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29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 21:34

 

C'est le premier livre que je me suis acheté. Le Brel de chez Seghers. Le courtier qui me le propose aujourd'hui à 5 euros ne sait pas qu'il ravive la flamme du poète inconnu que j'étais dans la salle d'études des internes du Lycée d'une petite ville de province. Collection Poètes d'aujourd'hui. Numéro 119. Année 1964. Dans ma vie, j'ai bien dû en acheter quatre ou cinq exemplaires de ce Seghers-là. Prêtés à chaque fois à des amis, des copains, des camarades, mais jamais rendus. Jamais revus. Poète, le terme ne plaisait pas à Brel. Jacques Brel ne se sentait pas poète. N'aimait pas être qualifié de "poète". Chanteur, oui. Poète, non. Il s'en est expliqué à plusieurs reprises tout au long de son parcours de chanteur. "Le poème est fait pour être lu et relu. Un poème n'a pas besoin d'avoir une musique. Il se suffit à lui-même. Moi je ne peux pas écrire de poèmes, je ne sais pas trouver  la sonorité poétique. J'ai besoin d'une note de musique pour faire sonner les mots."

Brassens et Ferré pourtant mettront en musique Villon, Paul Fort, Musset, pour le premier, Baudelaire, Verlaine et Rimbaud pour le second. Et aussi Aragon. En 1973, dans la "radioscopie" que Jacques Chancel lui consacre, Brel accepte de reconnaitre que sur les 440 chansons qu'il a alors écrites, il y en a peut-être trois qui peuvent être lues. En particulier Le Plat Pays. Davantage un poème qu'une chanson, concédera Brel au grand Chancel.

De Brel, je garde toujours en mémoire, et au fond du coeur, cette incroyable définition du lyrisme, lue dans une interview d'un hebdo dont j'ai oublié le nom : "Le lyrisme, c'est chanter tellement fort que si les gens voient pas vot' coeur, ils voient vos dents !"

Poète ou pas, je me suis dit alors -j'avais 15 ans- ce type est épatant.

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28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 20:01

 

C'est l'histoire d'un professeur de Lettres Latin-Grec. Il a pris sa retraite depuis peu. Il doit quitter Lille pour Gap. Une autre vie. Une vie de retraité. Après une vie de professeur. A Lille, le professeur de Lettres quitte un 120 m2 pour un 60 m2 à Gap. Sa femme l'a prévenu. La phrase est incroyable. Elle révèle un tempérament certain : Tu dois choisir entre tes livres et tes amis.

Faut comprendre. L'appartement de Gap est exactement la moitié de l'appartement de Lille. La chambre fait 20 m2, mais la femme du professeur a déjà pris les devants : je ne veux pas de livres dans la chambre. Ce doit être une épouse un peu jalouse. Une épouse que l'imprimé déprime.

L'homme qui me raconte l'histoire est bouquiniste à Béthune. Il me dit qu'il a, contre un peu d'argent, débarassé -curieux terme- le professeur d'une partie des livres dont il doit se séparer.

Le professeur de Lettres Latin-Grec quitte Lille pour Gap. Gap pour des agapes avec des amis. Des amis qui n'aiment pas les livres. Comme l'a dit sa femme au bouquiniste de Béthune.

L'histoire me touche profondément. Je ne sais si je dois offrir l'hospitalité au vieux professeur ou à ses livres. Tu dois choisir entre tes livres et tes amis. Pire qu'un choix cornélien. Un choix assassin. Choisir entre ses livres et ses amis. Impossible. Impensable. Moi, c'est simple : mes livres sont mes amis. Mes meilleurs amis. A Gap ou ailleurs, si, par malheur, mes amis n'aiment pas les livres, agapes ou pas, je quitte mes amis. Je mets le holà. Je romps avec ces amis-là.

Non, sérieux, franchement, si jamais un jour ma femme me dit : tu dois choisir entre tes livres et tes amis, je crois que je suis capable de rester fidèle à... mes livres.

Sans hésitation aucune. Je refuse pareil choix. Ou plutôt, c'est tout choisi. C'est tout vu. Même si j'attends de voir. La réaction de ma femme. Je dois être un peu fou, mais... à choisir...  

Je ne suis pas seulement prêt à faire le sacrifice des faux amis. Ces amis qui n'aiment pas les livres. De la femme aussi, sans hésitation, je me sépare.

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27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 18:38

baudelaire carjat

© Carjat

 

 

Sur le banc, parfois, à l'ombre des platanes, quand la poussière et les pollens du soir laissent un peu de répit, sous forme de conversation, s'improvise une inattendue leçon de littérature. Souvent de la même façon. Au départ, une cliente hésitante. Un bouquiniste avenant. Ou compréhensif. Un bouquiniste qui a du temps. Ou qui veut bien prendre un peu de temps. Prendre du temps n'est jamais perdre du temps.

- N'achetez pas sur un coup de tête, ou sans vraiment savoir, madame, ...

- Je voudrais Les Fleurs du Mal, le texte, les poésies, les poèmes, bien sûr, mais aussi, un petit manuel en parallèle, un petit livre d'explication ou d'analyse...

- Pour le texte, c'est comme si c'était déjà fait, madame... Cette belle édition des années cinquante, mille neuf cent cinquante, est très agréablement illustrée... Je vous la laisse à trente euros...

La dame a, comme on dit, un certain âge. Un âge certain. Mais un beau regard d'enfant. Une enfant d'un autre siècle. Lire Baudelaire, lire vraiment Baudelaire, pour elle, est une décision récente. Les souvenirs du Lycée semblent si loin.

- Baudelaire, oui, toutes mes amies en parlent en ce moment, alors...

- Savez-vous, madame, que le titre définitif a vu le jour au café Lamblin, pas si loin d'ici. Au cours d'une conversation entre Charles Baudelaire et Hippolyte Babou, ami du poète et journaliste de son métier. Le titre a vraiment été "soufflé" ou "donné" à Charles par Hippolyte. C'est d'abord le titre de dix-huit poèmes publiés dans la Revue des deux-mondes du 1er juin 1855.

- Mais quel titre curieux, monsieur, n'est-ce pas ? Comme si des fleurs pouvaient naître du Mal...

- "Fleurs du Mal" . Beau paradoxe, sans aucun doute, madame. Pour Baudelaire, la mission du poète, c'est vraiment de faire naître la beauté de là où on ne l'atttend pas. De la souffrance. De la douleur. Du malheur. Ou du péché. Le Mal, pour lui, c'est à la fois le mal qui fait mal et le mal qui est mal.  Qui est le contraire du bien. 

- Vous pensez vraiment que du "beau" peut naître... du "mal" ?

- Baudelaire en est la plus belle preuve, madame... et c'est un bien pour un mal...

- Comment ça ?

- Cette idée, Charles Baudelaire, élégant et pertinent critique d'art, l'avait déjà plus ou moins élaborée. Conscientisée. En 1855, à propos d'une exposition de peinture, dans le cadre l'Exposition universelle, il donnait cette première approche :  "Le beau est toujours bizarre. Je ne veux pas dire qu'il soit volontairement, froidement, bizarre, car dans ce cas il serait un monstre sorti des rails de la vie. Je dis qu'il contient toujours un peu de bizzarerie, de bizzarerie naïve, non voulue, inconsciente, et que c'est cette bizarrerie qui le fait être particulièrement le Beau."  Pas mal dit, non ! Très moderne, ce Charles Baudelaire.

- Vous en savez des choses, monsieur...

- Si peu, madame... Ce que je sais, je l'ai lu... ou on me l'a expliqué... Tenez, en fait, j'ai peut-être le petit guide précieux que vous souhaitez pour ponctuer votre lecture des Fleurs du Mal... Ce petit Profil. Ouvrage déjà ancien. Janvier 1992. Il a 20 ans, mais c'est très bien documenté. Bien écrit. Littérature Hatier. La première édition date de septembre 1987. 25 ans. Un quart de siècle. Comme on dit : ça n'a pas pris une ride. C'est une analyse critique signée Georges Bonneville, Agrégé des Lettres. Je vous en fait cadeau.

- Parfait, monsieur le bouquiniste ! Je vous trouve bien aimable...

- Je vous en prie, madame...

- Mais en fait, avec ses Fleurs du Mal, il cherche quoi, au juste, ce Baudelaire ?

- Il veut, madame, en finir avec la culture classique et ses vieilles valeurs. La décence. La mesure. Le bon goût. Baudelaire se veut le poète qui dérange, qui bouscule, qui étonne ou qui choque. Il se veut rebelle et ses Fleurs du Mal n'en sont que plus belles. Notez, le Parquet de l'époque ne lui fera pas de cadeaux. Pour délit d'offense à la morale publique et aux bonnes moeurs, on ordonnera la saisie des 1300 exemplaires de la première édition de juin 1857. En prime, si l'on peut dire : 300 francs d'amende pour Baudelaire et 100 francs d'amende pour son éditeur Poulet-Malassis. Ordre fut par ailleurs donné de supprimer six poèmes : Les bijoux, Le Léthé, A celle qui est trop gaie, Lesbos, Femmes damnées (le premier poème seulement) et Les métamorphoses du vampire

- Quelle science, monsieur ! vous devez bien l'aimer ce Baudelaire...

- Oui, madame, comme un frère, un grand frère, madame... madame ?

- Madame Aupick, monsieur le bouquiniste !

- Madame Aupick ! ! ?

- Oui, madame Aupick, mère de Charles Baudelaire... ça m'amuse de venir parfois sur le quai de la Tournelle, voir si ce fils que j'ai si peu compris et si mal jugé, est toujours connu et aimé par ce petit monde des lettres. Ce monde pour lequel il aurait damné son âme ...

- Au revoir, madame...

- Merci pour le Profil d'une oeuvre, monsieur. Je m'y penche dès ce soir... Je veux tout comprendre et tout savoir de l'oeuvre de mon fils...

La vieille Aupick s'en est allée comme ça, tout simplement. Une édition des années cinquante des Fleurs du Mal et le Profil d'une oeuvre dans son cabas. Moi, je n'en reviens pas.

 

 

Jean-Louis Crimon 

 

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26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 19:17

 

Entendu hier, à la radio, cette info étonnante : Lors du 8ème Festival du mot de La Charité-sur-Loire, les jurés et les internautes ont élu le mot twitter comme mot de l'année. A égalité avec le mot "Changement". C'est connu : le changement, c'est maintenant. Pour "twitter", le changement remonte à un paquet de temps. Cinq ou six ans, déjà. Allez savoir pourquoi, la nouvelle m'a mis le coeur en joie. Ecoutez plutôt : 

 

Come on, let's twit again like we did last  summer,

Yeah, let's twit again like we did  last year...

 

Allez, dansons encore le twit, comme l'été dernier,

Ouais, dansons encore le twit, comme l'année dernière,

 

Allez, tout le monde, tapez le twit,

Oh vous êtes beaux,

Je vais vous chanter le twit et ce ne sera pas long,

Nous danserons le twit, voilà, comme ça, ça va ...

 

Yeah, let's twit again, twitting time is here. Juste pour le plaisir. Jolie manière, n'est-ce pas de saluer l'entrée prochaine dans le dictionnaire de la langue française de ce néologisme déjà si familier. Même si, c'est vrai, de moi à vous,  je l'avoue,  à m'exprimer en 140 signes, vraiment, je rechigne.

Twitter, et non plus "tweetter", trop anglais, sera donc un verbe du premier groupe. Comme chanter. ça tombe bien puisque, à ce qu'on m'en a dit, tweet, ou plutôt twit, signifie très précisément "gazouillis". Chanter, gazouiller, twitter, ça va bien ensemble. A tort ou à raison, je vous invite à cette nouvelle conjugaison.

 

Je twitte,

Tu twittes,

Il, elle, twitte,

Nous twittons,

Vous twittez,

Ils, elles, twittent.

 

Le Festival du mot de La Charité-sur-Loire a choisi cette année le mot "twitter", parmi une quinzaine de propositions.

Nous avons échappé à : Agence de notation, Amalgame, Arrogance, Déficit, Identité, Indignité, Ingérence, Promesse(s), Populisme, Pugnacité, Réseau social, Rupture, Sociétal et enfin Tablette.  Dans leur choix, les jurés, et leur Président, mon ami Alain Rey, ont tenu à saluer un nouveau modèle de communication qui favorise la briéveté, maxi 140 signes, la rapidité, vite écrit, vite dit, vite transmis, et le partage : on partage les "twittos" comme les "textos".

Mon ami Alain Rey qui, il y a bien sept ans, m'avait donné le feu vert pour écrire le mot "applauds" dans une Bio de Renaud. Applauds pour applaudissements. Néologisme validé par le Maître. A une condition : écrivez bien la fin du mot applauds : A U D S.

Alain Rey, merveilleux homme qui sait tout des secrets de la naissance et de l'existence des mots. Mais, franchement, en 140 signes, sans tomber dans la rengaine, je risque d'être à la peine, même si l'info, facile, je dégaine... Let's twit again...

 

 

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25 mai 2012 5 25 /05 /mai /2012 16:26

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© Jean-Louis Crimon                                                                 Paris. Pont de l'Archevêché.

 

 

Les sociologues de la ville doivent appeler ça Nouvelles Traditions Urbaines. Les recenser et les classer comme telles. Comme on répertorie déjà les légendes urbaines. Ces rumeurs qui courent d'un bout à l'autre de la ville. Parfois de ville en ville. Des rumeurs sans fondement, comme disent les gens. Heureusement, sans fondement. Avec fondement, la rumeur perd son statut de rumeur. Fondée, la rumeur devient information. Vrai ou faux ? Fondée, sourcée, confirmée, la rumeur se meurt. La fausse rumeur se meurt et se meut en vraie info.

D'abord, il y a ces cadenas qui recouvrent la totalité du grillage du Pont de L'Archevêché. Des cadenas de toutes les formes. De toutes les couleurs. De tout métal. Vil ou plus ou moins précieux. Pas trop. Un cadenas en or ne passerait pas deux nuits dehors. En cuivre ou en fer, ça fait bien l'affaire. La chose tient davantage du symbole que de l'obole. Même si l'offrande n'est pas loin. Le lieu de culte non plus. Là, précisément, on peut écrire : n'en jetez plus. Au propre et au figuré. D'abord, des clés de cadenas dans la Seine. Va finir par faire monter le niveau de l'eau. Rouiller les poissons et les péniches. N'en jetez plus aussi de déclarations niaiseuses. De textos bateau. De sms sans tendresse. De mots d'amour, qui riment avec toujours. D'initiales entrecroisées fatales. De prénoms entrelacés bancals. Je vais vous la réécrire, moi, l'histoire. En couplets assassins. Version chanteur de rues. Crus ou pas crus. Style, le grand amour, c'est cuit.

Jérôme et Jennifer, Cadenas de ferAnnick et Pierric, Cadenas en plastique, Marie et Jean-Marie, Cadenas de la Mairie, Luigi et Gabriella, Cadenas tralala, Paolo et Paola, Cadenas paëllaCadenas en papier, Pour l'amour qui perd pied... Cadenas en carton, Pour traverser le Pont ...Cadenas en gâteau, Pour se prendre un rateau, Cadenas en bombec, Pan sur le bec, Cadenas en goguette, Pour ma miss' tinguette...

L'amour sans promesse. L'amour sans Grand Messe. L'amour Notre-Dame. L'amour macadam. L'amour tout terrain. L'amour, je vais et je viens... L'amour sceptre d'airain. Mais pas d'amour guimauve. Même pour la fille en mauve.

 

Vrai, ça me déprime. Marre de la fausse frime. Tous ces amoureux de Paris qui s'embrassent et se cadenassent. Balancent la clé dans la Seine, sordide mise en scène...

Cadenas d'amour. Compte à rebours. La belle histoire. Conte à rebours. Luchetti, Lovelocks, coeur qui bat la breloque, Tout au long du Pont des amours, de la passerelle des Arts, et jusqu'au bout du Pont de l'Archevêché, très saint est le péché : que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première clé ...

Se jurer un amour éternel, fermer le cadenas et puis jeter la clef dans l'eau du fleuve. Pour une passion fleuve. Vraiment  foutue bizarre tradition urbaine. Coutume à fleur de bitume.

Me donne l'idée d'une autre chanson. Une chanson de ma façon. Musique ancienne. Romantique et cruelle. Des mots de passe, pour ces filles qu'on cadenasse.  C'est l'amour qui trépasse... 

 

L'amour qu'on cadenasse,

La belle est dans la nasse,

La fiançée d'une heure,

Déjà signe son malheur...

 

L'amour quand on l'attache,

Très vite, il se détache...

Toi, t'es la mieux des nanas,

Je t'aime sans cadenas... 

 

La seule clé faite pour toi,

J' la balance par dessus le toit,

C'est pas du tout méchant,

C'est la clé des... champs. 

 

 

Cadenas, variante sublimée de la ceinture de chasteté. Sublimée. Pas sublime. Inconsciemment, faux amants. Jeunes gens du siècle vingt et un déambulent en  plein Moyen-Âge. Prêtres en soutanes et religieuses en cornette, pas si loin. Jeunesse sms qui se joue le grand amour, texto, mais pas in extenso. Sms sans laisser d'adresse. Avec ou sans tendresse. Clé jetée dans le lit du fleuve. Trop au lit pour être honnête. 

 

Fait marrer mon voisin, tout ça ! Veut pas s'en laisser compter. Nouvelle Tradition Urbaine, qu'à cela ne tienne ! Pour le bouquiniste, belle aubaine ! Exclamation soudaine et bras d'honneur vocal à Notre-Dame. Morceaux de répliques à la diable :

 

- Moi, j'vais vendre des cadenas...

- Moi, je vendrai des passe-partout...

- Moi, des cadenas à une seule clé !

- Moi, jamais, suis bouquiniste, pas... droguiste !

- Et alors, tu te ferais des couilles en or !

- Oui, mais c'est moche, faire fortune sur le malheur des filles...

- T'as pas d'humour, qu'est-ce t'as contre les cadenas ?

- Le cadenas, ça ferme, ça enferme. Le livre, au contraire, ça délivre...

- Jolie formule, comme toujours, t'es fier de toi ?

- Oui, et j'te l'avoue : y'a de quoi !

- Tu m'agaces quand tu finasses... 

- Tiens, j'ai une idée, à toutes celles qui se font "cadenasser" à Paris, j'offre Le Rouge et le Noir ou Madame Bovary ! en prime  : La Princesse de Montpensier. Tu peux le faire savoir...

 

Fin de l'échange. Grimace de mon voisin, sur ma dernière réplique. Comme d'hab, on peut avoir du rab. Ce soir, j'en prends pas. Préfère aller m'asseoir. Pas loin, sur le banc. Deviser, tout seul, sur les traditions du temps.  

 

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24 mai 2012 4 24 /05 /mai /2012 21:40

 

Depuis le début de la semaine, j'ai un problème avec ma montre. Dès que je la porte au poignet, elle s'arrête. Si je la retire, la pose délicatement sur un meuble, une table, sur un livre, ou sur le banc, elle repart. Au poignet, elle fait sa paresseuse. D'abord, la trotteuse, l'aiguille des secondes, freine et stoppe. Instantanément. Immédiatement, forcément, font de même, l'aiguille des heures, la petite, et la grande, l 'aiguille des minutes. Ma montre fait la grève. Ou rêve. 

Sur le quai, mon voisin a aussi un problème de temps et d'aiguilles. De mesure du temps. A cause des branches des arbres et des feuilles. Mon voisin ne porte jamais de montre. Faut dire que de l'endroit où nous sommes, l'hiver et au début du printemps, c'est facile pour nous de voir l'heure à l'horloge, qui se trouve près de l'entrée du Pont de l'Archevêché. Juste à côté du feu tricolore. Le cadran est parfaitement lisible, même à deux cents mètres. Même du 39, quai de la Tournelle, l'emplacement des boîtes de mon voisin, c'est tout à fait jouable. Dès qu'il y a des feuilles, c'est une autre histoire.

Mon voisin est déterminé : je vais couper la branche. Il pourrait dire : je vais m'acheter une montre. Non, il dit, avec cet air buté qui le caractérise  en pareil cas : je vais la couper, cette branche. Moi, ça m'amuse, je fais semblant de ne pas comprendre. Pour le plaisir, j'amorce le dialogue :

- Quelle branche ?

- La branche qui gêne !

- Commment ça ?

- Celle qui m'empêche de voir l'heure !

- Tu n'y penses pas !

- C'est mal me connaître, je ne recule devant rien !

- Tout de même, elle ne t'a rien fait cette branche !

- Elle m'empêche de voir l'heure, de ma place !

- Change de place !

- Pas question !

- L'arbre va souffrir, la branche va mourir ...

- Pas de sentimentalisme stupide, elle gêne, je taille, je coupe !

- Tu vas avoir des ennuis, avec la maréchaussée...

- T'inquiète, je vais faire ça la nuit !

- T'es un peu fou, non ?

- Non, pas du tout, déterminé !

- J'te crois pas. T'es pas cap' !

- Tu verras ça demain...

 

Autrefois, dans mon enfance, j'ai connu des gens qui savaient lire l'heure au soleil. A la hauteur du soleil dans le ciel. Même à la taille de l'ombre, en plein été. Ils ne se trompaient jamais.  

Vous nous imaginez, sur le quai, en train de dire : Monsieur, s'il vous plait, arrêtez vous, que je mesure votre ombre, et que je vous dise l'heure qu'il est. L'heure au soleil. Sûr, on passerait pour des fadas. Des fêlés. Des fondus. Des fous. Pour le coup, on risquerait de se retrouver... à l'ombre.

 

En fait, je sais pourquoi, au poignet, ma montre s'arrête. Ma montre se sent si bien avec moi qu'elle désire très fort que le temps s'arrête. Elle le désire si fort que la chose ne manque pas de se produire. Une façon de me dire : savoure l'instant. L'instant présent. Le temps n'est rien. Le temps n'existe pas. Toi, tu existes. Prends le temps. Tout le temps. Qu'il fasse beau temps ou mauvais temps, le temps importe peu. Voilà ce que me dit ma montre. Ou plutôt, voilà ce qu'elle me... montre.

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23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 20:28

 

Je ne connaissais ni l'auteur, ni le titre de l'ouvrage. "Psychanalyse de Paris". Ouvrage publié chez Grasset en 1953. L'auteur, Frédéric Hoffet, avait eu l'honneur de voir son travail présenté dans une Lettre-Préface de Bernard Grasset, l'Editeur. Neuf pages d'une préface pour le moins inattendue. Les deux premières phrases auraient découragé n'importe quel lecteur. Ces deux premières phrases, pour le moins franches et directes, sinon franchement directes et quelque peu assassines, m'ont au contraire rendu cette "Psychanalyse de Paris" subitement très attrayante. Attractive. Attachante.

Je vous donne les deux phrases telles qu'elles figurent, page 9 de l'ouvrage : "Mon Cher Frédéric Hoffet, "Je ne suis d'accord avec vous, ni sur la psychanalyse, ni sur Paris. Mauvaise base de départ pour une préface, direz-vous." Cela semblait, en effet, pour Hoffet, commencer plutôt mal. Au point de se demander pourquoi Grasset, l'Editeur, avait-il publié un auteur et un livre pour lesquels il semblait n'avoir aucune considération ou estime particulière. La troisième phrase se faisait plus rassurante. Elle disait "Ce n'est pas si sûr." Sous-entendu : pas si sûr que ce soit une mauvaise base de départ d'être en désaccord, et sur la psychanalyse, et sur Paris. Ensuite, Bernard Grasset poursuivait : "En somme, c'est une réplique que je vous apporte. Réplique n'est pas bénédiction. Ce qui importe, c'est qu'un livre soit discuté; et mes réserves y aideront. Le seul risque que vous courez, dans l'occasion, c'est ma vivacité d'écriture. Mais il vous est loisible de repousser ma préface, si tout bien pesé, vous pensez qu'elle vous désservirait."

Les motivations d'achat sont curieuses, n'est-ce pas ! Ce sont les deux premières phrases de la préface qui ont fait naître en moi l'impérieuse nécessité d'acquérir l'ouvrage en question. C'était hier après-midi et ce soir encore, picorant ça et là dans le livre de Hoffet avant d'en commencer vraiment la lecture, je me dis que j'ai rudement bien fait. Je ne regrette ni mon achat, ni ma lecture. Ma lecture à venir. Si ça vous dit, je vous tiendrais au courant. C'est vraiment un livre attachant.

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22 mai 2012 2 22 /05 /mai /2012 19:00

 

Elle venait de Clermont. Pas de Clermont-Ferrand. De Clermont. De Clermont de l'Oise. En Picardie. Elle cherchait un livre pour sa mère. Un livre qui ferait plaisir à sa mère. Un livre qui plairait à sa mère. Je lui demandais quels étaient les auteurs que sa mère pouvait bien aimer. Ma question ne la dérouta point. D'un geste sans ambiguïté, elle écarta cette piste de recherche. Sa réponse m'intrigua : pas d'auteur en particulier. Elle ajouta : ma mère n'aime pas les romans. Pas les fictions. Mon regard dût l'inciter à poursuivre. Elle m'expliqua ce qui, pour elle, semblait naturel. Elle résuma en une phrase très explicite : ma mère n'aime que les histoires vraies. Des choses qui se sont vraiment produites, qui sont vraiment arrivées. Des récits de vie. Des témoignages. Des faits divers. Elle ajouta, sans gêne aucune : surtout des histoires de crimes. Moi qui ne supporte pas les polars dès qu'il y a trop de morts, je ne dis pas que ça me glaça le sang, mais la chose me fit un drôle d'effet.

Elle consacra un bon quart d'heure à passer en revue le contenu de chaque boîte. Avec un réel talent. Elle ne s'arrêtait que sur des titres intéressants. Soudain, dans un cri de joie, elle se saisit d'un ouvrage dont le titre illumina son visage. Elle m'avoua avec une réelle satisfaction : je crois que j'ai vraiment ce qu'il me faut. Ajoutant, assez fière de sa trouvaille : sûr, ça va vraiment lui plaire. Titre de l'ouvrage, paru, en 2002, au Pré aux Clercs : Femmes et criminelles. A l'intérieur, aucun doute, de quoi faire plaisir à sa maman. D'abord une préface au titre très attractif : Les assassines. Surtout des chapitres qui portent les noms de ces célèbres meurtrières. Joli panel. Belle brochette. Parmi les plus connues : Christine et Léa Papin, les âmes siamoises. Violette Nozières, l'ingénue parricide et Simone Weber, la diabolique. Je m'abstîns de tout commentaire. Même si, au fond de moi, une petite voix pensa : curieuses lectures.

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21 mai 2012 1 21 /05 /mai /2012 19:29

 

A nouveau plongé dans la lecture de mon livre pour cours moyen et supérieur. Le français vivant, de l'Inspecteur de l'Enseignement Primaire, Georges Gillard. Me suis arrêté, cette fois, page 62 du Livre du Maître. Il s'agit d'un extrait de L'Enfant de Jules Vallès. Un texte proposé en "Récitation".

 

"J'ai le respect du pain.

Un jour, je jetai une croûte; mon père est allé la ramasser...

"Mon enfant, m'a-t-il dit, il ne faut pas jeter le pain; c'est dur à gagner. Nous n'en avons pas trop pour nous, mais si nous en avions trop, il faudrait le donner aux pauvres. Tu en manqueras peut-être un jour, et tu verras ce qu'il vaut. Rappelle-toi ce que je te dis là, mon enfant !"

Je ne l'ai jamais oublié.

Cette observation faite avec dignité, me pénétra jusqu'au fond de l'âme; et j'ai eu le respect du pain depuis lors.

Les moissons m'ont été sacrées; je n'ai jamais écrasé une gerbe pour aller cueillir un coquelicot ou un bleuet; jamais je n'ai tué sur sa tige la fleur du pain !"

 

Suivent, dans ce livre d'un autre temps, d'un autre siècle, avant les "conseils pour la récitation", quelques explications bienvenues :

Les moissons m'ont été sacrées : l'observation paternelle me fit comprendre qu'il faut respecter le blé -source de vie- comme un objet sacré. Abîmer les moissons eût été une sorte de profanation.

Une gerbe : plus exactement des tiges de blé.

La fleur du pain : image poétique désignant l'épi.

 

Tout à la fin de l'ouvrage, dans les notices littéraires, page 467, on peut lire :

Vallès (Jules), né au Puy en 1822, mort en 1885. Révolutionnaire et écrivain passionné, dont le premier volume de Jacques Vingtras (L'Enfant) est d'une émotion poignante.

 

Ce soir je me demande si, aujourd'hui, un père parle encore du pain de cette façon à son fils. Je me demande surtout si on lit toujours Vallès. Mieux : si on sait toujours lire Vallès.

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20 mai 2012 7 20 /05 /mai /2012 11:13

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 © Jean-Louis Crimon                                                         Oeuvre signée Alain Mongrenier. 2014.

 

 

C'est devenu comme un rituel. Un rendez-vous habituel. Une jolie coutume. Une tradition nouvelle. Une fois par an, les musées sont ouverts toute la nuit. La nuit de samedi à dimanche. Jusqu'au petit matin, vous pouvez ainsi aller goûter tous les plaisirs que vous vous refusez, la journée, à longueur d'année. Une nuit blanche haute en couleurs. "L'art accessible à tous", selon le souhait de la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti.

Plus de 3000 lieux en Europe, 1200 en France, entrée gratuite le plus souvent. Huitième nuit des musées, depuis 2005,  et en cette année 2012, premier marché aux puces artistique à la Monnaie de Paris. Une idée d'un Américain. Un Américain à Paris. Belle idée pour mettre l'art sur le trottoir, le faire descendre dans la rue. Pas Place de la Bourse mais à la portée de toutes les bourses. Ou presque.

Moralité, en cadeau, pour insomniaques ou noctambules, ce slogan nouveau : Le musée, la nuit, c'est l' en nuit, mais pas l'ennui.La nuit à... musée, c'est la nuit... amusée.

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