Les archives de l'hôpital Maringer de Nancy ont gardé trace de ta mort. Ma mère Juliette, ta fille, ne l'aura jamais su. Morte elle-même avant que cette information nous parvienne. Un ami d'un ami, intéressé par ma quête et mon enquête, a découvert en juillet 2017, dans les archives de l'hôpital Maringer, gardées aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle, ton acte de décès. Acte de décès en bonne et due forme, avec cette dimension à la fois précise et laconique de ce genre de document.
Tu es mort des suites d'un accident au fond de la mine. Le nom de la mine n'est pas mentionné. Je découvre ta date d'entrée à l'hôpital : 4 avril 1935. Suit la date de ta mort : 11 septembre 1936, avec cette précision sinistre, l'heure de ta mort : Dix heures dix.
Sous la rubrique "Genre de maladie", quelqu'un a indiqué : Ostéite Bacillaire, amputation.
Un an et cinq mois d'hospitalisation. L'ostéite est une inflammation du tissu osseux, causée par une infection bactérienne. Gangrène sans doute. Amputation.
Je me demande qui venait te voir durant cette année presque et demie d'hôpital, qui te rendait visite, qui prenait des nouvelles de ta santé. La Direction de la Mine où tu as eu cet accident ? Des copains mineurs ou manoeuvres de fond comme toi ? Des Italiens ? Dix-sept moi d'hôpital, c'est terriblement long. A quel moment les médecins ont-ils pris la décision de te couper la jambe ? On ne sait même pas de quelle jambe il s'agit ? Jambe gauche ou jambe droite ? Précision dérisoire.
La dernière ligne de ton acte de décès est cruelle. En face de la mention " Avis donné à..." est indiqué : "Sans famille en France".
"Sans famille en France", quatre mots qui passent sous silence l'existence de tes deux enfants nés en France, ton fils, François Zanda, né le 13 décembre 1929, et ta fille Juliette, ma mère, né le 2 août 1928. " Sans famille en France", quatre mots qui oublient les deux mères de ces deux enfants. Berthe Leloup et Janne Bourgeois. Berthe Leloup, mère de Juliette, ma mère, qui ne s'appellera jamais Zanda. Jeanne Bourgeois, mère de François Zanda, ton fils, lui, reconnu par toi.
© Jean-Louis Crimon