© Jean-Louis Crimon Chengdu. 11 Octobre 2011.
Mairie de Paris
Direction du Développement Economique et de l'Emploi et de l'Enseignement Supérieur
Sous-Direction du Développement Economique
Bureau du Commerce et du Tourisme
8, rue de Cîteaux - 75012 Paris
Dossier suivi par : Manuel Jaffrain Paris le 11 OCT. 2011
Envoi LR/AR - avertissement
Cher Monsieur,
Vous bénéficiez d'une autorisation personnelle d'exploitation d'un emplacement de bouquiniste 41 quai de la Tournelle à Paris 5ème arrondissement depuis le 11 mai 2010.
Par un courrier électronique du 13 septembre dernier vous avez informé le Bureau du Commerce et du Tourisme de votre absence des quais jusqu'à fin janvier 2012 et de votre intention de vous faire remplacer pendant cette absence.
Depuis votre nomination, il a été constaté par mes services que votre emplacement n'était que très peu ouvert, ne répondant donc pas aux obligations du réglement municipal consultable sur www.paris.fr qui dispose notamment :
Art.7 "Les emplacements doivent obligatoirement être exploités au moins quatre jours par semaine, sauf intempéries. En cas de force majeure, ou pour les cas prévus à l'article 8, le titulaire devra faire connaître, par écrit, à l'administration, les raisons pour lesquelles il est amené à interrompre son exploitation."
Art.8 "Le titulaire doit occuper en personne son emplacement. Le titulaire pourra se faire remplacer à condition qu'il exploite personnellement au moins trois jours par semaine, dans les conditions de l'article 7. Les autres jours de ladite semaine, il pourra se faire remplacer par son conjoint, ou un parent majeur, ou un salarié. Dans tous les cas, le titulaire doit faire connaître les nom, prénoms, domicile, de son remplaçant (...)."
Aussi, je vous demande dans un délai maximum d'un mois, à compter de la réception de ce courrier, d'adresser à mes services une lettre de cessation d'activité afin que votre emplacement soit réattribué par la Ville de Paris.
Comme le prévoit l'article 11 du réglement des bouquinistes -cessation d'activité- "La présence des boîtes sera tolérée pendant un mois ferme à compter du jour de la démission pour permettre au titulaire de vendre ou de déposer ses boîtes. Au-delà de cette date, la Ville se réserve le droit de les faire déposer sans aucun recours du titulaire, et selon les prescriptions de l'article 8, dernier alinéa."
Dans l'hypothèse où vous souhaitez vendre vos boîtes, vos coordonnées pourront être transmises à l'Association Culturelle des Bouquinistes des Quais de la Seine afin de faciliter vos démarches.
Je vous prie de recevoir, Cher Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Laurent Ménard
Directeur
J'étais à Chengdu, en Chine, où j'enseignais le français, pour un semestre, à l'Université Normale du Sichuan, quand j'ai reçu, par mail, copie de cette Lettre. Lettre Recommandée avec Accusé de Réception. J'ai dû en lire le contenu une dizaine de fois avant de me persuader qu'il fallait bien y apporter réponse. Ma réponse. Une réponse avec un titre. Un bon titre. Pour être lu, pour avoir une chance d'être lu, -je sais ça de mon ancien métier-, il faut un bon titre. Le titre, je le voulais style polar urbain, revisité par un Simenon contemporain. Quelque chose comme : Mise à mort d'un bouquiniste en son absence. D'autres possibilités, plus classiques, comme Tentative de meurtre social, Exécution sommaire, Assassinat réglementaire, ou encore Mort administrative me paraissaient jouables, mais par trop générales.
La rédaction et le ton de la lettre recommandée ne me semblent, aujourd'hui encore, guère "recommandables". Je me demande toujours comment au pays de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, au siècle XXI, on peut encore s'adresser de cette façon à une personne sans même avoir cherché à l'entendre d'aucune façon. Au moins pour une demande d'explication. Pour recueillir quelques informations. Quelques précisions. Mes consoeurs et confrères bouquinistes m'ont dit que nous étions plusieurs à être "dans le collimateur" de la Mairie. Quand au ton et au style de la lettre, ils m'ont simplement dit, à peine étonnés : "c'est le ton de l'Administration !"