Paris. Quai de la Tournelle. 23 septembre 2012. © Jean-Louis Crimon
Instant fugace. Qui passe comme elle passe. Je la trouve jolie. Elle s'arrête. Feuillette un de mes ouvrages. Le repose. En prend un autre. Le remet en place. Puis s'en va, d'un pas déterminé. Jusqu'au bout du quai. Au loin. Trop loin. Je pense qu'elle ne reviendra pas. Elle est passée. L'instant est passé. Il s'en est allé avec elle. Evanoui. Dommage. L'ensemble faisait une belle image.
Plus tard, plus loin, au loin, on dirait qu'elle fait demi-tour. Elle revient sur ses pas. Je l'aperçois qui revient. Elle repasse. Elle revient. Je n'en crois rien. Elle a l'air pressé. Elle arrive à ma hauteur.
Dans ma poche, mon boîtier Nikon. Je n'ose. Elle pose. Elle propose. Ce geste délicat de la main sous le menton. Subtile mise en valeur de l'ovale parfait du visage. Une vraie pro. Une pro de l'impro. Touchée par la grâce. Une seule crainte : qu'elle ne me dise, bien en face, monsieur, efface !
Elle ne dit rien. Elle n'en fait rien. Poursuit son chemin. J'ai volé l'image. Sans dire un mot. Elle n'a rien dit non plus. Elle est d'accord. Incroyablement complice.
Elle devient le pendant très romain du visage du roman de Françoise Chandernagor La première épouse. En bas, à gauche de la photo. Clin d'oeil extraordinaire. Symétrie parfaite.
Je la regarde. Elle me regarde. Mais c'est la dame de la couverture du livre qui nous contemple. Le triangle des regards restitué par l'angle de la prise de vue. La photo, c'est souvent voir ce qui ne se voit pas.