12 novembre 2018
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Contay. Route de Franvillers. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
La route de Franvillers, la route que prend le berger quand il arrive chez nous avec ses moutons et son chien. La route qui passe par le pont de l'Hallue. La route qui passe aussi devant notre maison et d'abord devant la maison de Tante Laure que tout le monde au village appelle Mademoiselle Laure, parce qu'elle ne s'est jamais mariée.
Sur la photo, Laure, c'est sans doute elle, qui se protège du soleil, avec une ombrelle.
© Jean-Louis Crimon
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11 novembre 2018
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Contay. Le Cimetière militaire anglais. © R. Lelong.
A la onzième heure du onzième jour du onzième mois de l'année... Onze Novembre 1918, fin de quatre ans de guerre. Au nom des pères et des fils, enfin, l'armistice.
20 millions de morts, civils et soldats, dans cette guerre qui devait être la "der des der". 100 ans plus tard, les fabricants et les marchands d'armes font toujours leurs affaires. Ont trouvé la parade. Les guerres, aux autres, les font faire.
Onze Novembre 2018. La jolie marche des 70 vers l'Arc de Triomphe sonne faux. C'est le bal des hypocrites. Syrie, Yemen, Ukraine... Nous faudra-t-il toujours dire... AMEN ?
Pas un mot, bien sûr, pas une pensée, pour les mutins de 1917, les fusillés pour l'exemple... Ceux qui avaient compris que "Guerre à la guerre" était le seul véritable avenir humain. L'ont payé de leur vie, tués par les balles de leurs propres amis.
© Jean-Louis Crimon
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10 novembre 2018
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Contay. Grande Rue. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Quand le photographe prend cette image, le Monument aux Morts et l'Eglise sont dans son dos et à sa gauche se trouve la route de Franvillers, celle qui passe devant ma maison et devant la maison de Tante Laure, une Longère que le lit de l'Hallue, la rivière tant aimée, borde, chaque soir, pour la nuit. J'aime cette idée que l'eau du lit de l'Hallue nous entoure et nous protège.
© Jean-Louis Crimon
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9 novembre 2018
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Contay. Rue Neuve. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Tout en haut de la rue Neuve, pas si neuve, il y avait la ferme Labesse et puis, après le virage sur la gauche, un peu plus loin, la maison du père Delacroix, qui se prénommait Georges comme mon père. C'est lui qui venait cueillir les cerises dans le verger de la maison de Madame Morel, où Tante Laure était la gardienne des lieux. Le père Delacroix, - ça m'étonnait vraiment -, était toujours en bottes de caoutchouc, même quand il ne pleuvait pas. Il grimpait aux arbres sans échelle, et avec ses bottes. Un sacré asticot, disait de lui la Tante Laure, un tantinet admirative de la souplesse et des prouesses du septuagénaire.
Seule déception pour ma Tante Laure très pieuse et pour moi qui voulait toujours trouver du sens dans le nom des gens: Delacroix n'allait pas à l'église, pas à la messe, pas à confesse. Un comble. Dans ma tête d'enfant, me suis dit: je crois que Delacroix ne croit pas.
© Jean-Louis Crimon
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8 novembre 2018
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Contay. La Grande Ecole. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Au village, il y avait la petite école et la grande école. La petite école où c'était Madame, l'Institutrice. Madame était la femme de Monsieur. Elle enseignait aux petits. Leur apprenait la forme et le dessin des lettres. Monsieur était l'Instituteur des grands. En ce temps-là, nous avions un profond respect et une véritable admiration pour nos enseignants que nous appelions nos Maîtres. Madame l'Institutrice nous apprenait à écrire et son mari, Monsieur l'Instituteur, nous apprenait à parler et à penser. A réfléchir. J'ai beaucoup appris au contact de Monsieur.
Je dois tout à mes Instituteurs. L'enfant que j'ai pu être autant que l'adulte que je suis devenu. Un temps où un beau mot en quatre syllabes n'avait pas encore été effacé au profit d'une périphrase pédante en trois mots. Ins/ti/tu/teur, dans mon coeur, à tout jamais, ça sonne beaucoup mieux que Professeur des écoles.
© Jean-Louis Crimon
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7 novembre 2018
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Contay. Route d'Hérissart. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Au début, mon père travaille au Château. Ensuite chez la Tante Laure. C'est beaucoup plus tard que mon père prendra la route d'Hérissart, quand il devient livreur de pain. Avec Philibert, son cheval, tirant sa carriole de pains chauds et fumants. Je l'imaginais, mon père, fouettant le vent et la pluie plus que son cheval qu'il adorait. Le boulanger, son patron, s'appelle Dieu. Dieu nous donne notre pain quotidien. Enfin, nous le vend. Le Dieu boulanger, m'a expliqué mon père, n'est pas le Dieu de la prière de Monsieur le Curé. En plus, Dieu boulanger -c'est amusant- était... Protestant.
Le village où le boulanger se nomme Dieu, le cantonnier Laflotte et le menuisier, qui fabriquait les cercueils, Vérité, était pour moi un village extraordinaire où les noms des gens avaient du sens.
A 7 ans déjà, grâce au sens du nom des gens, j'avais tout pressenti du sens de la vie.
© Jean-Louis Crimon
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6 novembre 2018
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Contay. La Grande Rue. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Le meilleur endroit pour prendre une photo de mon village. Au milieu de la Grande Rue. L'Eglise tout au fond, en point d'exclamation. Dans l'écriture paisible d'un jour de semaine. Le berger, arrivé par la route de Franvillers, a tourné vers la gauche pour prendre la rue qui va vers Amiens. Celle qui passe par Beaucourt-sur-l'Hallue. Pour que les moutons y gourmandent sans retenue l'herbe des talus. L'Hallue, la rivière qui vient de Vadencourt et qui traverse aussi Contay. L'Hallue, ma rivière bien aimée. L'Hallue qui borde le verger et le jardin de Tante Laure.
Les moutons, raisonnables, ont accepté de ne pas prendre tout l'espace de la chaussée, et de se regrouper sur le trottoir. Difficile de savoir si c'est le matin ou si c'est le soir. Le printemps ou l'été. Les vêtements des enfants, le fait qu'ils ne soient pas à l'école, sont des indications très parlantes pour les gens de ce temps-là. Pas immédiatement déchiffrables un siècle plus tard. Moi, je me dis que ce doit être un jeudi.
© Jean-Louis Crimon
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5 novembre 2018
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Contay. Route d'Amiens. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Du centre du village, et davantage du Pont de l'Hallue, où nous habitions, elle semblait bien loin cette route d'Amiens. Enfant, à pied, il fallait y aller chercher du lait ou du beurre dans des fermes qui se trouvaient tout au bout de cette grande rue qui partait de la Place de l'Eglise. Je me souviens de la ferme Luittre et d'une autre, la ferme Boivin. Chez Boivin, il y avait un chien qui adorait, à chaque fois, faire semblant de fermer l'oeil quand j'entrais dans la cour de la ferme. A peine avais-je pris quinze ou vingt mètres d'avance qu'il me coursait en aboyant pour m'attraper les mollets. M'a même mordu deux ou trois fois. Forcément, c'était de ma faute. La fermière donnait toujours raison à son foutu clebs. "Si tu cours, il voit que tu as peur et il croit que tu es un malfaiteur... Il fait son travail de chien de ferme !" Moralité : ne cours pas, marche normalement, et le chien restera paisible dans sa niche. Tu parles, l'animal était vicieux. Ne manquait jamais une occasion de me taquiner les guibolles.
Ma peur des chiens remonte à ce temps-là. Je devais avoir 8 ou 9 ans, l'âge où à la campagne, les parents confient les courses à faire aux aînés, les plus grands.
© Jean-Louis Crimon
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4 novembre 2018
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Contay. Le Château. Carte postale ancienne. © R. Lelong.
C'est Tante Laure, la Tante de mon père, – de fait ma "Grand-Tante" – , qui est à l'origine de l'arrivée de mes parents à Contay. Elle avait entendu dire que les Châtelains cherchaient un homme toutes mains et un jardinier. Elle fit passer le message à Grand-Mère Edith, qui transmit à Georges, son fils, qui allait devenir mon père. Je suis né à la maternité de Corbie, mais je sais que c'est Contay mon village natal. Que notre premier logement, à Contay, ce fut au Château.
De cette vie de château, ma mère ne cessa de dire que ce n'était pas "la vie de château". On était logés dans les dépendances et le Châtelain, pour nous chauffer, l'hiver, nous donnait du bois vert.
Comme j'avais eu la mauvaise idée de naître en été, ma mère craignait que je n'attrape mal en hiver, surtout enfumé par la fumée du bois vert.
© Jean-Louis Crimon
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3 novembre 2018
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Contay. Le Temple. Carte postale ancienne. © G. Lelong.
Moi, j'étais né côté Catholique. Enfant de chœur depuis mes 7 ans, par la seule volonté de Tante Laure, la marraine de mon père et la gardienne de mon âme. Je servais les messes basses du mardi soir et les messes chantées du Dimanche et des grandes fêtes. Tante Laure était ma catéchiste. Une catholique intransigeante à une époque où n'existait pas encore le mot intégriste. Mais j'avais de bons copains d'école dont les parents étaient Protestants. Mes copains me donnaient une autre version. M'expliquaient que les Protestants ne croient pas en la Vierge Marie toujours vierge et mère du fils de Dieu. Qu'ils ne se confessent pas. Qu'ils n'ont pas besoin d'un prêtre pour s'adresser à Dieu. Qu'ils lui parlent directement. Seul à seul, en tête à tête. Ce qui m'impressionnait et me rassurait à la fois.
Me suis dit très tôt que s'il y avait, dans mon petit village de 282 habitants, au moins deux manières de croire, c'est que la question de l'existence de Dieu méritait, sans doute, un doute ou... deux.
© Jean-Louis Crimon
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