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13 avril 2023 4 13 /04 /avril /2023 08:57
Manoeuvre en bâtiment. 215 morts en 2019. 126 morts en 2021. © DR

Manoeuvre en bâtiment. 215 morts en 2019. 126 morts en 2021. © DR

Mon cher Manu, quand je vous entends, toi et tes sinistres ministres, parler avec des trémolos dans la voix de la "valeur travail", comme si c'était une valeur morale, alors que ce n'est qu'une valeur marchande, et quand je repense à ta célèbre répartie : " Y'a qu'à traverser la rue", j'vous en trouve, moi, du travail",  je me demande vraiment ce que vous en connaissez, toutes et tous, du travail.

Attal, Beaume, Borne, Darmanin, Fesneau, Guerini, Le Maire, Riester, Séjourné, à part enquiller vos litanies macroniennes comme des mantras inoxydables, j'aimerais vous voir à l'usine, sur un chantier, à la SNCF ou à la RATP, à la Poste, à Auchan ou chez Leclerc, pas en costard-cravate, en vraie tenue de travail, et pendant un an au moins, pour vous voir turbiner, bosser, souffrir, découvrir vraiment ce que ça signifie la pénibilité des travaux pénibles. Pour que vous compreniez ce que ça veut dire de vivre une vie de manoeuvre, de manutentionnaire, de cariste, d'éboueur, de ripeur ou de caissière de supermarché. Pour que vous touchiez, non pas du doigt, mais du dos, et des reins, ce que ça signifie de passer de 62 à 64 ans pour avoir le droit d'en finir avec ce genre de turbin.

Pour vous aider à comprendre, je vous raconte l'histoire d'un étudiant en philosophie qui, été 1969, s'est embauché comme manoeuvre sur le chantier de construction de l'école de son village. Un inaltérable sentiment de fierté s'empare de l'étudiant quand il lui arrive de passer dans son ancien village et de s'arrêter pour contempler les murs de l'école. La raison : toutes les briques lui sont passées par les mains. Depuis, son unique certitude : un homme qui a travaillé de ses mains, son cerveau, tout au long de sa vie, s'en porte bien. L'étudiant, bien sûr, c'était moi. Manutentionnaire à Saveco, puis à La Ruche Picarde, O.S. à Laden-Philips, souvent avec des horaires de nuit, ponctueront mes trois années de Licence de philosophie. En prime, antidote rigolote, la formule préférée de mon père : "Les gens intelligents, y sont bêtes !" Manière de dire que, pour lui, l'intelligence abstraite, uniquement construite sur des concepts, pas sur du concret, prend souvent des décisions absurdes, pour ne pas dire carrément à côté de la plaque. Ta réforme des retraites n'en est que le plus flagrant exemple. Affligeant. Désolant. Lamentable. Regrettable. Tu pourrais faire tellement mieux.

 

© Jean-Louis Crimon 

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12 avril 2023 3 12 /04 /avril /2023 08:57
Chine. Sichuan. Le regard du Panda. Octobre 2011. Courrier des lecteurs. Déc. 2017. © Jean-Louis Crimon 
Chine. Sichuan. Le regard du Panda. Octobre 2011. Courrier des lecteurs. Déc. 2017. © Jean-Louis Crimon 

Chine. Sichuan. Le regard du Panda. Octobre 2011. Courrier des lecteurs. Déc. 2017. © Jean-Louis Crimon 

Mon cher Manu, respect absolu ! Une visite d'Etat incontestablement couronnée de succès. Hauts les coeurs ! C'est La Nouvelle République qui le claironne : Huan Huan et Yuan Zi ont obtenu, grâce à ton intervention auprès de Xi Jinping, la prolongation de leur permis de séjour. En fait, tu as bien fait de ne pas aborder le sort des Ouïghours ou la mort de Liu Xiaobo. Ce n'était pas utile pour le Zoo de Beauval. Arrivé en France en 2012, le couple de Pandas était, dans le deal de départ, l'objet d'un prêt de dix ans. L'officialisation de la prolongation du "bail" a été annoncé par le PDG du parc à son retour de Chine. Rodolphe Delord faisait partie de la délégation qui t'a accompagné du 5 au 7 avril. Seule restriction : les enfants de Huan Huan et Yuan Zi, Huanlili et Yuhandudu, pourtant nés en France, doivent repartir pour la Chine.

 

Allez, va, pour ne pas trop te déplaire ou te mettre le moral par terre, je t'offre cette photo en forme de flash-back. Octobre 2011, Sichuan, ce regard qui croise le mien, aucun doute, une lueur de pensée le traverse à ce moment-là. Panda, ton regard soutient mon regard. Tu ne baisses pas les yeux. Tu ne tournes pas  la tête. Tu me regardes en profondeur. Etrange, n'est-ce pas, un être humain. Tu sembles pensif, perplexe. De la patte, tu esquisses un penseur de Rodin non encore répertorié. A moins que tu ne songes à Spinoza. Les pandas ont lu Spinoza. 

Plutôt que de passer pour être, de Xi Jinping, le vassal, si on leur demandait un plan de paix aux pandas de Beauval... Manu, tu donnes ton aval ?

Pandas de tous les pays, unissez-vous !

 

© Jean-Louis Crimon 

 

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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 08:57
Canton. Vendredi 7 Avril 2023. Etudiants de l'Université  Sun Yat-Sen de Canton. © DR.

Canton. Vendredi 7 Avril 2023. Etudiants de l'Université Sun Yat-Sen de Canton. © DR.

A Moscou, il y a plus d'un an, tes conversations avec Poutine devaient empêcher la guerre. On voit ce qu'il en est advenu. A Pékin et à Canton, tu venais demander à Xi Jinping d'intercéder auprès de Poutine pour ramener la paix en Ukraine. Pas très direct tout ça. Billard à trois bandes. Tu imagines sincèrement Xi Jinping appeler son "Cher ami" pour lui dire : "Arrête ta guerre !". Ce serait plutôt : "Ta guerre, tu la termines quand ? Faut que je commence la mienne" !

A Canton, face aux étudiants de l'Université Sun Yat-Sen, tu te cantonnes dans le registre facile, et franchement un peu démago, du "Selfie avec le Self-made man". Grandiose ta déclaration finale : "De Pékin à Canton, j'ai rencontré des étudiants qui apprennent notre langue, une jeunesse enthousiaste et volontaire, des entrepreneurs avec l'envie d'innover, des artistes inspirés par la France". "Des étudiants qui apprennent notre langue", "une jeunesse enthousiaste et volontaire", "des entrepreneurs avec l'envie d'innover", "des artistes inspirés par la France", décidément tu es incorrigible, mais faut reconnaître que pour les éléments de langage, tes conseillers ne t'ont guère aidé. Si ça continue, je vais devoir candidater, ça manque tellement de profondeur et de subtilité, tout ça !

Tu aurais pu leur donner à lire mon petit roman chinois "Du côté de chez Shuang", écrit entre septembre 2011 et Janvier 2012, à Chengdu, Sichuan, au temps où j'étais FaguoLaoshi, professeur de conversation française, ils y auraient trouvé des notations précieuses sur l'âme chinoise. Quand on passe trois jours jours en Chine, ne serait pas inutile de lire quelqu'un qui y a travaillé, enseigné, pendant presque six mois, non ?

Dans ton avion présidentiel, vendredi soir, avant de quitter Canton, je me demande bien quelle nouvelle pirouette tu vas inventer. Délicatesse ultime, c'est le moment choisi par Xi Jinping pour annoncer trois jours de blocus de l'île de Taïwan, en représailles à la visite de la Présidente taïwanaise aux Etats-Unis. Trois jours et sept heures d'entretien avec le numéro un chinois pour en arriver là, fantastique ! Ton sens de la diplomatie confine au sublime. Va nous parler de souveraineté européenne après ça. L'Europe n'a pas su empêcher la guerre d'Ukraine, comment croire que nous, les Européens, nous serons capables d'empêcher la guerre de Taïwan. Programmée au plus tard pour 2027. Dixit Xi Jinping soi-même. 

 

© Jean-Louis Crimon 

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10 avril 2023 1 10 /04 /avril /2023 08:57
Paris. Palais de l'Elysée. 3 Avril 2023. Convention citoyenne sur la fin de vie. © DR.

Paris. Palais de l'Elysée. 3 Avril 2023. Convention citoyenne sur la fin de vie. © DR.

Quand j'y pense, je me demande vraiment pourquoi tu as voulu un beau jour être président. Président de la République. Président de la République française. Je relis certains passages de "Révolution", ce livre d'un jeune quadra prêt à tout pour changer son pays et la vie des gens de son pays, et je comprends mieux comment beaucoup de ceux qui, avec toi, se sont mis "En Marche" ont pu te prendre pour le John Kennedy français. La jeunesse, la fougue, l'enthousiasme juvénile, la hardiesse et un rien de narcissisme. D'abord, créer le nom d'un mouvement politique à partir de ses initiales, franchement, fallait oser. E.M. Emmanuel Macron, est devenu "En Marche" et ça marche. Enfin, ça a marché. 

Je m'étonne de ta sortie sur la traîtrise dont on a pu t'accuser. Traîtres, tes transfuges le sont tous, à commencer par ta Première, Dame Borne, ensuite Gabriel Attal, Olivier Dussopt, Stanislas Guerini, Olivier Véran et les autres, tous ceux qui ont quitté et renié leur famille d'origine, le Parti socialiste. Sans oublier Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Edouard Philippe qui, eux, ont "trahi" Les Républicains. Alors, côté traîtrise... quoiqu'on en dise... ce n'est pas partie remise. Tous prêts à trahir jusqu'à leur chemise.

Je te relis, page 29 : "Je dirai un mot du grand air de la trahison qu'on a chanté contre moi, un mot, pas davantage. Ce qui le sous-tend me paraît révélateur de la crise morale de la politique contemporaine. Car lorsqu'on dit que j'aurais dû obéir au président comme une machine, renoncer à mes idées, enchaîner à son destin la réalisation de ce que je crois juste, simplement parce qu'il m'avait nommé ministre, que dit-on ? Que l'idée du bien public doit s'effacer devant celle du service rendu. J'ai été frappé de voir avec quelle ingénuité ceux qui voulaient m'accabler ont ainsi avoué que pour eux la politique obéissait au fond à la règle du milieu : de la soumission dans l'espoir d'une récompense personnelle."

De Benalla à tes dernières nominations, franchement, qu'as-tu fait d'autre ? Crise morale de la politique contemporaine, disais-tu ? Six ans plus tard, quel changement en effet ! 

La "traîtrise" qui me fait le plus de peine, vois-tu, aujourd'hui, c'est que tout au long du chemin, tu te trahis toi-même. Même ton idée de retraite par points, un temps brandie, tu l'as trahie. 

 

© Jean-Louis Crimon 

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9 avril 2023 7 09 /04 /avril /2023 08:57
Moscou. 7 Février 2022. © SPUTNIK / via REUTERS. Canton. 7 Avril 2023. © POOL/Via Reuters.
Moscou. 7 Février 2022. © SPUTNIK / via REUTERS. Canton. 7 Avril 2023. © POOL/Via Reuters.

Moscou. 7 Février 2022. © SPUTNIK / via REUTERS. Canton. 7 Avril 2023. © POOL/Via Reuters.

Décidément, comme porte-parole d'une diplomatie de paix, mon pauvre Manu, on ne peut pas dire que toutes tes démarches soient couronnées de succès. Même en pensant avoir le bras long, six mètres de longueur de table, chez Vladimir, tu t'en souviens, ça faisait vraiment trop long. La longueur de table a fait beaucoup parler, gloser. En fait, la raison en incombait au fait que tu avais refusé un test PCR à ton arrivée en Russie. Test PCR, non pas un test Parti Communiste Révolutionnaire, un test COVID auquel tu as, sans doute à raison, refusé de te soumettre. Avec ou sans test, c'est Poutine qui te teste ce jour-là et déjà dans sa tête, la guerre d'Ukraine est en place. Même sous l'appelation "Opération spéciale".

Quatorze mois plus tard, 7 Février 2022, 7 Avril 2023, Cérémonie du thé à Canton. A peine as-tu quitté Xi Jinping que l'encerclement total de Taïwan commence. Pékin considère l'île comme l'une de ses provinces à reprendre. 71 avions de chasse et 9 navires de guerre. "Opération spéciale" nécessaire pour sauvegarder la souveraineté et l'intégrité territtoriale de la Chine. Des exercices à tirs réels sont prévus pour lundi.

Moralité : tu prends le thé, tu dînes, tu prends ton avion, et à peine le président français dans les airs qu'on passe aux prémices de guerre. Je ne sais pas comment tu peux vivre tout ça, moi, ça m'agace et ça me glace.

A quoi cela sert-il de faire le beau et le talentueux devant un parterre d'étudiants chinois choisis, à quoi cela sert-il de dénoncer à Canton la guerre russe en Ukraine, à quoi ça rime de vouloir faire de cette guerre d'Ukraine le sujet principal de ta visite d'Etat en Chine, à quoi ça rime de demander à Xi Jinping de "ramener la Russie à la raison", si tu laisses le premier des Chinois préparer en sourdine sa guerre de Taïwan ? 

Vraiment, je ne te comprends pas ou c'est bien la preuve qu'au pays de l'Empire autrefois appelé du Milieu, nous ne sommes "rien", et toi, vraiment pas grand chose, à peine l'équivalent d'un président de Conseil Régional. 

Ici, j'ose à peine me souvenir de ta célèbre sortie de juin 2017 : "Une gare, c'est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien." Je n'ai aucune estime, aucune admiration particulière pour la "réussite" à la Xi Jinping ou à la Poutine, mais force est de reconnaître que nous nous bornons à faire des phrases quand ils sont en passe d'être les Maîtres du Monde. Tu es trop intelligent pour être dupe et succomber à la mascarade. Je t'en prie, cesse les tweets et les selfies. Sois de Gaulle ou Mitterrand, ou alors rentre dans le rang.

 

© Jean-Louis Crimon

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8 avril 2023 6 08 /04 /avril /2023 08:57
Paris. Elysée. Avril 2023. L'infernal Trio. Désolidarisé bientôt. © Sipa.

Paris. Elysée. Avril 2023. L'infernal Trio. Désolidarisé bientôt. © Sipa.

Borne, tu dépasses les bornes. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est toi, Manu, qui le pense. Tellement fort que tout le monde l'a entendu. Manu, le président de la France. La France, le pays dont le prince est un enfant capricieux. Cette fois, Borne et Macron, c'est la rupture, le divorce. Le début de la fin. Les deux n'ont pas le même conception du mot "humiliation". Macron ne voulait pas que la Russie soit "humiliée" à la fin de la guerre qu'elle mène en Ukraine, Borne ne veut pas que les syndicats soient humiliés à la fin de la guerre sociale que Macron leur mène. Ne pas humilier Laurent Berger, pour Dame Borne. Ne pas humilier Vladimir Poutine, pour Macron. Macron a l'humiliation sélective. Comme l'indignation. 

Apaisement. Respect. Deux impératifs désormais dans la bouche de la Première ministre. Mieux vaut tard que jamais. Dame Borne a fait savoir qu'elle n'était pas simplement là pour administrer le pays. Administrer le pays ou admini/sinistrer le pays. Le néologisme est de moi. Dame Borne veut "respecter une période de convalescence" et attend le "bon timing" pour renouer le dialogue avec les syndicats. Prise de distance avec les exigences du "PR" qui avait ordonné, dans son fameux 13 heures, que cette opération se fasse "au plus vite". Propos "suicidaires" que les paroles de la locataire de Matignon, a estimé une bonne partie de la majorité. Seul le secrétaire général de la CFDT a apprécié : Laurent Berger a expliqué avoir trouvé les propos de la Première ministre "plus respectueux que le message qui est venu de Chine". De l'Empire du milieu, le président Macron avait réfuté assez séchement l'expression "grave crise démocratique" employée par le leader syndical pour qualifier la situation française actuelle.

Simon Duteil, de l'union syndicale Solidaires, lui, est plus direct : "Elisabeth Borne parle de convalescence, mais nous, on n'est pas malades, c'est notre démocratie qui est malade !" De fait, depuis trois mois, tout le prouve. 

 

© Jean-Louis Crimon

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7 avril 2023 5 07 /04 /avril /2023 08:57
Le Président et la première Dame. © droits réservés.

Le Président et la première Dame. © droits réservés.

Qu'est-ce que j'apprends, Manu, un de tes employés, agent du service argenterie du palais présidentiel, s'est jeté sur les rails du RER. La raison : pour le remercier de ses 23 années de bons et loyaux services, il a été congédié. L'homme, âgé d'une cinquantaine d'années, n'aurait pas supporté de se voir notifier sa "remise à disposition de son corps d'origine, le Ministère de la Culture, avec pour conséquence immédiate, la perte de son logement de fonction quai Branly."

Selon l'unique syndicaliste de l'Elysée, joint par l'hebdomadaire Marianneil règne ces temps-ci au Château une ambiance de travail exécrable. Ils virent les "vieux" en les remettant brutalement à disposition de leur corps d'origine.

L'homme faisait partie de ces petites mains silencieuses que les convives prestigeux n'aperçoivent jamais et selon Patrick Pradié, cité par Marianne, il ne fait aucun doute que la tentative de suicide de son ancien collègue, qui portait son badge de la présidence autour du cou au moment de son geste funeste, soit en lien direct avec la perte de son emploi. 

23 années d'une vie à prendre soin des couverts en vermeil, des assiettes en porcelaine de Sèvres et des verres en cristal Bacarrat pour être traité comme ça.

Selon le service de presse de l'Elysée, une aide psychologique a été proposée aux employés de l'intendance. Emmanuel et Brigitte Macron ont réuni l'ensemble du personnel pour témoigner de leur soutien. L'homme qui voulait mettre fin à ses jours se trouve toujours à l'hôpital dans un état grave.

Avoue, mon cher Manu, que cette tragique histoire tombe vraiment mal, même si on ne peut pas penser que tu sois directement responsable de ce drame. Tu devrais peut-être quand même y voir comme un signe. Un avertissement. La valeur travail, tu sais, dont vous vous gargarisez tous, ces temps-ci, au Palais ou au gouvernement, ne doit jamais prendre le pas sur la valeur humaine. Décidément, nous n'avons pas les mêmes valeurs. Un conseil, méfie-toi des Valeurs actuelles et pense un peu plus souvent à ta grand-mère institutrice et à ton grand-père cheminot. Ton monde n'en serait que plus beau.

 

© Jean-Louis Crimon

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6 avril 2023 4 06 /04 /avril /2023 08:57
Ma première carte d'immatriculation à la Sécurité Sociale : 16 septembre 1966.
Ma première carte d'immatriculation à la Sécurité Sociale : 16 septembre 1966.

Ma première carte d'immatriculation à la Sécurité Sociale : 16 septembre 1966.

Tout juste 17 ans. Depuis le 7 août dernier. Déjà salarié. Déjà cotisant. En ce temps-là, pas de Pôle emploi, pas d'ANPE, mais un endroit dans la ville qui s'appelle "Bureau de placement". L'homme qui me reçoit me pose une seule question : est-ce que tu sais dessiner ? Moi, sans réfléchir, je lui réponds : oui, dessin et récitation, les deux seules matières où j'étais premier ! Beau sourire des yeux et du bout des lèvres de la bouche qui m'a posé la question. L'homme m'indique alors l'adresse d'une entreprise de Bâtiments et de Travaux Publics qui recherche un jeune-homme "sachant dessiner". Pour lui, aucun doute, la place est pour moi. C'est comme ça que je suis entré dans le monde du travail. Il y a plus de 57 ans. Je m'en souviens comme si c'était hier.

A pied, ce n'est pas si loin, je vais jusqu'aux locaux de l'entreprise. Très vite, je me rends compte de ma méprise. L'homme qui m'accueille me dit : "donc tu sais dessiner, voyons ça, et il me déplie un plan d'une maison à construire. L'escalier, ici, qui donne sur l'extérieur, il est mal orienté, les futurs propriétaires le veulent dans l'autre sens, cette porte-fenêtre, sur le jardin, n'est pas au bon endroit, il faut la déplacer. Là, il faut percer une ouverture spacieuse entre salle et salon. Bon, au travail !"

Dans mon empressement à répondre à la question du chef du Bureau de placement, j'ai confondu dessin artistique et dessin technique. Heureusement, au Lycée, j'avais beaucoup aimé les cours de technologie, la coupe du critérium, la coupe de la pince à sucre à trois griffes, la coupe du robinet, et j'avais retenu trait plein, trait apparent, trait pointillé, trait caché, parties hachurées, pour distinguer les pleins des creux ou des vides. Je bénissais mon prof de Techno. Il s'appelait Juillet, notre professeur de Technologie. Il s'appelait Juillet et on était en septembre. Je bénissais Juillet à la mi-septembre et je trouvais ça bien.

En une demi-heure à peine, j'ai mené à bien le travail demandé. En remontant de l'index la monture de ses lunettes qui avaient glissé sur son long nez, Clément, le métreur, inspecta les modifications apportées et s'exclama dans le dialecte local : "Ch'est fin bien, min tiot père, on vo t'garder !" C'est comme ça que j'ai été engagé comme aide-métreur et aide-comptable. Une double fonction qui m'allait bien. Qui mettait un terme à l'angoisse de ma mère "Qu'est-ce qu'on va faire de toi !", après la lecture du verdict assassin du Conseil de classe et du Proviseur du Lycée : "Non admis à passer en classe supérieure, non autorisé à redoubler". Cancre de seconde C, viré sans autre forme de procès. Mais admis brillamment dans le monde du travail juste avant la rentrée.

 

Pourquoi je te raconte tout ça, Manu ? Pour que tu saches d'où je viens, d'où je pars, et d'où je parle. Je viens de très loin et à ce moment précis de ma vie je comprends que, pour moi, tout est écrit et tout est fini. Je serai employé de bureau. A vie. Toute ma vie. C'est mieux que de travailler dehors, a commenté avec un rien de fierté, ma mère, sans réaliser que c'était un peu humiliant pour mon père, manoeuvre, à l'usine textile, d'abord, puis sur les chantiers et plus tard, jardinier dans les cimetières militaires britanniques. Ne pas être soumis aux intempéries en automne ou en hiver, être à l'abri des fortes chaleurs, l'été, pour ma mère, c'était le premier avantage de l'employé de bureau, du bureaucrate comme on disait en ce temps-là, et ma mère était sensible à cette réalité non négligeable. Sans oublier de mettre en avant l'économie d'achat d'une paire de bottes et des vêtements de pluie, pas souvent offerts par l'entreprise, et inutiles pour un employé de bureau. Sans ignorer l'essentiel : l'importance historique pour toute notre famille de manoeuvres et de manants de la première marche dans le début de l'ascension sociale.

Un jour, Manu, je te dirai la vie de mon grand-père Sarde, mineur dans les mines de fer, en Sardaigne, puis en Lorraine, mort à 40 ans, à l'Hôpital de Nancy, le 11 septembre 1936, des suites d'un accident au fond de la mine, après avoir été amputé d'une jambe. Francesco Zanda qui avait fui l'Italie de Mussolini... pour trouver la mort, seul, sur son lit d'hôpital, puisque classé "sans famille en France".

 

© Jean-Louis Crimon

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5 avril 2023 3 05 /04 /avril /2023 08:57
Amiens. Librairie Martelle. 25 Nov. 2016. © Jean-Louis Crimon
Amiens. Librairie Martelle. 25 Nov. 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Librairie Martelle. 25 Nov. 2016. © Jean-Louis Crimon

En fait, ce qui me fascine, c'est l'envers du décor, l'envers du personnage. Ce qui se cache derrière ce qui se montre. Celui qui se révèle en creux, en négatif. Celui qui ne se dit pas d'emblée. Celui qui s'avoue sans s'avouer. Celui qui concède une toute autre histoire que celle à laquelle il voudrait nous faire croire. Avec toi, je sens que c'est complexe. Posture et imposture sont une seule et même identité. Tu es le Hans du Schnockeloch :

 

Le Hans du Schnockeloch

Tout ce qu'il veut, il l'a,

Le Hans du Schnockeloch,

Tout ce qu'il veut, il l'a,

...

Le Hans du Schnockeloch dit ce qu'il voudra,

Mais ce qu'il pense, il ne le dit pas,

Et ce qu'il dit, il ne le pense pas,

Le Hans du Schnockeloch, ça c'est un fameux gâs.

 

 

© Jean-Louis Crimon

 

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4 avril 2023 2 04 /04 /avril /2023 08:57
Emmanuel Macron face aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. © Aurélien Morissard/AFP.

Emmanuel Macron face aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. © Aurélien Morissard/AFP.

Mais la voilà, la solution, mon cher Manu, la "Convention citoyenne" ! Tu as reçu les 184 membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie. Pour recueillir leur avis. C'est la bonne méthode. On réunit les gens. On les motive et on les fait réfléchir ensemble à la meilleure solution pour le problème posé. On leur demande de formuler des propositions. Enfin, une fois cette réflexion collective menée à bien, on les reçoit, on les écoute et on s'engage à décider le meilleur pour tous dans le respect des convictions de chacun. Quel bel exercice de démocratie vivante. Dommage que ce soit pour la fin de vie. Un exercice de démocratie vivante pour décider de sa mort, le paradoxe est criant, sinon cruel. C'est tout au long de notre vie humaine qu'il nous faut des "Conventions citoyennes", sur tout les sujets essentiels et dans tous les domaines. A ce moment-là, la République devient authentiquement démocratique. La démocratie, du grec "dêmos" et "krâtos". Démos, le peuple, et krâtos, le pouvoir. Le pouvoir au peuple. Par le peuple et pour le peuple.

Dans ton discours aux 184, dont ma radio préférée a diffusé à midi de bons extraits, tu as insisté sur la nécessité de "mener une oeuvre de co-construction en lien avec toutes les parties prenantes, co-construction respectueuse des épaisseurs des vies." Joliment dit, mon cher Manu, comme à chaque fois, mais pourquoi ne pas avoir proposé cette méthode pour réfléchir à la meilleure réforme des retraites possible ?

Sans vouloir te faire offense, tout est dit dans la définition de la co-construction : "des acteurs ayant des intérêts différents vont élaborer ensemble un projet partagé." Je n'ose écrire "un programme commun" à cause des connotations qui ne manqueraient pas d'être surlignées. Je veux me situer en dehors de tout parti pris idéologique et j'espère que tu en feras autant. Dans la "Convention citoyenne sur la réforme des retraites", les syndicats, le Medef, des élus, des maires, des députés, des sénateurs, des petits et des grands patrons, sans oublier quelques dizaines de simples citoyens, reçoivent pour mission l'obligation d'élaborer des propositions pour écrire la loi. Toutes les oppositions et les contradictions se font à cet échelon. De cette façon, le texte final, produit en commun, ne pourra plus recueillir que l'assentiment général. Puisqu'élaboré par des représentants du plus grand nombre et surtout des représentants du pays réel. Dans la plus grande concertation possible. La construction de la loi n'en sera que plus facile.

Pour le reste, sens-toi libre. Oublie un temps les trois mille milliards de la dette de la France, dont tu es co-emprunteur, n'oublie pas, -je plaisante-, oublie la pression des marchés, leurs exigences, les taux d'intérêts qui risquent de n'être plus les mêmes, oublie ce qu'on dit ici ou là, que les prêteurs, côté taux, vont traiter la France beaucoup moins bien que l'Italie ou que l'Allemagne. 

 

Pour clore cette lettre, je te donne à relire l'article 3 de notre Constitution actuelle, la Constitution du 4 octobre 1958 : "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice". Moralité, si le peuple s'estime bafoué, trahi, trompé par ses représentants, la voie du référendum devient le recours, sinon la solution. La Constitution l'a prévu. La loi le prévoit. Aucune hésitation. Révolution, c'était le titre de ton livre-programme, en 2016. Révolution, c'est ce à quoi tu dois te préparer. La Révolution que tu n'as pas su faire, le peuple s'en empare, et lui, la fera, c'est sûr. Pacifiquement, je te rassure. Par la voie référendaire. A chaque fois que ce sera nécessaire. Toi, le président, tu cesseras de te croire Jupiter, tu resteras dans ton Palais, tu présideras, mais tu n'auras pas plus de pouvoir que le président de la République italienne, la Reine du Danemark ou le Roi d'Angleterre. Présider, il va falloir t'y faire, c'est surtout apprendre à se taire. 

 

© Jean-Louis Crimon

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