Je dois être en classe de troisième. Lycée Lamarck d'Albert, à l'est d'Amiens. Somme. Picardie. Cette année-là, je décide que j'ai trois poètes préférés: Villon, Ronsard, Verlaine. Rien de moins. Rien de mieux. Chaque soir, après avoir rapidement rempli les obligations de travaux scolaires parfaitement inintéressants, dans la salle d'études des internes, en silence, même si ça chante dans ma tête, je compose, j'écris, je crie. Ma révolte et mon amour. Mon nom de plume est d'un ridicule consommé, mais il est la synthèse de mes trois poètes préférés: VIRONLAINE. Villon, Ronsard, Verlaine. Au bahut, même quand on joue au foot, dans la cour de récré, c'est vite devenu ma véritable identité. Je me souviens de mon premier poème. Une chanson d'un chevalier à sa Dame. Trouvère ou troubadour, c'est le métier que j'aimerais faire, ai-je dit au professeur principal, dès le premier trimestre. Problème : dans le dossier d'orientation, après le BEPC, le Brevet, ces professions-là ne sont pas indiquées. J'ai demandé comment faire. Le prof principal a éclaté de rire. Il a dû dire quelque chose comme "Cherchez pas, Trouvère, vous trouverez pas, ça n'existe pas, ça n'existe plus, on n'en a pas besoin dans la société d'aujourd'hui !" Puis, il a éclaté de rire.
M'a déçu, mon prof principal. Lui que je trouvais bien, je l'ai trouvé "moins bien". Je me suis dit : on n'a pas le droit de décevoir un élève qui veut être Trouvère. J'ai maintenu mon choix d'orientation. J'ai redoublé... d'efforts. Dans l'étude solitaire de la maîtrise de l'art des rythmes et des rimes. Au fait, le titre de mon premier poème, c'était Ma Dame, tout simplement. On le relit ensemble ?
Ma Dame
Souvent la nuit, je m'éveille,
Cherchant en vain le sommeil,
Je pense. Je pense à vous Ma Dame,
Je vous vois près de la flamme,
Dans votre château vous chauffant,
Tandis qu'au dehors souffle le vent.
Il y a deux autres strophes, qui parlent de songe et de mensonge, mais je ne m'en souviens pas précisément. Le texte avait été publié dans un journal qui devait s'appeler Facettes. 1965/1966. Qui retrouvera ce journal qui contient mon poème ? Ma première parution.