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7 janvier 2017 6 07 /01 /janvier /2017 00:07
Amiens. 5 Janvier 2017. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 5 Janvier 2017. © Jean-Louis Crimon

 
 
 
                                                                         41
 
Je me souviens du "b" de Ambiens qui un beau jour s'efface pour donner naissance à Amiens. La lettre "b" éludée, Amiens révélée.
 
                                                                         42
 
Je me souviens de Jean Colin, né rue Debray, quartier Henriville, qui écrit dans son journal : "Ce matin, regardant par la fenêtre le jardin, j'étais sûr que je n'étais fait que pour être fidèle à cette lumière."

                                                                         43

Je me souviens du geste de Martin, légionnaire romain, en garnison à Ambianum, un soir de l’hiver 337, quand il décide de partager son manteau avec un pauvre qui grelotte de froid aux portes de la ville. Martin tranche la doublure de son manteau, qui lui appartient en propre, mais pas le manteau qui est propriété de l'empire romain.

Martin racontera que la nuit suivante, le Christ lui est apparu en songe vêtu de la chaude doublure de fourrure donnée au pauvre.                                                                        

                                                                         44

Je me souviens de la Place du Marché du début des années 70 et de la voix enjouée du crieur de journaux : France Soir, Paris Presse, France Soir...

 
                                                                          45
 
Je me souviens de L'Approbaniste, roman d'André Billy, qui évoque Amiens de la fin des années trente. Chaque mardi et chaque vendredi, jours de grande promenade, les collégiens de l'Ecole Apostolique " arpentent les trottoirs de la ville, revêtus d'une pèlerine à capuchon et coiffés d'une casquette à bandeau de velours vert, par rangs de trois, les petits de la classe de sixième en tête, les philosophes en dernier."
 
                                                                           46

Je me souviens de la rue des Trois Cailloux, trait d'union entre la Place René Goblet et la Place Gambetta. Un nom qui vient de Trois Cailleux. Cailleu, en picard, c'est caillou, en français. Patronyme de trois frères, Claude, Martin et Pierre, les trois frères Cailleux.
 
                                                                           47

Je me souviens de la chanson triste de la dame du trottoir des Nouvelles Galeries : "œillets , 5 francs, œillets, 5 francs... les rouges, les blancs..." et moi, m'en allant, fredonnant, les bras ballants.
 
                                                                           48

Je me souviens d'André Malraux, le 19 mars 1966, et de cet incroyable discours de la Maison de la Culture d'Amiens : Le 21ème siècle sera spirituel ou ne sera pas.
Non pas, surtout pas : Le 21ème siècle sera religieux ou ne sera pas. Malraux qui s'enflamme : "Si vous réussissez, le mot hideux de province disparaîtra du vocabulaire".
 
                                                                           49

Je me souviens d'Amiens jours de pluie, quand la ville lave son âme et sa peau de macadam, quand les essuie-glaces balaient les pensées tristes et quand divague un vague vague à l'âme.
 
                                                                            50
 
Je me souviens d'Amiens, Place de la Gare, quand je mélancolise à ma guise et que la Tour Perret hésite à jouer la Tour de Pise.
 
 
 
 
© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

 

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6 janvier 2017 5 06 /01 /janvier /2017 00:08
Amiens. Saint-Leu. Au Sourire d'Avril. Années 70. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Saint-Leu. Au Sourire d'Avril. Années 70. © Jean-Louis Crimon

 

 

                                                                       31

 

Je me souviens des petits riens du quotidien. Un rayon de soleil après l'averse, un sourire, un geste comme un signe. Une tape amicale sur l'épaule, une main fraternelle, un pouce levé pour dire qu'on apprécie ou qu'on acquiesce. Amiens tendresse.

 

                                                                       32

 

Je me souviens du quartier Saint-Leu des années 70 et du "Sourire d'Avril" devenu roman populaire sous la plume sensible de Jacques Béal.

 

                                                                       33

Je me souviens de Jean-Baptiste-Louis Gresset, écrivain et poète, qui fonde, en 1750, l'Académie d'Amiens, Académie des sciences, des lettres et des Arts.

 

                                                                       34

Je me souviens du Tour de France 1979 et de Raymond Poulidor m'expliquant le bonheur incroyable d'être à tout jamais dans le cœur des gens " toujours premier, toujours devant ".

 

                                                                       35

Je me souviens de la lettre de Jules Verne à son ami Charles Wallut : "Sur le désir de ma femme, je me fixe à Amiens, ville sage, policée, d'humeur égale, la société y est cordiale et lettrée. On est près de Paris, assez pour en avoir le reflet, sans le bruit insupportable et l'agitation stérile."

 

                                                                        36

Je me souviens de Léo Ferré et de notre première rencontre, du cendrier avec ses trois mégots de Celtiques, discrètement enveloppé, à la fin de l'interview, dans le cellophane de la bande magnétique, cendrier magique dont je rêvais de faire un jour une inclusion sous plastique. Les Celtiques de Léo, c'est le haschich de Baudelaire et c'est l'absinthe de Verlaine.

 

                                                                        37

Je me souviens de la saison où les Gothiques ont remporté leur premier titre de Champions  de France et de la patinoire du Coliseum en feu ce soir-là.

 

                                                                        38

Je me souviens de Serge Reggiani, dans sa loge du Cirque Municipal, après un tour de chant bien au-delà du spectacle, et du morceau de pain et de fromage qu'il me propose de partager avec lui. En guise d'interview.

 

                                                                        39

Je me souviens des Galas de Catch au Cirque Municipal, de l'Ange Blanc et du Petit Prince. Des commentaires de Roger Couderc et des premières retransmissions télévisées. En noir et blanc.

 

                                                                        40

Je me souviens de l'inessentiel et du dérisoire, du banal et du sans importance. De la beauté sublime des matins de brume dans les Hortillonnages.

 

 

 

 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

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5 janvier 2017 4 05 /01 /janvier /2017 00:05
Amiens. 3 Janvier 2017. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 3 Janvier 2017. © Jean-Louis Crimon

 

                                                                        21

 

Je me souviens du Café de la rue Henri Martin qui s'appelait "Aux ailes d'argent ", sans doute en hommage aux coulonneux qui s'y retrouvaient autrefois pour baguer et enloger leurs voyageurs.


                                                                  

                                                                        22


Je me souviens de Nisso Pelossof, photographe, né sur l'île de Rhodes, et de son parcours terrestre et humain, raconté si bien dans son autobiographie "D'une île à l'autre". De l'île de Rhodes à l'île aux fagots, jolie destinée pour cet amoureux inconditionnel des Hortillonnages, cet homme si humain qui avait triomphé de la barbarie nazie et survécu à Auschwitz et à Mauthausen.

 

                                                                        23

 

Je me souviens de René Lamps et de Georges-Louis Collet, arrachant, armes aux poings, - légende ou pas -  le Progrès de la Somme aux mains des collaborateurs, pour en faire Le Courrier Picard.

 

                                                                         24

 

Je me souviens de Robert Marchand, né à Amiens, le 26 novembre 1911, cycliste inoxydable qui, à 105 ans, te pédale encore en douceur 22 kilomètres dans l'heure. Record mondial à tout jamais inégalable.

 

                                                                          25


Je me souviens des quatre Lemaire, trois frères et leur père, fusillés par les Allemands parce qu'ils étaient communistes et résistants.

 

                                                                         26

 

Je me souviens de Pinchon, Joseph-Porphyre Pinchon, le père de Bécassine, né à Amiens. Bécassine, première héroïne de l'histoire de la BD. La tombe de Pinchon se trouve au cimetière Saint-Acheul. Le père de Bécassine a aussi donné vie à Frimousset, Grassouillet, Suzel, Olive et Bengali, Loulotte, Madame la marquise de Grand'Air et Monsieur Proey-Minans.

 

 

                                                                          27


Je me souviens de Christian Sutcliffe, guide-conférencier, au talent insolent pour vous mettre en scène les petits faits de la grande saga amiénoise. Sa façon d'accueillir mon micro n'a jamais varié : " Toi, tu n'as pas besoin de faire l'âne pour avoir du son ! "

                                                          

                                                                         28


Je me souviens de Pierre-Ambroise-François Choderlos de Laclos, né à Amiens, et de ses Liaisons Dangereuses, roman traduit dans le monde entier. Laclos, militaire de métier, connu aussi pour être l'inventeur du boulet creux, ancêtre de l'obus.

 

                                                                         29


Je me souviens de Gilles de Robien, à la fin des années quatre-vingts, dans le quartier du vieux Montières, me disant : Je fais de la politique pour aider les gens à être heureux le peu de temps que nous avons à vivre sur Terre. Profession de foi peu courante chez les politiques de ce temps-là.

 

                                                                         30


Je me souviens de l'entraineur de l'ASC, Denis Troch, et du dernier entraînement à La Licorne, le matin du jour de la finale de la Coupe de France, contre Strasbourg, et de cette métaphore filée le long du bord de touche, ouverture lumineuse : Passez les ballons que vous aimeriez recevoir !

 

 

 

 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

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4 janvier 2017 3 04 /01 /janvier /2017 00:04
Amiens. Marie sans Chemise. Mars 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Marie sans Chemise. Mars 2016. © Jean-Louis Crimon

 

 

                                                                        15

Je me souviens du Petit séminaire et de l'Abbé Guisembert, mon Professeur principal et confesseur, aussi notre entraineur de hockey sur gazon qu'il confesse préférer au football. En soutane, le hockey, ça passe, et le geste avec la crosse, c'est classe.

                                                                         16

Je me souviens du Petit séminariste qui ne tremble pas pour répondre Non sans hésitation à la question du Père Supérieur. – Pensez-vous avoir la Vocation ?  et qui, sans en avoir conscience, se scie la branche du grec et du latin sur laquelle il prenait pourtant plaisir à épanouir son esprit de petit campagnard mal dégrossi.

                                                                          17

Je me souviens des paroles du Père Supérieur qui convoqua mes parents pour le dimanche suivant : Votre fils n'est pas doué pour les grandes études. Mieux vaut lui apprendre un bon métier manuel. Vous le savez bien, vous qui vivez à la campagne, l'agriculture manque de bras. Avec un bon instituteur, il peut avoir son Certificat d'Etudes Primaires, ce sera bien suffisant. Je n'ai jamais oublié avoir pensé très fort tout bas : merci, Père Supérieur, de tout faire pour me maintenir dans la classe inférieure.

                                                                           18

Je me souviens de Marie sans Chemise, ma belle promise, quand Amiens la grise corne dans la brume le spleen des traine-bitume. Le Printemps pour patronyme, selon son créateur, le sculpteur Albert Roze, mais le plus souvent le cœur en automne. La Marie sans Chemise, parente, c'est sûr, de la petite Sirène de Hans-Cristian Andersen... La Danoise et l'Amiénoise à tout jamais frangines ou cousines.

                                                                            19

Je me souviens de Jules Verne écrivant dans sa Géographie : "Amiens, ville calme et paisible, à quelques heures de Paris."

                                                                             20

Je me souviens de Jules César, premier TGV de l'Histoire récente de l'humanité déplaçante, et de la façon dont il parle des premiers amiénois qui s'appelaient alors les Ambiens : Ils se rendirent, corps et biens, sans combattre. (Guerre des Gaules, Livre V.)

 

 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

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3 janvier 2017 2 03 /01 /janvier /2017 00:03
Amiens. La Tour Perret. Nov. 2015. © Jean-Louis Crimon

Amiens. La Tour Perret. Nov. 2015. © Jean-Louis Crimon

 

                                                                             9

Je me souviens de Serge Helluin, "Libraire Apiculteur" de la rue Léon Blum, et de sa façon bien à lui de m'inciter à butiner tous azimuts. Du commerce des mots dont il faisait son miel. De cette formule dont il avait fait un slogan publicitaire efficace : "Un homme qui lit en vaut deux, un lecteur fidèle en vaut quatre."

 

                                                                            10

Je me souviens du jeune vicomte Gilles de Robien qui rafle la mise en 1989, année du bicentenaire de la Révolution Française, petit Prince au sang bleu pour faire mordre la poussière aux rouges, les communistes René Lamps et François Cosserat. Morbleu, palsambleu, scrongneugneu...

18 années de Municipalité socialo-communiste qui s'effacent d'un coup, d'un seul. La Gauche dans son linceul.

 

                                                                             11

Je me souviens de Jean-Marie Lhôte et de son "Kléber et Marie-Louise", d'abord album de cartes postales trouvé par hasard à la Réderie de Saint-Maurice. Une correspondance amoureuse de la deuxième moitié des années vingt. Qui devient livre superbe publié chez Hachette-Massin et plus tard, dans les années quatre-vingt, géniale adaptation théâtrale. Donnée à plusieurs reprises au Grand Théâtre de la Maison de la Culture.

 

                                                                             

                                                                             12

Je me souviens de la rue Rigollot où fut signée, le 13 octobre 1906, la Charte d'Amiens, texte fondateur du syndicalisme moderne.

 

                                                                              13

Je me souviens de l'Hôtel Bouctot-Vagniez, incroyable château de ville. Vraie folie de pierres blanches et de briques jaunes, tout en haut, à gauche, en remontant la rue des Otages vers le Mail Albert 1er. Œuvre de Louis Duthoit. Façades décorées de motifs empruntés à l'Art Nouveau.

 

                                                                               14

Je me souviens de Samarobriva, le Pont sur la Somme, nom gaulois d'Amiens avant de devenir Ambianum, la ville des Ambiens.

 


 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

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2 janvier 2017 1 02 /01 /janvier /2017 22:08
Amiens. 71, rue Vascosan. Février 2017. © Jean-Louis Crimon

Amiens. 71, rue Vascosan. Février 2017. © Jean-Louis Crimon

 

 

PAGE  3

                                              JE ME SOUVIENS D'AMIENS

 

 

 

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                                                      DU MÊME AUTEUR

 

 

Du côté de chez Shuang, roman, Le Castor Astral, 2013.

 

Renaud raconté par sa tribu, biographie, avec Thierry Séchan, L'Archipel, 2006.

 

Oublie pas 36, roman, Le Castor Astral, 2006.

 

Renaud, biographie, Librio Musique, J'ai Lu, 2004.

 

Rue du Pré aux Chevaux, roman, Le Castor Astral, 2003.

 

Verlaine avant-centre, roman, Prix Tristan-Bernard, Le Castor Astral, 2001.

 

Les Gants d'Andersen, nouvelle, éditions du Sansonnet, 1998.

 

 

 

PAGE  5 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

                                                      JEAN-LOUIS CRIMON

 

 

 

 

                                                  JE ME SOUVIENS D'AMIENS

 

 

                                                    

 

                                                       LE CASTOR ASTRAL

 

 

PAGE  6 ----------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

                                              JE ME SOUVIENS D'AMIENS

                                                est le mille... ème ouvrage

                                                publié par Le Castor Astral.

 

 

 

 

                                                   www.castorastral.com

 

 

                                     Cet ouvrage a été publié avec le soutien

                                                   de la Mairie d'Amiens.

 

 

 

 

                                          Le Castor Astral 2017

                                          53, rue Carnot - 33130, Bègles (F)

                                          ISBN ...

 

 

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2 janvier 2017 1 02 /01 /janvier /2017 00:02
Amiens. Nov. 2016. © Jean-Louis Crimon.

Amiens. Nov. 2016. © Jean-Louis Crimon.

                                                                        

                                                                         4

Je me souviens d'Amiens-Cathédrale et des trois mondes de Notre-Dame. La Nef, réservée aux fidèles, symbole du monde souffrant, le Chœur, réservé au Clergé, incarnation du monde priant et enfin, les voûtes élevées le plus haut possible, métaphore du monde céleste. Sainte Trinité des trois mondes désormais incompréhensible aux Amiénois d'aujourd'hui.

 

                                                                         5

Je me souviens de Manon Lescaut, premier vrai roman de la littérature moderne. J'aime surtout ce moment où l'Abbé Prévost fait dire à Des Grieux, dans le françois de de ce temps-là : "J'avois dix-sept ans et j'achevois mes études de philosophie à Amiens, où mes parents, qui sont d'une des meilleures Maisons de P... m'avoient envoyé. " P... pour Picardie, bien sûr.

 

                                                                          6

Je me souviens de l'Escalier de l'Ange d'Or, là précisément où la rencontre entre Manon et son futur amoureux a eu lieu. Manon, originaire du petit village de Coisy, au nord d'Amiens, et Des Grieux, jeune homme romantique que Manon va séduire et pervertir. Pour le meilleur et pour le pire.

 

                                                                           7

Je me souviens ed' Chés Cabotans d'Amiens, petit théâtre de marionnettes avec Ch'Lafleur, Sandrine et T'chiot Blaise, Françoise Rose, Jacques Auvet et Jean-Bernard Dupont, si bien à leur aise dans cette langue picarde si truculente et tellement vraie.  

 

                                                                           8

Je me souviens d'Auguste Perret et de la Tour qui porte son nom, cierge en béton pour tutoyer de sa prière païenne la flèche de Notre-Dame.

 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

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1 janvier 2017 7 01 /01 /janvier /2017 16:37
 
 
A Georges Perec
et
A Joe Brainard,
 
sans qui
ce "Je me souviens d'Amiens"
n'aurait jamais vu le jour.
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1 janvier 2017 7 01 /01 /janvier /2017 00:07
Amiens. Tour Perret. Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Tour Perret. Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                            1

Je me souviens de tout, je me souviens de rien, je me souviens d'Amiens. Amiens, c'est tout ou rien.


                                                                            2

Je me souviens de l'Ange Pleureur, frangin, sans rire, de l'Ange au Sourire. La Cathédrale de Reims, tout sourire, la Cathédrale d'Amiens, tout en pleurs de pluie. Blasset, c'est juste une larme que l'Ange essuie.

                                                                            3

Je me souviens d'Amiens chagrin, d'Amiens chagrine, Amiens au goût étrange et sensuel de pluie fine.

 

© Jean-Louis Crimon / Le Castor Astral. 2017.

 

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30 décembre 2016 5 30 /12 /décembre /2016 18:51
Amiens. Pierre l'Ermite. Place Saint-Michel. Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

Amiens. Pierre l'Ermite. Place Saint-Michel. Déc. 2016. © Jean-Louis Crimon

Cher piéton incrédule,

 

Dans le contre-jour du soir, l'homme terrifie encore, mais son appel à la croisade t'indiffère. Qui ne croit pas au Paradis ne craint pas l'Enfer. Ni ne tremble face à la menace de la divine colère. Pour celui qui n'a pas la foi, croire au ciel n'est qu'une inversion de préoccupations très terre à terre.

A première vue, rien de commun entre le photographe et le prédicateur. A y regarder d'un peu plus près, une jolie parenté les rassemble. En apparence seulement. C'est un fait : tous deux cherchent la lumière.

Le photographe n'a pas peur du soleil. Au contraire, il en use, il en ruse et s'en amuse. Pour mieux silhouetter le sujet ou le personnage. A son avantage. Le soleil rasant du soir est un compagnon intarissable. Un bavard jamais sans ressource.

Ton regard s'en va boire le dégradé de gris jusqu'à la lie car tu sais que le gris s'en va finir sa vie tout en noir.

Statue, stature. Posture ou imposture. Plus de neuf cents ans déjà que l'Ermite prénommé Pierre, a secoué la terre, pour lever la croisade des pauvres gens. Pierre d'Amiens ou Pierre d'Achères, plus connu sous l'identité de Pierre l'Ermite ou L'Hermite. Pierre qui prit la tête de la croisade dite des pauvres gens en... 1096. Il y a, mais oui, très précisément 920 ans.

En ce temps-là, on croit, dur comme fer, aller à Jérusalem pour livrer le combat final et instaurer le Royaume de Dieu sur la terre. Pierre l'Ermite sera ce prédicateur fanatique qui, par ses harangues, met en marche ces masses de miséreux vers la cité sainte. Massacrant tout au long du chemin ceux qui ne croient pas comme eux.

 

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Guibert de Nogent, l'un des plus fiables des chroniqueurs du temps, raconte :

 

"Nous le vîmes parcourir les villes et les villages et prêcher partout. Le peuple l'entourait en foule, l'accablait de présents et célébrait sa sainteté par de si grands éloges que je ne me souviens pas que l'on ait jamais rendu pareils honneurs à toute autre personne... En tout ce qu'il faisait ou disait, il semblait qu'il y eût en lui quelque chose de divin ; en sorte qu'on allait jusqu'à arracher les poils de son mulet pour les garder comme reliques."

 

Le succès de Pierre l'Ermite est indéniable. Dès l'annonce de la marche sur Jérusalem, par centaines, par milliers, des petites gens quittent tout pour suivre cet homme inspiré. Partout où Urbain II n'a pu lui-même faire lever la moisson, Pierre l'Ermite prêche. Inlassablement. Et la troupe de fidèles exaltés, depuis le Berry, de grossir toujours plus. Si le pape a donné rendez-vous aux hommes d'armes le 15 août 1096 au Puy, le départ des humbles est fixé au 8 mars. Les chroniques locales rapportent qu'on vit "des pauvres ferrer leurs bœufs à la manière des chevaux, les atteler à des chariots à deux roues  sur lesquels ils chargeaient leurs minces provisions et leurs petits enfants, et qu'ils traînaient ainsi à leur suite".

 

La Moselle franchie, l'équipée atteint Trèves. Le 12 avril 1096, Pierre l'Ermite et sa caravane de loqueteux entrent dans Cologne. Cap est mis bientôt par les routes d'Europe centrale vers les Balkans et la mystérieuse Constantinople, fascinante et inquiétante pour des chrétiens romains tout juste coupés officiellement de leurs frères orthodoxes (1054).

 

La confrontation à des communautés inconnues, doublée d'une exacerbation des passions et de l'impatience à en découdre avec des infidèles, conduit cependant très vite à des drames. Au nom du Christ. Dans ses Chroniques hébraïques, Solomon bar Simson rapporte ainsi : "En passant par les villages où il y avait des juifs, ils se disaient l'un à l'autre : "Voici que nous marchons par une longue route à la recherche de la maison d'idolâtrie et pour tirer vengeance des Ismaélites, et voici les Juifs dont les ancêtres le tuèrent et le crucifièrent pour rien, qui habitent parmi nous. Vengeons-nous d'eux d'abord, effaçons-les du nombre des nations."

 

La fureur sacrée tourne à la soif de purification de la foi par le sang versé en son nom. Décimant une communauté particulièrement florissante, le pogrom de Rouen, le 26 janvier 1096, est bientôt connu par les croisés qui s'en vantent mais plus vite encore par les juifs de France qui alertent leurs frères allemands, leur suggérant, pour éviter le même sort, de donner aux croisés vivres et argent. Aussi, lorsque Pierre et ses hommes quittent Cologne le 20 avril pour la frontière hongroise, on ne déplore aucun excès criminel, sans qu'on puisse évaluer au prix de quel substantiel dédommagement.

 

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En 1854, Lamartine refusera d'assister à l'inauguration de la statue d'Amiens. Le poète, célèbre pour avoir célébré Le Lac, - bien avant Julien Doré ! -, avait aussi et surtout, en vrai républicain, de fortes convictions politiques. Pour argumenter sa volontaire absence amiénoise, Alphonse de Lamartine déclara :

"Je considère Pierre l'Ermite comme un derviche chrétien conduisant l'Europe en aveugle à la perte de son temps, de son sang et de son bon sens.

"Rien de beau hors de l'humanité, rien de vrai dans le fanatisme."

 

Paroles plus que jamais d'actualité, mais qui saurait aujourd'hui invoquer Alphonse de Lamartine ?

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