Nicolas Sarkozy a affirmé ce matin, à la télévision, avoir "une idée assez précise" du Premier ministre qu'il (se) choisirait s'il était réélu à la Présidence de la République. Le Président-candidat n'a pas exclu -adorable euphémisme- de révéler le nom de ce possible futur Premier ministre entre les deux tours de la présidentielle. Délicatesse extrême.
Interrogé sur la possibilité qu'il puisse s'agir de François Bayrou, candidat du MoDem, Nicolas Sarkozy a répondu, pour une fois, avec une rare sagesse. Un sens de la mesure indéniable. En substance : La question de Monsieur Bayrou, nous verrons après le premier tour. Il faut d'abord voir ce qu'ont dit les Français. Car le choix du Premier ministre ne peut être totalement éloigné de ce qu'auront dit les Français. Ni indifférent à ce qu'auront dit les Français. Pas indifférent au sentiment majoritaire qui aura été exprimé. On doit en tenir compte. Je dois en tenir compte. C'est pourquoi, le nom du Premier ministre je ne le dirai pas avant le premier tour. En aucun cas.
Pas mal du tout. Pas mal du tout comme approche du problème. En cas de réélection. Mais cela suppose de prendre en compte une autre réalité. La réalité de ce que pensent vraiment, aujourd'hui, au fond, les Français. Il semble que les Français aient aujourd'hui, eux aussi, "une idée assez précise". Problème : il s'agit d' une idée assez précise de qui ils ne veulent plus à l'Elysée. Mais il semble bien que cette idée-là, même si c'est aussi une idée assez précise, du côté de ceux qui l'expriment, soit encore un peu floue dans la tête de celui qui risque de ne pas être réélu.
Ainsi, pour l'instant, le plus naturellement du monde, Monsieur Sarkozy, après s'être acheté, pour pas très cher, Boutin, Morin, Nihous, sans oublier Borloo, rêve de s'acheter Bayrou. Secret de polichinelle. Au cours de cette même quinzaine du mercato présidentiel, entre les deux tours, le Président-candidat qui a vraiment les crocs, la dalle, annonce renoncer aux fameux crocs du boucher, et envisage de se réconcilier avec Villepin. Dominique de Villepin. L'ex-futur pendu n'a pas encore répondu.
Bayrou, le transfert de l'année. Bayrou, le transfert du quinquennat. Bayrou, le transfert du siècle. Bayrou qui - signe avant-coureur ou pas - n'hésite pas, belle évidence, à flinguer, avec une rare élégance, les coupables de "transhumance" : Azouz Begag et Fadela Amara. Quand on risque de devenir la chèvre du Président, on ne devrait pas avoir recours à la métaphore agricole des pâturages où l'herbe serait plus grasse. On devrait surtout s'interdire de qualifier, implicitement, de "bétail de la plaine" des animaux politiques dont on flattait il n'y a pas si longtemps le courage ou le talent. Allons, Monsieur Bayrou, un peu de tenue, un peu de retenue. Attendez de savoir, si oui ou non, vous allez, vous-même, accepter de traverser la rue. Méfiez-vous du petit Nicolas qui, vous le savez mieux que moi, a plus d'un tour dans son sac. Car, en fait, au risque de vous déplaire, quand à la télévision, de bon matin, le Président-candidat, affirme avoir "une idée assez précise" du Premier ministre qu'il se choisirait s'il était réélu, ça ne veut pas dire ce que tout le monde croit. Pour une bonne et simple raison.
En effet, contrairement à tout ce qui a pu être dit, ou écrit, là ou ici, pardon de vous décevoir, Monsieur Bayrou, si vous rêviez vraiment de Matignon, vous le maquignon, mais le Président-candidat pense, vraiment, à ... Mélenchon.
Mais oui, bien sûr, Mélenchon ! C'est exactement ce que voulait dire le Président-candidat quand il déclarait :"Le choix du Premier ministre ne peut être totalement éloigné de ce qu'auront dit les Français. Du sentiment majoritaire qui aura été exprimé."
Sarkozy à l'Elysée.
Mélenchon à Matignon !
Bien vu, non ?