Cher footballeur de papier,
Tu pensais que tu ne jouerai pas. Au téléphone, on t'avait dit : "C'est juste au cas où... Un arbitre international est invité, mais on ne sait pas s'il arrivera à temps, alors..." Ok, pas de problème, ça me va, s'il vient, ce sera le banc. Le banc des remplaçants. L'arbitre n'est pas venu. Tu es entré en jeu. Dès le début.
La radio, c'est vif, c'est rapide, c'est dans l'instant. Avant, tu te dis " Faut dire ça" et " Faut raconter ça comme ça". Mais dès que le rouge s'allume, ça ne se passe jamais comme prévu. Tu n'as pas su bien resituer ton football/musique et ton Fontaine/Verlaine. Bien sûr, tu as donné l'esprit, l'ambiance, la romance, mais pas vraiment le roman.
Un gros regret surtout : tu n'as pas eu le temps de rappeler ces mots de Denis Troch, l'entraineur de l'ASC, juste avant la finale de Coupe de France, au Stade de France, en 2001, l'année de la parution de ton tant aimé Verlaine avant-centre : "Passez les ballons que vous aimeriez recevoir ! "
Une phrase que tu as cité tout au long de ta vie, en la déclinant selon les moments, selon les instants: "Passez les idées que vous aimeriez recevoir" et aussi " Passez les sourires que vous aimeriez recevoir ! " Plus qu'un leitmotiv, une philosophie vive.
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 7 Avril 2016.
Cher nyctalope,
Tu adores ça. Peindre avec la lumière. Ecrire avec la lumière. Avec les yeux du hasard aussi. La chance parfois. Ecrire sans les mots. Calligraphier la lumière. Capter la lumière. Chasser les signes. Pourchasser les formes. Jeu de piste magique. Pêche malicieuse, minutieuse, miraculeuse. Deux ombres dans la nuit. Deux ombres qui se font face. La nuit n'en aura trace. Toi, oui. Photo de deux fantômes. Tu penses à Verlaine et aux deux premiers vers de son Colloque sentimental :
Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé.
Instant noctambule. Le temps sort de sa bulle. Nocturne conciliabule.
Le hasard est un être lumineux.
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 21 Octobre 2016.
Cher marcheur rêveur qui ne marche plus qu'en rêve,
Ta lettre d'aujourd'hui ne sera pas très longue. Tu as mieux à faire. Le livre tant attendu est enfin arrivé. Belles étoiles, de l'ami Poindron, dans les pas de Stevenson, Robert Louis Stevenson. Poindron a déjà fait mille et une choses remarquables dans sa vie de piéton pèlerin colporteur chroniqueur éditeur mais celle d'entre toutes que tu lui envieras jusqu'à ta mort, c'est d'avoir un jour emboîté le pas du célèbre Ecossais. Le Voyage avec un âne dans les Cévennes, Eric Poindron l'a fait, vraiment fait. A pied, avec un âne, comme Robert Louis. Avec, en prime, un ami. Pour ça, Monsieur, total respect.
Toi, cet après-midi de Juillet, à l'ombre de l'unique arbre de ton jardin, tu tailles la route dans les pas de Poindron, lui-même dans les pas de Stevenson. Toi dans les pas de ces deux-là à la fois. C'est fantastique les mots, les mots écrits, les mots publiés, ça te fait voyager sans forcément éprouver la fatigue physique du voyage. Cette fois, tu es ce marcheur rêveur qui ne marche plus qu'en rêve. Tu te dis simplement que tu marcheras vraiment demain.
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 29 Juillet 2016.
Cher rêveur impénitent,
Parfois, en plein midi, tu te dis que l'endroit n'est pas le contraire de l'envers. A l'envers de l'endroit, on voit la vie différemment. Tu t'inventes ton ISS, ta station spatiale irréelle. Trompe-l'oeil superbe et sidérant vertige sidéral.
Être tête en l'air. Sans être trop terre à terre. Ton tête à tête avec toi-même n'est pas aussi absurde. Boire à la renverse une rivière curaçao en guise d'apéro. Glaçons blancs dans le bleu. Un nuage de fraîcheur dans le verre.
Qu'à celà ne tienne, à la tienne !
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 13 Août 2016.
Cher grand romantique,
C'est souvent comme ça que ça se passe. Une voix intérieure te dit: arrête cet instant fugace, avant que le soir ne l'efface. Tournant le dos aux autos et à la Marie sans caraco, dans la lumière grise, un jeune homme texto/ise. Toi, tu te remémores une chanson ancienne quand tu la croyais tienne, la Marie.
Ce soir encore, tu persistes à croire que sur votre histoire le temps n'a pas prise. Elle a toujours, la Marie sans Chemise, son sourire des beaux jours. Elle ne sourit que pour toi, ta belle promise, aux amours marines. Lointaine cousine, c'est sûr, de la petite Sirène de Hans Cristian Andersen.
Des heures entières, tu rêverais bien au pied de son socle de pierre, et, sûr, tu trouverais la mer, là-bas, près du grand paquebot gothique. Tu lui parlerais, du bout des lèvres, du bout des yeux, du bout des doigts... Ce soir, tu rêves de la convaincre de descendre de son socle de pierre, pour avec elle, t'en aller boire un verre ou deux, au comptoir des amoureux. Tiens, vous iriez Chez Pierre ou au Cappuccino. Tu ferais une dernière photo. Photo du soir, espoir.
Au dos à dos, tu as toujours une nette préférence pour le face à face.
© Jean-Louis Crimon
Première parution : 10 Octobre 2016.