Cet après-midi là, il n'avait guère travaillé. Les promeneurs étaient trop à la promenade. Certains s'étaient attardés à feuilleter son étal, mais sans manifester une grande attirance pour un titre ou pour un auteur. Quelques mots échangés parfois, sans plus. Vous chercher un ouvrage en particulier ? Un auteur ? Un titre précis ?
Presque à chaque fois, la réponse était la même: non, rien de précis, je regarde.
Pour relancer, par jeu, il avait testé: "vous savez, c'est très simple, quand on cherche, souvent, on ne trouve pas", ajoutant, après un court silence "mais, curieusement, quand on ne cherche pas, on trouve !"
La formule avait amusé. Suscité même quelques commentaires enrichissants. Enrichissants, pour la formule. Mais rien à voir avec la formule de l'enrichissement.
A la fin, juste avant de commencer le rituel de la fermeture et des cadenas qui cadenassent les boîtes vertes, il avait pris trois livres, de formats différents, avec des couleurs assez vives en couverture, et, assis sur le parapet, il agitait la main levée sur fond de Seine en contrebas: qui les veut, mes livres ? Sourire amusé des dernières passantes du soir. Désintérêt évident de leurs maris ou compagnons. Le bouquiniste reste seul, désemparé. A la main, son bouquet de bouquins.