Cirque Jules Verne d'Amiens, Boulevard Jules Verne, Université de Picardie Jules Verne, Clinique Jules Verne, Bus Némo Jules Verne, sans oublier cette belle Brasserie près de la Gare, qui se prénomme tout simplement "Chez Jules", on aurait vite fait de se dire qu'Amiens conjugue Jules Verne... à toutes les sauces.
Le fait est que - né à Nantes (en 1828) -, le grand Homme, écrivain mondialement connu, est mort à Amiens, (le 24 Mars 1905), comme le précise la plaque en marbre gris bleu, fixée près de la porte de la maison du 44, Boulevard Longueville, désormais Boulevard Jules Verne.
On peut lire en effet, gravées en lettres dorées, ces quelques lignes : "Jules Verne vécut 14 ans dans cette maison, où il mourut le 24 Mars 1905, à l'âge de 77 ans." Mais, bien sûr, avant d'y mourir, Jules Verne a vécu à Amiens, et y a vécu heureux. C'est à Amiens, en septembre 1873, qu'à bord du Météore, un aérostat de 90 m3, en compagnie d'Eugène Godart et d'Albert Deberly, que Jules Verne survole une partie de la ville jusqu'au quartier La Neuville. Le décollage du Ballon, ou si vous préférez... l'envol, a eu lieu Place Longueville, le 28 septembre 1873. Jules Verne est Amiénois depuis deux ans. Dans une lettre à son ami Charles Wallut, il a donné les raisons de sa décision :
"Sur le désir de ma femme, je me fixe à Amiens, ville sage, policée, d'humeur égale. La société y est cordiale et lettrée. On est près de Paris, assez pour en avoir le reflet, sans le bruit insupportable et l'agitation stérile."
Pas mal, non ? Toujours valable aujourd'hui ? Pas si sûr. Mais revenons un instant sur le seul et unique voyage en Ballon de Jules Verne, l'auteur, justement, 10 ans plus tôt, (en 1863) de "Cinq Semaines en Ballon". Ce Voyage du 28 septembre 1873 durera précisment 24 minutes, entre 5 heures 24 et 5 heures 48. A peine une demi-heure. Pas davantage.
Jules Verne écrira d'ailleurs, quelques années plus tard, le récit précis de son unique ascension en Ballon. Ce sera sous la forme d'une longue lettre, publiée dans le Journal d'Amiens, en 1890.
Extrait : "Voici ce que perçoit le regard, sous nos pieds, Saint-Acheul et ses jardins noirâtres, la Cathédrale écrasée, dont la flèche se confond avec les dernières maisons de la ville, la Somme, un mince ruban clair, les chemins de fer, les rues, - des lacets sinueux -, les hortillonnages, un simple étalage de marchands maraîchers..."
Jolies notations Verniennes, à méditer ou à m'éditer. A rééditer.
© Jean-Louis Crimon
Chronique écrite à la demande de France Bleu Picardie et diffusée le 15 novembre 2019, à 6 heures 20 et à 16 heures 20.
Amiens. Au bout du quai Parmentier. Pont Baraban. Juin 1974. © Jean-Louis Crimon
Quartier Saint-Leu, la Place Parmentier, et le Quai du même nom. Parmentier, bien sûr, c'est Antoine-Augustin Parmentier, né à Montdidier, dans la Somme, en Picardie. Pharmacien militaire, (au temps de Louis XVI), qui révolutionnera nos habitudes alimentaires. Camarade Tubercule dont les dictionnaires résument en une toute petite phrase la vie et l'oeuvre :
"Parmentier vulgarisa en France la culture de la pomme de terre."
Une autre fois, nous ferons le portrait de cet homme qui, à n'en pas douter, devait être un Chips type. Retour donc à Saint-Leu, au quartier Saint-Leu, au Quai Parmentier et à la Place Parmentier. Selon Paule Roy, indiscutable grande chroniqueuse des rues d'Amiens, c'est le 23 Mai 1882 que les hortillons s'installent pour la première fois sur la nouvelle Place Parmentier, pour y vendre leurs légumes et leurs fruits, cultivés et récoltés, du côté de Rivery et Camon, dans les riches terres des hortillonnages.
Le Quai Parmentier avait été aménagé pour servir de débarcadère aux barques à cornet qui s'aglutient par dizaines, le long du quai, les veilles de marché. De nombreses cartes postales anciennes, des années mille neuf cent, 1910, 1920, 1930, en témoignent superbement. D'un point de vue autant sociologique qu'esthétique.
Un mot de la barque à cornet, ce bateau des hortillons à fond plat, avec cette partie surélevée si caractéristique qui permet d'accéder assez facilement au quai, mais aussi aux aires, les terres des hortillonnages. Véritable proue, en forme de cornet, munie de grosses nervures de bois formant comme un mini escalier.
On a appelé de façon très poétique, mais aussi très éloignée de la réalité, ce Marché des hortillons de la Place Parmentier, Marché sur l'eau. En fait, le marché ne se déroulait pas sur l'eau, mais sur la terre ferme, et même sur le pavé, plus tard sur le bitume, de la Place Parmentier. Là aussi, les photos, les cartes postales anciennes, en témoignent superbement.
Un regret, un seul : que les 300 familles d'hortillons que faisaient vivre les 300 hectares des hortillonnages, au tout début du vingtième siècle, ne soient plus aujourd'hui qu'une dizaine, et que les marchés, autrefois au rythme de trois par semaine, aient complétement disparus de la vie amiénoise. Pour ne réapparaître qu'une fois par an dans une version touristique pas toujours du meilleur goût.
Que voulez-vous, les temps changent, les temps ont changé, et parfois -foi de Parmentier - on n'est pas loin de le regretter.
© Jean-Louis Crimon
Chronique écrite à la demande de France Bleu Picardie et diffusée le 14 novembre 2019, à 6 heures 20 et à 16 heures 20.
Amiens. La Tour Perret. Oct. 2019 et Juin 2015. © Jean-Louis Crimon
© Jean-Louis Crimon
Chronique écrite à la demande de France Bleu Picardie et diffusée le 13 novembre 2019, à 6 heures 20 et à 16 heures 20.
C'est une toute petite rue, entre la rue des Trois Cailloux et la rue des Jacobins. Son nom, seul, est un titre de poème. Ou un titre de roman. Policier le roman. Forcément. Rue des Corps Nus sans Tête. Autrement dit, pour dire crûment la chose "rue des gens à poils sans tête", "rue des gens à poils, décapités". Vraiment étrange comme nom de rue. Enigme pas évidente à élucider. Surtout que "Corps Nus", en deux mots, s'écrit parfois "Cornus", en un seul. Autrement dit, textuellement : qui porte des cornes.
Selon Maurice Crampon, un historien local, c'était d'ailleurs de cette façon que la rue des Cornus fut d'abord orthographiée. La rue des Cornus, rue des maris trompés, pour ne pas dire cocus, était une rue où se trouvait une maison "accueillante" où venaient se consoler les époux trahis. Maison accueillante à l'enseigne significative représentant des torses d'hommes pourvus de bois de cerfs, sortant directement de leurs épaules. Les cornes ainsi portées faisant d'eux d'authentiques "cornus". Des "Cornus sans Tête". D'où le nom de cette rue, située entre la rue des Trois Cailloux et la rue des Jacobins : rue des Cornus sans Tête. CQFD. Ce qu'il fallait démontrer. Sauf que...
Une autre source, un autre historien, Pinsard, indique, lui, qu'un homme, le corps complétement nu, et sans tête, a été retrouvé un jour en ce lieu, assassiné, décapité, et donc dépourvu de vêtements.
"Corps nus", en deux mots, ou "Cornus", en un seul, pas facile de savoir de quel côté se trouve la vérité de l'histoire.
Moralité, si pour passer de la rue des Jacobins à la rue des Trois Cailloux, vous traversez la rue des Cornus sans Teste, gaffe à vous, surtout si, à hauteur de vos épaules, vous sentez soudain comme des bois vous pousser, des bois de cerf... Alors, rentrez vite chez vous, car... aucun doute, en vous, le Cornu n'est pas loin.
© Jean-Louis Crimon
Chronique écrite à la demande de France Bleu Picardie et diffusée le 12 novembre 2019, à 6 heures 20 et à 16 heures 20.