'arc de cercle comme forme la plus répandue de la fortification.

Au XIXe siècle, à deux reprises, en 1822 et en 1891, des fouilles sont entreprises. Au XXe siècle, le site est à nouveau étudié. En 1962, Roger Agache, précurseur de l'archéologie aérienne en France, découvre lors de prospections un second rempart arasé à l'intérieur de l'Oppidum, rempart qui présente un schéma jusque là inconnu. Agache découvre également à l'extérieur du camp une série d'enclos délimités par des fossés. De 1983 à 1991, différents sondages permettent de réaliser une coupe du rempart principal et d'étudier la porte principale ainsi que le rempart intérieur.

En 2014, de nouveaux sondages vont révéler des anomalies antérieures à l'occupation romaine. En 2015, des fouilles menées sur le fossé intérieur remettent en cause les premières interprétations de 1989. Le rempart intérieur révèle la présence d'un murus gallicus, antérieur à l'arrivée des Romains. Cerise sur le gâteau, on découvre alors que ce mur d'enceinte gaulois s'appuie, lui, sur une enceinte datant du Néolithique, environ 5000 à 2000 avant notre ère. 

 

© Jean-Louis Crimon

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15 juin 2024 6 15 /06 /juin /2024 08:57
Riga. Lettonie. Institut Français. 8 Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

Riga. Lettonie. Institut Français. 8 Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

Dans ma bibliothèque, il y a Rutebeuf, Villon, Louise Labé, Ronsard, Balzac, Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Flaubert, Maupassant, Louise Colet, Marcel Proust, Paul Nizan, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau et Patrick Modiano, mais aussi Jules Vallès, Jehan Rictus, Luc Dietrich, Henry Poulaille, Jean Meckert, Neel Doff et Eugène Dabit.

Dans ma bibliothèque, il y a Roland Dorgelès, Blaise Cendrars, Pierre Mac-Orlan, André Billy, Aragon, Paul Eluard, il y a Elsa Triolet, Simone de Beauvoir, Françoise Sagan, il y a Emmanuel Bove et Boris Vian, il y a Olivier Séchan, il y a Knut Hamsun, Per Lägerkvist, Selma Lagerlöff et Brautigan, Richard Brautigan, et Jack Kerouac, il y a Alberto Moravia, Elsa Morante et Dino Buzzati, il y a Jean Rouaud, Philippe Djian, Philippe Claudel, Philippe Delerm, et Jeanne Benameur. Il y a Friedrich Nietzsche, Vladimir Jankélévitch, Voltaire et Rousseau, Gaston Bachelard, Sören Kierkegaard et Stig Dagerman. Stig Dagerman, pour "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier", (Actes Sud, 1981), et ce passage de la page 18 que je relis chaque matin et chaque soir de ma déjà longue vie :

"Je peux reconnaître que la mer et le vent ne manqueront pas de me survivre et que l'éternité se soucie peu de moi. Mais qui me demande de me soucier de l'éternité ? Ma vie n'est courte que si je la place sur le billot du temps. Les possibilités de ma vie ne sont limitées que si je compte le nombre de mots ou le nombre de livres auxquels j'aurai le temps de donner le jour avant de mourir. Mais qui me demande de compter ? Le temps n'est pas l'étalon qui convient à la vie."

 

© Jean-Louis Crimon

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14 juin 2024 5 14 /06 /juin /2024 08:57
Amiens. La Hotoie. Année 1975 ou 1976. © DR

Amiens. La Hotoie. Année 1975 ou 1976. © DR

© Jean-Louis Crimon

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13 juin 2024 4 13 /06 /juin /2024 08:57
Saint-Souplet-sur-Py. Marne. La dernière demeure. © DR

Saint-Souplet-sur-Py. Marne. La dernière demeure. © DR

 

© Jean-Louis Crimon

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12 juin 2024 3 12 /06 /juin /2024 08:57
Amiens. 5 juin 2015. Michou trop chou. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 5 juin 2015. Michou trop chou. © Jean-Louis Crimon

 

© Jean-Louis Crimon

 

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11 juin 2024 2 11 /06 /juin /2024 08:57
Contay. Frère et soeur. 1956/57. ©

Contay. Frère et soeur. 1956/57. ©

Cette photo, je la connais depuis toujours. Elle a toujours été à l'honneur sur le buffet de la cuisine de la maison de Contay, notre première maison, ou, plus tard, sur la commode de la salle à manger, dans la "maison neuve" de Ribemont sur Ancre. Je me demande bien pourquoi le photographe a éprouvé le besoin de retoucher à ce point la robe de ma petite soeur et la chaîne qu'elle porte au cou. Etait-ce à la demande de mes parents, pour masquer la modestie de nos vêtements ? Ou bien est-ce une initiative malheureuse du photographe qui a cru "bien faire" ? 

Je penche pour la seconde hypothèse. Ma mère disait que nous étions des gens "modestes", pour ne pas dire "pauvres". Mais modestes, nous l'étions surtout par cette façon de ne jamais vouloir paraître autrement que nous étions. Sans  apprêt, sans apparat, sans en rajouter. Natures et naturels. Alors, les "retouches", vestimentaires ou photographiques, ce n'était pas pour nous. Pas notre style. Pas notre façon. Nous étions sans-façon.

 

© Jean-Louis Crimon

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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 08:57
Amiens. Autoportrait. 18 Février 2019. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Autoportrait. 18 Février 2019. © Jean-Louis Crimon

© Jean-Louis Crimon

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9 juin 2024 7 09 /06 /juin /2024 08:57
Copenhague. Danemark. 4 Juin 1994. Goddag, jeg er fransk. Jyllands Posten. © Jean-Louis Crimon

Copenhague. Danemark. 4 Juin 1994. Goddag, jeg er fransk. Jyllands Posten. © Jean-Louis Crimon

Version française de l'article publié en danois dans le Jyllands Posten du 4 Juin 1994. Il y a 30 ans.

 

L'histoire commence comme un conte d'Andersen. Il y a plus de vingt ans, un étudiant en philosophie rêve de confronter un savoir trop neuf avec la réalité. L'étudiant, fasciné par celui qui est l'auteur de "La répétition" et du "Journal du séducteur", rêve de mettre ses pas dans les pas de ce philosophe danois considéré comme le père de l'existentialisme. A Copenhague où il arrive... 

 

© Jean-Louis Crimon

 

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8 juin 2024 6 08 /06 /juin /2024 08:57
Amiens. Octobre 2022. Polyclinique de Picardie. Pacemaker. © François Crimon.
Amiens. Octobre 2022. Polyclinique de Picardie. Pacemaker. © François Crimon.

Amiens. Octobre 2022. Polyclinique de Picardie. Pacemaker. © François Crimon.

© Jean-Louis Crimon

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