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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 17:55

 

 

L'histoire est incroyable. C'est l'hiver et il ne fait pas vraiment froid. Ce doit être un hiver sans neige. Sans gel. Un hiver presque doux. J'arrive avec le bus 72 et je descends à l'Hôtel de Ville. Je traverse vers la Seine. Machinalement je déambule rive droite et je m'étonne de la nudité absolue des parapets de pierre blanche. Comme un nouveau paysage urbain redessiné entre métal et minéral. Je ne réalise pas d'emblée ce qui s'est passé, ni combien de temps cela a pu prendre. Une nuit. Un week-end. Un mois. Une année. Je ne sais même pas en quelle année nous sommes. L'an 2000, l'an 3000 ou l'an 10000 ? Je marche comme un automate. Mon regard lui aussi semble s'être perdu. Mes yeux comme mes pas ne comprennent pas. Aucun espace familier où accrocher mon regard. Je vais vers le quai de la Mégisserie où un de mes amis, Charles Gédor, vendait autrefois des livres d'occasion et des livres anciens. J'avais déniché chez lui une belle édition d'un des premiers romans de Balzac dont j'ai oublié le titre. Une édition curieusement imprimée en Belgique du vivant d'Honoré. Mon ami n'est plus là et sa petite librairie de plein air non plus. A chaque coin de rue ont pris place des distributeurs d'une forme étrange et au contenu déroutant. Je fais demi-tour et je marche de longues minutes dans cet hiver bizarre et cette ville familière que je ne reconnais plus. Je n'ai jamais ressenti jusque là ce curieux sentiment de m'être trompé d'époque, de ville ou de vie. J'arrive à hauteur du Pont de l'Evêché. Je pourrais traverser là, mais je décide de pousser plus loin, jusqu'au Pont Marie et jusqu'au Pont de la Tournelle, pour remonter ensuite le quai du même nom. La Tournelle et Montebello, mes deux quais préférés au temps de... Au temps de quoi ? Au temps où j'arpentais rive gauche à la recherche de...

Je n'arrive pas à trouver les mots. J'ai perdu le pouvoir de nommer les choses. Le quai de la Tournelle me donne le tournis. Là aussi, le parapet a retrouvé sa couleur de pierre blanche, d'une blancheur immaculée, et se perd en ligne de fuite à hauteur de Notre-Dame. Signature insolite d'un urbaniste à la recherche d'une perfection abstraite. Comme sur la rive droite, des distributeurs automatiques ont été installés à même le trottoir. Je n'arrive pas à y croire. Ils ont osé. Ils l'ont fait. Dans les distributeurs, à la façade plus ou moins imposante, il y a des livres, des livres d'occasion et des livres anciens, et même des livres neufs. Et toujours cette incroyable bimbeloterie Toureiffelesque. On peut payer en pièces ou en billets, de 10, de 20, de 50 ou de 500 euros. L'appareil rend la monnaie et vous sert l'ouvrage comme autrefois un jambon beurre ou une boîte de Coca. Je comprends. Je réalise. Je visualise enfin.

Les bouquinistes n'existent plus. Les boîtes vertes ont disparu des quais. Le patron d'une grande surface s'est payé, dans tous les sens de l'expression, la "plus grande librairie à ciel ouvert du monde". Il a fait détruire toutes les petites embarcations qui étaient amarrées sur les parapets depuis des siècles. Il a maintenu le commerce des livres. De certains livres. De certains auteurs. Les moins subversifs. Pour un temps. Un temps indéterminé, à ce qu'on dit.

Les bouquinistes remplacés par des automates ! Quelle époque ! Quelle sinistre époque ! A moi Verlaine, Léautaud, Rictus, Dietrich, Dabit, Meckert, Poulaille, Ragon ! A l'aide. Revenez-moi du pays des revenants !

Meeeeeeeerrrrrrrrrrrrde ! Je n'ai pas vu la différence de niveau du trottoir sur la fin du quai de Montebello, quand on remonte de la Tournelle en direction de Saint-Michel. Quelle chute ! Quel gadin ! Ma tête, ma pauvre tête qui résonne sur le macadam. Des gens s'attroupent autour de moi. J'entends des voix en écho. Hôtel-Dieu. Urgences. Coma. J'ouvre les yeux. J'éclate de rire. Un bon et grand rire matinal, à vous donner la forme pour un siècle !

Ma tête a heurté le coin de la... table de nuit. Je suis dans mon lit. Curieux rêve ! Furieux rêve ! Oui, vraiment, rêve sacrément furieux. Mais, mon pauvre vieux, où vas-tu chercher tout ça ?

 

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 18:58

 

 

L'Association Culturelle des Bouquinistes de Paris regroupe plus d'un bouquiniste sur trois. Ce qui n'est pas si mal. Le bouquiniste, de comportement comme de tempérament, est un être très indépendant. Vraiment jaloux de sa liberté. S'associer n'est pas dans les us et coutumes de la profession. Certains racontent qu'autrefois, il y avait bien un syndicat, le syndicat des bouquinistes, mais qu'il y a belle lurette qu'il n'existe plus.

Je ne sais pas pourquoi j'ai adhéré à l'Association dès mon arrivée  au 41, quai de la Tournelle. Cela me semblait le meilleur moyen d'être accepté dans cette confrérie que tous me décrivaient comme très fermée, avec ses réseaux, ses combines et ses dynasties. Et une organisation, assez récente, reposant en grande partie sur des délégués de quai, chefs de quai comme il n'y a plus de chefs de gare, chargés de signaler à la Mairie les absences, les retards, les boîtes fermées, les jours d'ouvertures, la régularité ou le sérieux du bouquiniste débutant. "T'as ton cahier de présence", m'a lancé, un jour d'hiver, mi-sérieux, mi-provocateur, mon délégué de quai.  Avec cet air suffisant du contremaître qui prend son ouvrier en infraction. Moi qui pensais que bouquiniste était le dernier métier de liberté non encadrée, dans cette société d'encadrement permanent, le dernier métier d'homme libre, ("Homme libre, toujours tu chériras la Seine") j'ai dû déchanter. Délégués de quais plus ou moins autoproclamés. En tout cas "pas élus par leurs pairs" comme le font remarquer, dans un sourire qui en dit long, certains rebelles à l'ordre policé, pour ne pas dire policier, du chef de quai. Bouquiniste, as-tu composté ton billet ? Sans doute bientôt d'actualité. Sur ces quais d'embarquement où l'on n'embarque plus qu'en rêve. Pour des traversées de longues après-midi solitaires. Quand le passant se fait rare. Quand le bibliophile se défile. Quand le temps qui passe lui aussi, s'évertue à jouer l'immobile ou le suspendu. Quand la Seine fait sa grise alors qu'elle est si jolie dans la lumière dorée du soleil du soir.

 

La dernière réunion de l'Association m'a beaucoup plu. L'ordre du jour: réfléchir à la création d'une fête des bouquinistes. Manière de célébrer un métier, une tradition, et au fond un vrai rôle social. Bouquiniste sur les quais, ce n'est pas seulement vendre des livres, des gravures, des photographies anciennes ou des aquarelles, c'est d'abord et avant tout du lien social. C'est le commerce des mots avant le commerce des livres. Ce sont des regards, des sourires échangés, des conversations parfois. C'est de l'humanité qui passe dans cette époque où l'humain vraiment humain est une espèce en voie de disparition. Une présence humaine, à la fois discrète et immanquable. Essentielle au paysage urbain des quais de Seine. Une présence si forte et si banale que c'est son absence qui souligne le manque. Une présence vitale.

"Foire à tout, puces, brocante, vide grenier", les idées fusent autour de la table, mais, classique, à chaque fois, l'idée contraire efface l'idée première. La discussion tourne en rond. Les réticences et les refus, les rejets, mettent le beau projet en impasse. Reprenant ce qui fait la particularité et l'identité du bouquiniste, le commerce des bouquins, je propose de transformer "vide grenier" en "livre grenier" ou en "grenier livres". Autrement dit:" Livre les livres qui dorment, souvent d'un profond sommeil, dans ton grenier. Ou dans ta cave, dans ton box, ou dans ton appart'. Fais leur prendre l'air. Une fois ou deux par an, viens partager le parapet des bouquinistes du quai !

"Idée stupide, concurrence déloyale ! ", s'indignent quelques uns d'entre nous. Pas du tout, au contraire, astucieux moyen de s'approvisionner et, qui sait, de faire peut-être de jolie trouvailles. Forcément, s'il le souhaite, le bouquiniste est le premier acheteur de ces "marchands d'un jour". Le premier bénéficiaire. S'il sait y faire, il y gagnera même de futurs clients. Sans doute même de nouveaux amis.

Très vite, accord d'une majorité des présents pour organiser, une ou plusieurs fois par an, un "Livre-Grenier". Sur un week-end ou sur un seul jour. Plutôt le dimanche, ou sur deux dimanches.  De septembre ou d'octobre. Ou sur quatre dimanches de tout un mois, le "mois des bouquinistes". Toutes les propositions se télescopent. Sur une période qui irait du 15 septembre au 15 octobre et donc sur quatre dimanches. Quatre dimanches où les résidents-riverains (dans un prermier temps) auraient la possibilité de partager avec les bouquinistes professionnels le droit et le bonheur de vendre des livres d'occasion et tout ce qui se rapporte à l'écriture, imprimée ou manuscrite. Le bonheur de partager les espaces libres des parapets des bords de Seine, rive gauche et rive droite. Soyons simples: ce sera "un dimanche rive droite" et "un dimanche rive gauche". Fin septembre et début octobre.

Reste à trouver un titre, un beau titre, un titre accrocheur. Un titre qui pourrait nous valoir de bons retours/presse dans ce qui doit être aussi-ne l'oublions pas- une bonne campagne de communication. Amusante et efficace. L'an dernier déjà, au cours de l'Assemblée Générale de l'Association Culturelle des Bouquinistes de Paris, j'avais proposé à ceux qui critiquaient "PARIS PLAGE" (ils "perdaient des clients potentiels" !) de créer tout simplement dans les pas de "PARIS PLAGE" ... "PARIS PAGES". Le titre avait fait sourire, mais l'idée est restée... en carafe. L'idée est tombée -la Seine ne m'en voudra pas- à l'eau ! Dommage, vraiment. Car je persiste à penser, aujourd'hui encore, que ce serait bien d'inscrire nos pas, les pas des propriètaires des boîtes vertes, dans la foulée de ceux qui, avant d'aller faire bronzette sur le sable, feraient d'amples emplettes chez les bouquinistes. "On bronze mieux un livre à la main" aurait pu être un bon slogan de campagne. Pas trop directif et suffisamment incitatif. Mais mon "PARIS PAGES" n'a recueilli, comme on dit, qu'un succès d'estime. Cette année encore, le Crimon s'escrime pour ne pas laisser les plagistes aux seules saveurs de l'ice-cream.

Cette fois, pour l'opération qui nous concerne et nous motive, mon titre s'est imposé d'emblée: "BOUQUINISTE D'UN JOUR". Adopté à l'unanimité des présents. Plébiscité. Titre accrocheur et informatif. Titre qui dit bien ce qu'il doit dire (rôle et fonction du titre !) et qui, en transparence, en filigrane, indique, en prime et en douceur, message subliminal et banal à la fois, le nécessaire renouvellement des générations. Dans notre corporation aussi, la chose a son importance. Mais oui, "Bouquiniste d'un jour... Bouquiniste...toujours" !

 

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30 avril 2011 6 30 /04 /avril /2011 13:02

 

 

"Quai de la Tournelle

J'pousse ma ritournelle

 

Quai des Grands-Augustins

C'est pas mon destin

 

Quai de la Mégisserie

J'aurais fait tapisserie

 

Quai Voltaire

J'aurais pas pu m'taire

 

Pas d'quai Rousseau

Finirai pas le nez dans le ruisseau

 

Quai Saint-Michel

Fallait la courte échelle

 

Quai de Montebello

Ciao bello

 

Quai d'la Tournelle

J'pousse ma ritournelle..."

 

C'est drôle, mais la chanson me vient souvent comme ça. Par intermittence. Quand le vent est d'Est. Puis elle part sans demander son reste. La musique s'envole avec le vent. Ne me reste que des paroles pas très rock'n'roll. Entre Verlaine et Gavroche. Rictus ou Coûté. Petits refrains à écouter. A chanter. A chantonner. Si vous retrouvez la musique en allée.

À part ça, je n'ai pas encore d'Ouvre-boîte. Traduisez: bouquiniste remplaçant, celui -ou celle- qui ouvrira mes boîtes en mon absence pour faire prendre l'air littéraire à mes ouvrages en cage. Un bon ouvre-boîte, c'est précieux, mais l'espèce est en voie de disparition. Souvent, du moins à ce que les anciens m'en ont dit, on entre comme ça dans la profession. D'abord "bouquiniste remplaçant" avant d'être "bouquiniste titulaire". Titulaire d'un emplacement. C'est la ville de Paris qui attribue les emplacements. Autrefois à l'ancienneté. Désormais sur lettre de motivation et entretien pour mesurer, évaluer, jauger et valider les connaissances réelles du postulant, ou de la postulante, à la fonction.

Autre faiblesse du bouquiniste débutant que je suis depuis bientôt un an: je n'ai pas de partenaire pour faire "l'essuie-glace". Pour la chose, il faut un très bon voisinage. Voisine de gauche ou voisin de droite. Dans mon cas, c'est réglé, pas de voisin à droite ! Et à gauche, la voisine est, disons cela élégamment, d'un commerce pas très agréable. Disons que le commerce des mots n'est pas le talent premier de celle qui fait carrière dans le commerce des livres. Pour preuve, les premiers mots, balancés, bille en tête, au premier jour de mon arrivée sur le quai:

 

- T'as pas le sentiment de prendre la place d'un jeune ?

- Ah bon, tu trouves que j'ai déjà ma gueule de vieux sur les épaules !

 

Mais je m'égare. "Faire l'essuie-glace", c'est confier la surveillance de vos boîtes, et les ventes éventuelles à ce collègue, ou confrère pas trop éloigné. A charge de revanche, bien sûr. Ainsi on peut alller, en hiver, au bistrot d'en face, prendre un café bien brûlant, pour se réchauffer les amygdales et pour ne pas claquer du bec, ou  en été, déguster une bonne bière qui désaltère, quand l'air est trop chaud ou trop sec. Pourquoi cette expression "faire l'essuie-glace" est-elle en vogue sur le quai? Simple, m'a expliqué Christian Nabet, un bon copain, lui, du quai de Montebello: "cest parce que, quand y'en a un qui part, y'en a un qui r'vient !" Variante "libraire de plein air" de l'emploi de l'expression très usitée aussi sur les courts de tennis.

Pour le reste, Olivier, le fils de Clara, m'a définitivement vacciné: tu sais, sur le quai, avec tes voisins, simple, si tu veux pas d'ennuis, c'est bonjour-bonsoir. Rien de plus. Et surtout pas de commentaire sur tes recettes de la journée. C'est un truc à se fâcher. C'est un milieu d'individualistes forcenés.

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29 avril 2011 5 29 /04 /avril /2011 19:59

 

 

- On gagne sa vie avec ça !

- Non, mais on la rêve, et ça n'a pas de prix !

Dialogue impromptu juste à l'ouverture de ma petite librairie de plein air. Car il faut le savoir, le bouquiniste s'appelle désormais, dans certains milieux, "libraire de plein air". Par opposition à "libraire de librairie en dur". Mais c'est le libraire de plein air qui a la vie dure. L'averse froide du début de l'après-midi a de quoi décourager. A peine ouvertes, il faudrait refermer les boîtes vertes ? Non, ce n'est pas dans le tempérament de celui qui, sans être forcément intempérant, se moque des intempéries. Plus ou moins bien à l'abri de la pluie, sous les auvents, qui ne protègent pas du vent, les bouquinistes essaient de déchiffrer le ciel. Le grand Bernard, lui, est expert dans l'analyse des rapports complexes entre le vent et la pluie. Jeudi, il m'avait dit: le vent est au nord. Moi, faux ingénu, j'ai répondu: ça veut dire quoi ? Le grand Bernard, sans se démonter, m'a expliqué: ça veut dire qu'il fait froid et ça peut repousser les nuages qui, eux, ne viennent pas du nord. De fait, les nuages ont été un temps repoussés, et quand le vent est tombé, la pluie est arrivée ! Moralité, sur le quai ou ailleurs, quand le vent tombe, la pluie, elle aussi, tombe. C'est le moment de mettre les livres à l'abri, le bouquiniste aussi.

On gagne sa vie avec ça ! Au fond, je ne sais pas si la phrase était exclamative ou franchement interrogative. Mais ma réponse n'a laissé aucun doute. Deux fois payante même. Mon interlocutrice a souri. D'un beau sourire. Elle s'empare des deux tomes de la "Vie de Benvenuto Cellini, écrite par lui-même", Julliard Littérature, 1965, et me gratifie d'un billet de 20 euros - c'était indiqué  18- en me disant "gardez la monnaie, je les cherchais depuis longtemps". La pluie s'est arrêtée. Le ciel du côté du boulevard Saint-Germain tourne à l'éclaircie. La recette de ma journée aussi.

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 20:10

 

- Mais monsieur, si je comprends bien, tous ces livres, ils ont déjà été lus !

- Oui, madame, ce sont des livres d'occasion.

- Mais ça ne me plaît pas du tout !

- Ah bon, pourquoi donc madame ?

- Je ne supporte pas qu'un livre ait pu être lu par quelqu'un d'autre avant moi !

 Et l'alerte septuagénaire de claquer du talon comme pour mieux ponctuer son effet. Avant de tourner le dos à mes quatres boîtes vertes pour remonter, d'un pas décidé, le quai de la Tournelle vers le quai de Montebello, puis vers Saint-Michel. Incroyable aplomb. Étonnante personne qu'un livre "déjà lu avant elle" étonne ou scandalise à ce point. Pourtant la poésie de ces livres déjà lus, lus et relus, passés de mains en mains, parfois annotés au crayon de bois, discrètement, parfois dédicacés ou dédiés, non pas par l'auteur, mais par l'acheteur, comme ce Grand Meaulnes de l'année 36 : "À Juliette, de la part de Georges, en souvenir de notre rencontre", recèle une infinie tendresse. Une beauté désuète. Touchante. Émouvante. Comme si le livre prenait de la valeur à chaque nouvelle lecture. Comme un supplément d'âme. À chaque âme nouvelle touchée.

Dans ma bibliothèque, c'est curieux, je n'ai que des livres qui ont été lus avant moi. Ce qui ne me pose aucun problème. Au contraire, j'en suis presque fier.

 

Le ciel, tout enroulé dans sa couette de nuages, est au bord de la pluie. La conversation avec la dame qui a horreur des livres "déjà lus avant elle" m'a rendu l'âme chagrine. Ça y est, voilà la pluie qui bruine. Je ferme. Les bouquins n'aiment pas la pluie. Le bouquiniste pas davantage.

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 23:12

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Paris. 27 avril 2011. L'une de mes quatre boîtes.                                          © Jean-Louis Crimon 

 

 

 

Au tout début des années 70, un étudiant en philo découvre le monde particulier des bouquinistes. Un univers à la fois étrange et familier. Amarrés au bord du fleuve, impassibles, de curieux petits bateaux verts prennent l'air, du matin au soir.  Ça l'étonne et le fascine, autant que les cargaisons de ces pénichettes en partance.

Ses premiers livres vraiment à lui seront des livres déjà lus par d'autres, annotés parfois, jaunis souvent, mais au texte intact et toujours vivant. Au fil des années, à chacun de ses passages sur les quais, rive droite ou rive gauche, il s'invente une bibliothèque impensable, faite uniquement d'achats coup de coeur ou coup de blues. Sans que la Seine en soit jamais jalouse. Il glane indifféremment des éditions de peu de valeur ou des originales. Il entre dans l'amitié de Léautaud, de Poulaille, de Rictus, de Vallès, de Verlaine ou de Rimbaud. Chacune de ses trouvailles lui apporte la part de rêve qui lui manquait jusque là.

Très vite, les bouquinistes chez qui il achète, deviennent, plus que des marchands, des amis. De précieux amis qui le conseillent et le guident, en douceur, vers des titres ou des auteurs qu'il n'aurait jamais connus sans eux. Dix ans, vingt ans, trente ans, quarante ans, toute une vie passe ainsi. Dans l'amitié des livres et de ceux qui en font commerce. A chacun de ses passages dans cette ville où coule la Seine, il ne manquerait pour rien au monde sa balade sur les quais. D'année en année, il progresse dans la connaissance du métier, de ses rites, de ses rituels, de ses manies, de ses travers.

Un jour, il traverse la rue. Il entre dans son rêve. Vieux rêve romantique. Rêve d'ado. Rêve d'enfance. A la société encadrée, il tire sa révérence. Libéré du travail obligatoire, ses années de cotisations en ordre, il devient à 60 ans, et un peu plus, celui qu'il voulait être à 15 ans. Homme libre, toujours tu chériras... ton rêve.

 

L'étudiant en philo du début des années 70, bien sûr, c'est moi. Bouquiniste, sur le quai, mon vieux rêve d'ado. Bouquiniste, sur le quai, désormais mon nouveau métier. Mon dernier rôle social. Comme aime à dire ma vieille maman : c'est pas banal

 

 

Jean-Louis Crimon

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 23:05

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4 janvier 1970 7 04 /01 /janvier /1970 21:59
Amiens. 18 Juin 2019. DR.
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