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15 octobre 2016 6 15 /10 /octobre /2016 10:33
Amiens. Saint-Leu. 15 Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Saint-Leu. 15 Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

 

Cher inattendu noctambule,

 

La nuit, comme une évidence. La nuit quand elle glisse sous une pluie fine et froide. Tu sautes d'un jour à l'autre, comme on saute dans les flaques, la pluie fait la claque. Tu adores le jeu de hasard des lumières qui dessinent une ville fluide et calme. Dans ta tête, en silence, tu relis Correspondances et tu te dis que la ville  est aussi...

 

un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

 

Ce soir encore et dans le manteau de la nuit, Charles Baudelaire t'aide à noyer ton ennui.

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14 octobre 2016 5 14 /10 /octobre /2016 23:38
Corbie. Jean Rouaud. 14 Oct. 2016. © Jean-Louis Crimon

Corbie. Jean Rouaud. 14 Oct. 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher petit piéton de l'Histoire,

 

L'intitulé te laisse perplexe. Dire la guerre, ça te semble tellement décalé. Déconnecté. Tu penses à Alep. A la Syrie. Aux guerres de Yougoslavie. Aux guerres africaines. A toutes ces guerres dont on ne parle pas, dont on ne parle plus. Combattre la guerre, oui, ça t'aurait sans doute plu. Combattre la guerre, avec des mots et des idées, avec des arguments. Avec des livres, avec des romans. Avec Barbusse. Avec Dorgelès. Avec Le Feu. Avec Les Croix de bois. Avec Les Champs d'honneur. Avec Jean Rouaud. Avec Jean-Louis Rambour. Avec Théo. Avec Velibor Čolić, le génial déserteur bosniaque.

Dire la guerre quand d'autres l'ont faite ou s'en vont la faire, c'est tellement naïf et dérisoire. Comme si Dire la guerre pouvait être suffisant. Dénoncer la guerre, oui, c'est notre rôle. Non pas seulement énoncer mais dénoncer la guerre. Toutes les guerres. Il n'y a pas de guerre juste, il y a juste des guerres.

Tu penses à ceux des tiens qui l'ont faite, la guerre. Chaque génération a eu sa guerre. Ton grand-père Adrien, première guerre mondiale, mort gazé du gaz moutarde, ton parrain Gilbert, guerre d'Indochine, revenu fou de la bataille de Diên Biên Phu, ton oncle Jean, guerre d'Algérie, au retour, n'a jamais plus souri, ton père STO en Allemagne, arrêté et embarqué par des gendarmes français... Dans ce chapelet familial des guerres obligatoires, un seul rescapé: toi. Toi qui n'en as faite aucune, toi, qui aimerais comprendre pourquoi les horreurs et les abominations continuent, partout sur la planète, toi, qui te demandes qui écrira un jour... Les Champs d'horreur ? Pour en finir à tout jamais avec toutes les guerres. Pour en finir à tout jamais avec la préhistoire de l'humanité. Pour enfin pouvoir être de vrais humains.

Questionner la guerre, s'interroger sur les véritables causes de la guerre, des guerres, de toutes les guerres, c'est ce qu'il faudrait faire. Ne pas se contenter de dire ou de lire la guerre. Mettre hors d'état de nuire les fauteurs de guerre. A commencer par les industries de l'armement. Domaine où la France... prospère.

Cette soirée de Corbie, Somme, Picardie, l'année du centenaire de la Bataille de la Somme, tu t'en faisais toute une histoire. Tu la rêvais comme un hommage discret et pudique aux morts de toutes les guerres. Hommage discret et pudique, à l'image de Jean Rouaud.

Six personnes sont venues écouter le Prix Goncourt 1990. Six personnes dont deux de la Médiathèque de Corbie. Triste à pleurer. A Corbie, le Goncourt 90, vendu à plus de 600.000 exemplaires, traduit dans des dizaines de pays, n'a pas déplacé plus de six personnes. Ce qui n'étonne personne. Comble du comble, dans cette opération qui n'a pas fait salle comble: c'est le public qui a... déserté ! Oui, parfaitement, l'année du centenaire de la Bataille de la Somme, ici, à Corbie, pas très loin de la ligne de front, impensable affront, c'est le public qui déserte.

Alors Dire la guerre, sans doute, mais si personne n'écoute... à quoi ça sert ?

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13 octobre 2016 4 13 /10 /octobre /2016 16:16
Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

 

Cher petit passeur d'instants,

 

Triste fin pour une horloge. Elle a passé son temps à la mesure du temps. A donné l'heure plus souvent qu'à son tour. Sans jamais imaginer une seconde qu'il était déjà là le temps de son compte à rebours. Une horloge, même rebaptisée pendule, ça roule pas des mécaniques. Le temps, c'est diabolique.

Le temps finit sa vie à la poubelle. Tu veux dire l' instrument de mesure du temps. L'instrument a fait son temps. Le temps, lui, est toujours vivant. Temps passé, temps vécu, temps perdu, tant pis. Temps présent, temps futur. Temporel, temporaire, temporalité, tempo, tempus, temporis, n'en jette plus ! Avec le temps, dès le départ, tu es battu. Tu aimes la photo pour ça. Ce pouvoir illusoire d'arracher au temps destructeur ces parcelles de vivants... vivant.

Saisir le temps qui passe, le temps qui lasse, le temps qui casse, le temps qui se casse. Saisir en un instant. D'instinct. L'instinct de l'instant.

Pas une minute à perdre. Pas le temps de s'ennuyer. Il y a du pain sur la planche. Avant que ça ne flanche.

Ceux qui pensent tromper le temps se trompent. Rien ne peut arrêter le temps. Le temps s'écoule, le temps s'enfuit. Temps d'hier en aujourd'hui. Demain, c'est sûr, n'est demain qu'au futur. Le temps est un géant anthropophage. Toi, tu le sais, tu le sens, Le temps est un suceur de sang.

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12 octobre 2016 3 12 /10 /octobre /2016 08:04
Amiens. Octobre 2016 © Jean-Louis Crimon

Amiens. Octobre 2016 © Jean-Louis Crimon

Cher petit romantique,

 

Sous cette couette couleur de suie, tu penses soudain à Baudelaire et à son ciel "bas et lourd comme un couvercle", mais oui, tu sais bien:

 

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits...

 

Tu penses aussi, trouée de bleu de ciel oblige, à cet extrait de lettre à Armand Fraisse:

« Avez-vous observé qu’un morceau de ciel, aperçu par un soupirail, ou entre deux cheminées, deux rochers, ou par une arcade, etc., donnait une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne ? »

 

Avoir Baudelaire, comme compagnon de route, rue Delpech, un midi d'Octobre, sur le chemin de la Boulangerie, elle est pas belle, ta vie !

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11 octobre 2016 2 11 /10 /octobre /2016 09:59
Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher infatigable voleur d'instants,

 

A nouveau, tu te dis que la photo suffit. Pas de mots inutiles ou superflus. Surtout pas de paraphrase. L'image seule est roman. A toi de savoir lire. Entre les lignes. Entre les signes. Le reste manque, comme à la fin du TRE de Spinoza, le Traité de la réforme de l'entendement. A bon entendeur...

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10 octobre 2016 1 10 /10 /octobre /2016 00:23
Amiens. La Marie Sans Chemise. Octobre 2012. © Jean-Louis Crimon

Amiens. La Marie Sans Chemise. Octobre 2012. © Jean-Louis Crimon

Cher grand romantique,

 

C'est souvent comme ça que ça se passe. Une voix intérieure te dit: arrête cet instant fugace, avant que la nuit ne l'efface. Tournant le dos aux autos et à la Marie Sans Chemise, dans la lumière grise, un jeune homme texto/ise, toi, tu te remémores une chanson ancienne quand tu la croyais tienne, la trop jolie Marie. 

Ce soir encore, tu persistes à croire que sur votre histoire le temps n'a pas prise.  Elle a toujours, la Marie Sans Chemise, son sourire des beaux jours. Elle ne sourit que pour toi, ta belle promise, aux amours marines. Lointaine cousine, c'est sûr, de la petite Sirène de Hans Cristian Andersen.

Des heures entières, tu rêverais bien au pied de son socle de pierre, et, sûr, tu trouverais la mer, là-bas, près du grand paquebot gothique. Tu lui parlerais, du bout des lèvres, du bout des yeux, du bout des doigts... Ce soir, tu rêves de la convaincre de descendre de son socle de pierre, pour avec elle, t'en aller boire un verre ou deux, au comptoir des amoureux. Tiens, vous iriez Chez Pierre ou au Cappuccino. Tu ferais une dernière photo. Photo du soir, espoir.

Au dos à dos, tu as toujours une nette préférence pour le face à face.

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9 octobre 2016 7 09 /10 /octobre /2016 08:50
Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher piéton du matin,

 

Longtemps que tu te demandes comment ca s'appelle. Enfant, dans l'autre siècle et dans les années cinquante, tu as dû savoir le nom de ces petits bonshommes, ou petites bonnes femmes, qui servent à bloquer les volets, une fois ouverts. Arrêts de volets n'est pas très glamour. Butées pas davantage. Comment donc nommer ces petites têtes qui font toujours la tête et sont pourtant si aimables ?
Tête levée, dans la journée. Tête baissée le soir, quand on ferme les volets pour la nuit. Tu penses te souvenir de l'expression "Tête de bergère", mais tu n'en es plus très sûr. Des gens disent "bitoniau", mais ce n'est pas assez précis pour toi. Un bitoniau peut désigner n'importe quoi pourvu que, - dixit le Robert d'Alain Rey - ce soit un petit quelque chose, une protubérance, permettant d'actionner un mécanisme.

Va pour Tête de bergère, jusqu'à preuve du contraire. Un commentaire. Un complément d'info. Un mot du berger, en quelque sorte  la réponse du berger à la... bergère.



 

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8 octobre 2016 6 08 /10 /octobre /2016 23:25
Amiens. Rue Latour. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Rue Latour. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher petit piéton perdu,

 

C'est une ville qui marche sur la tête. C'est désormais un fait établi. Une vérité du bitume. Les deux-roues déroulent à fond la caisse sur l'asphalte des piétons. L'absence de pistes cyclables a dans cette ville des conséquences ailleurs incroyables. Les cyclistes s'annexent le trottoir et, que tu t'étonnes ou que tu t'indignes, c'est à toi d'aller te faire voir. C'est désormais comme un acquis. Un nouveau droit qu'ils s'octroient. Pour eux, c'est, bien sûr, moins dangereux que sur la route et, en plus, ou en prime, le trottoir est parfaitement roulant. Problème: c'est toi le piéton qui risque gros. Toi qui t'effaces quand ils arrivent vers toi. C'est comme ça. Eux trouvent ça normal que tu te colles au mur pour les laisser passer. A peine s'ils te gratifient d'un sourire ou d'un merci. Toi, en tout cas, tu es vraiment à leur merci.

Avec ou sans malice, toi, tu t'exclames: mais que fait la police ?

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7 octobre 2016 5 07 /10 /octobre /2016 16:26
Amiens. 7 Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 7 Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher Amiénois des Croix de bois,

 

Tu ne sais pas ce que signifie cette installation, comme on dit aujourd'hui. Toi, dans l'instant, tu penses que c'est un hommage aux Croix de bois de Dorgelès. Aux morts de toutes les guerres. Aux morts d'aujourd'hui, aux morts d'hier. Aux morts de Syrie. Aux morts d'Alep. Il n'en est rien. Mais, peu importe, dans ta tête et dans ton coeur, toi tu penses aux morts de toutes les guerres et aux pacifistes de tous les Pays. Même s'il n'y en a plus guère.

 

Le long des chemins du front, on trouvait souvent une ligne à perte de vue de croix de bois, faites à la va-vite, et posées au-dessus des cadavres de soldats allemands ou français. Soldats inconnus, jeunes soldats, c’est en leur hommage que Roland Dorgelès, né à Amiens, a écrit son roman. Pour leur souvenir et pour leur mémoire.

 

Publié en 1919, aux éditions Albin Michel, inspiré de l'expérience vécue par son auteur durant la Première Guerre mondiale, pressenti pour l'obtention du prix Goncourt de 1919, le roman est finalement devancé par A l'ombre des jeunes filles en fleur de Marcel Proust, qui remporte le prix par six voix contre quatre. L'éditeur des Croix de bois fera paraître le volume avec le bandeau « Prix Goncourt - 4 voix sur 10 » et il sera condamné pour cette action devant un tribunal à 2 000 francs de dommages et intérêts.. Roland Dorgelès obtiendra toutefois le Prix Femina.

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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 10:30
Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Octobre 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher piéton photographe,

 

Il y a des matins où tu vois ta ville comme une ville inconnue. Tu redessines les espaces. Tu réinventes les façades, les frontons. Tu t'arrêtes ou tu t'attardes. Plongée ou contre-plongée accentuent des pans déjà déroutants. Pans de murs dont tu pressens les murmures.

Dans ta mathématique du regard, géomètre plus qu'algébriste, tu joues l'équilibriste. Les murs sont les pages d'un livre en dur où tu imprimes des silences et des absences. Le vide n'est qu'apparent. Le sens arrive à la fin. Tu ne maîtrises pas encore parfaitement la typographie, mais tu te sais déjà en harmonie avec les mots et les phrases. Tu le tiens ton livre de briques et de béton.

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