Un roman de Georges Simenon commence sur le quai. L'Enterrement de Monsieur Bouvet. Intéressant au plus haut point de repérer le cadrage toujours très cinématographique de l'écriture de Georges Simenon. Texte écrit en février 1950 et publié aux Presses de la Cité en juin 1950. Réédité, cet été, par Pierre Assouline et Le Monde. Pierre Assouline qui a cette jolie formule "Le Paris de l'Enterrement de Monsieur Bouvet est celui des quais des bouquinistes, où, le romancier ne l'a jamais oublié, le fleuve coule entre des livres."
Le fleuve coule entre les livres. Superbe formule pour les marins en partance que sont, à perpétuité, les bouquinistes. Casquettes au vent, debouts devant leurs ambarcations de fortune. Souvent pour pas une tune. Déchirés entre deux attirances : l'ancre et... l'encre. Un jour, je mettrai mes boîtes sur une péniche et je m'en irai vendre au fil de l'eau. Je léverai l'ancre. Mais c'est une autre histoire...
Pardon, mais je vais zapper volontairement les quatre premiers paragraphes du début du roman de Simenon et je taille allégrement ce qui ne concerne pas directement notre sujet. Tout en vous invitant à lire au plus tôt, dans son intégralité, ce roman de Simenon, et, bien sûr, dans l'édition de votre choix.
Lecture.
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"Une brise légère communiqua un frémissement au feuillage d'un marronnier, et ce fut, tout le long des quais, un frisson qui gagnait de proche en proche, voluptueux, une haleine rafraîchissante qui soulevait les gravures épinglées aux boîtes des bouquinistes.
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"Le vieux monsieur à la veste claire avait ouvert un carton rempli d'images et, pour les regarder, appuyé le carton sur le parapet de pierre.
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"La marchande, assise sur un pliant, remuait les lèvres, sans regarder son client, à qui elle parlait comme une eau coule. Elle tricotait. De la laine rouge glissait entre ses doigts.
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"Il y avait d'autres boutiquiers, sur des pliants, et d'autres encore qui arrangeaient les livres dans leurs boîtes, car il n'était que dix heures et demie du matin. On voyait l'heure, deux aiguilles noires, sur le cadran blanc de l'horloge, au milieu du pont.
- Monsieur Hamelin ! Venez-vite !
C'était le bouquiniste voisin, aux grosses moustaches et vétu d'une blouse grise. L'étudiant au Leica avait braqué son appareil sur le vieux monsieur couché parmi les images d'Epinal.
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"La bouquiniste, Mme Poncet, qui avait soixante-cinq ans, restait au premier plan.
- Je vais téléphoner pour l'ambulance municipale, disait le sergent de ville.
- Ce n'est pas la peine. Il habite à deux pas.
- Vous le connaissez ?
- Depuis des années. C'est M.Bouvet, un bon client. Il habite un peu plus loin, quai de la Tournelle, la grande maison blanche où il y a un marchand de musique au rez-de-chaussée."