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6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 18:26

 

C'est fait. Ou presque. C'est officiel. Ou presque. Sarkozy est battu. Hollande est le nouveau Président. Le septième Président de la République Française. Le septième Président de la Vème  République. C'est "presque" fait. Dans quatre minutes trente... Dans trois minutes... Dans deux... La télévision s'accroche à cette coutume audiovisuelle d'un autre âge. Hypocrise garantie. Aspect officiel-émotionnel maintenu. Pour un rituel convenu. Même si la France des réseaux dits sociaux sait déjà. Depuis une heure ou deux. Ou davantage. Enfin... c'est comme ça.

20 heures ! Premières estimations : Hollande : 51,90 %, Sarkozy :42,10 %.  Estimations "officielles". Bien avant 20 heures, sur la 2, David Pujadas rame comme un fou pour essayer de maintenir un peu de suspens, mais les images de Solférino sont d'une telle évidence que l'artifice du "dimanche 6 mai, 20 heures", comme moment officiel de l'annonce, s'avoue un peu "éventé". Dépassé. Anachronique. Les images de la Concorde déserte,ou déjà déserée, sont aussi très "parlantes". Les médias officiels font semblant, mais l'info, officielle ou pas, est déjà connue. 

Vers 17 heures, les fans de Twitter twittent à qui mieux mieux : "Radio Londres : 5 consonnes et trois voyelles". Le message est clair. Variante : Les Pays-Bas l'emportent sur la Hongrie. Plus précis : 52 % de remise sur le gouda.

 

A l'Elysée, RTB ou Radio Suisse Romande, RG ou pas, en comité restreint, Nicolas Sarkozy a déjà déclaré qu'il était le seul responsable de l'échec. Qu'il ferait tout pour maintenir l'unité de sa famille. Sans pour autant conduire la bataille des législatives. Faut comprendre. L'homme est un homme de parole. D'honneur aussi :"Si je perds, j'arrête la politique !"

20 h 20, Mutualité : Discours de Nicolas Sarkozy. Discours très classe. Très clair. Le battu fait face. Ne tergiverse pas. Comme si, soudain, la défaite, le rendait plus humain. 

"Le peuple français a fait son choix. Sifflets de la Mutualité...Je vous demande d'écouter ce que j'ai à vous dire. C'est un choix démocratique, républicain. François Hollande est le nouveau Président de la République. Je viens de l'avoir au téléphone...et je veux lui souhaiter "Bonne chance", au milieu des épreuves. Je l'ai félicité. Je lui ai souhaité bon courage."

Nouveaux sifflets. Sifflets à nouveau refusés par le Président sortant :
"Il y a quelque chose de plus grand que nous, c'est notre pays, c'est la France. Je voudrais remercier les Français de m'avoir fait l'honneur de présider aux destinées de la France, pendant ces cinq ans. Jamais je n'oublierai cet honneur. Je porte toute la responsabilité de cette défaite.Je ne suis pas un homme qui n'assume pas ses responsabilités. Il me faut en tirer toutes les conséquences...

"Quand on défend des valeurs, il faut les vivre. Laissez-moi cette liberté de dire... une autre époque s'ouvre, je resterai l'un des vôtres... ces idées, ces convictions... Après 35 ans de mandats politiques, après 10 ans de responsabilités au plus au niveau, mon engagement sera désormais différent. Au moment où je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français, je veux vous dire : jamais je ne pourrais vous donner tout ce que vous m'avez donné, vous m'avez tellement donné."

Et enfin, mots de la fin : "Soyons dignes, soyons patriotes, vous êtes la France éternelle, je vous aime, merci, bonsoir !"  

 

Pendant ce temps-là, à Tulle, au Conseil Général de Corrèze, le nouveau Président de la République peaufine son discours. Ses discours. Ses deux discours. Celui de Corrèze et celui de la Bastille. Car François Hollande a décidé de venir Place de la Bastille saluer ceux qui déjà font la fête. Des anciens d'un certain 10 mai 81 et des beaucoup plus jeunes qui n'avaient pas l'idée de ce que ça pouvait être, l'alternance. Pas l'idée. Pas le goût, non plus. Incroyable saveur d'un instant que l'on sent, confusément, historique. 

Ce soir, on renoue avec la grande histoire de la gauche au pouvoir. C'est le 10 mai 1981 qui s'en revient faire un  tour dans le siècle 21. C'est François 1er qui dit à François II : Bien joué. Puisqu'il était question de valeurs, puisque tous s'accordaient pour dire que ce n'était qu'un problème de valeurs, eh bien oui, affirmons nos valeurs, car nos valeurs ne sont pas les leurs.

 

21 h 20. Le discours de Tulle, enfin. Place de la Cathédrale. François Hollande a pris son temps.

"Les Français viennent de choisir le changement...Je mesure l'honneur qui m'est fait et la tâche qui m'attend...

J'adresse un salut répubicain à Nicolas Sarkozy qui a dirigé la France pendant 5 ans... Je suis fier d'avoir été capable de redonner l'espoir... Cette émotion doit être celle de la fierté, de la dignité... le changement que je vous propose, il doit être à la hauteur de la France, il commence maintenant...

"Ce soir, il n'y a pas deux France qui se font face. Il n'y a qu'une seule France, une seule nation réunie dans le même destin. Chacun, en France, dans la République, sera traité à égalité de droits et devoirs. Aucun enfant de la République ne sera laissé de côté... trop de fractures, trop de blessures, trop de ruptures, de coupures ont séparé nos concitoyens, c'en est fini. Le premier devoir du Président, c'est de rassembler et d'associer chaque citoyen à l'action commune pour relever les défis qui nous attendent ... la préservation de notre modèle social... la réorientation de l'Europe pour l'emploi. "Je demande à être jugé sur deux engagements majeurs : la justice et la jeunesse. J'ai confiance en la France, je la connais bien, j'ai eu l'occasion de mesurer les souffrances, les difficultés , mais aussi tous les atouts, toutes les chances de notre pays. J'ai évoqué tout au long des ces derniers mois le rêve français... la longue marche pour qu'à chaque génération nous vivions mieux, pour donner à nos enfants une vie meilleure... Servir  la République, la France, les causes, les valeurs, que j'ai portées et qui auront à être entendues ici et partout dans le monde."

 

Belles paroles. Qui tranchent avec tous ces discours de haine et de division, ces éloges de la "frontière" dans sa conception la plus sectaire. Beau discours. Tenu. Retenu. Emu. Emouvant. Beaux mots, simples et beaux comme des mots d'amour. On retrouve l'esprit de celui qui a dit un jour: "J'aime les gens quand d'autres sont fascinés par l'argent."

 

Une journée particulière. Une soirée historique. Dans le rétroviseur, des images, des séquences, d'un dimanche pas comme les autres. Matinée cependant classique, banale. Dans l'attente du premier chiffre de participation. Pour patienter, les infos rituelles du vote des deux finalistes. François Hollande a voté à Tulle, à 10 heures 32. En compagnie de sa compagne, Valérie Trierweller. 

Nicolas Sarkozy  a fait de même à 11 heures 52, au Lycée Jean de La Fontaine, dans le 16 ème arrondissement de Paris. En compagnie de Carla Bruni-Sarkozy. Un service d'ordre impressionnant. De nombreux militants et des familles qui attendent sagement. Pour une photo. Une photo de famille justement.

Midi. Premières indications sur la participation. 30,66 %. Mieux que pour le premier tour du 22 avril : 28,29 %. Un signe. Un signe, oui, mais un signe de quoi ? Le choix de Marine Le Pen de voter "Blanc" et le choix de François Bayrou de voter "Hollande" n'ont rien d'évident, de simple. Leurs électeurs peuvent, doivent, être déroutés. Comment vont-ils se comporter ? Et pour ceux qui ont déjà voté, comment se sont-ils comportés ?

 

17 heures. Second chiffre de la participation : 71,96 %. Près d'un point et demi de mieux par rapport au premier tour du 22 avril, à la même heure. 70,59 % . Sur un plan statistique, les observateurs estiment que l'on est sur une participation proche de celle de 1981.

 

Après-midi paisible, en Corrèze, pour François Hollande. Déjeuner et promenade. D'abord, un bon déjeuner composé d'un vrai repas corrèzien. Terrine de canard, côte de boeuf aux pommes de terre et, en dessert, un fraisier. Réunion à l'Elysée avec l'équipe de campagne, pour Nicolas Sarkozy. Au programme : préparation du discours de ce soir à la Mutualité.

Un visage, un nom, un Président. Edition spéciale... Les radios augmentent la cadence de la diffusion des auto-promos L'attente d'abord, puis à 20 heures précisément, estimation IPSOS.

Soirée électorale à l'heure d'Internet et dans le respect des règles officilles, rappelle David Pujadas, qui réaffirme, comme pour mieux se persuader lui-même : aucune estimation ne sera donnée avant 20 heures parce que c'est la loi et que nous respectons la loi.

Dès 16 heures, plusieurs milliers de militants se rassemblent  à Solferino. Ecran géant. Dans la cour de Solferino, impossible de progresser. Un cortège de Solferino vers la Bastille.

 

A  la Mutualité, ça siffle à volonté.  "Hollande en Corrèze, Sarkozy à l'Elysée". "Sarkozy, c'est pas fini". On annonce la venue de Nicolas Sarkozy vers 21 heures. Pour une déclaration.  Déjà, on parle des législatives. 10 et 17 juin prochains. Le troisième tour promet d'être à la hauteur des deux premiers. L'UMP espère déjà, ouvertement, un vote de "correction". Que la gauche n'ait pas tous les pouvoirs, le Sénat, les Régions... l'Elyése et le gouvernement.

 

En Grèce, les deux partis qui défendaient le plan de rigueur s'effondrent. Les Conservateurs et les Socio- Démocrates en paient le prix. La crise et la rigueur ont pour conséquences l'entrée au Parlement, à Athènes, du Parti néo-Nazi "Aube dorée", 7 % des voix : "L'heure de la peur a sonné pour les traîtres à la PatrieHonte à ceux qui nous ont traîné dans la boue !"

 

A Paris, pari perdu pour Nicolas Sarkozy. Le chef de l'Etat sortant doit se faire une raison. Lui qui affichait une énergie et un otimisme à toute épreuve, et qui rêvait d'une surprise possible, sait bien que depuis la fin de l'après-midi, tout est plié. Il n'est plus, il ne sera jamais plus Président de la République. Ses arguments n'ont pas convaincu. La stratégie de sa dernière ligne droite a trop dérouté. Dans tous les sens du terme. Au point de faire traverser la rue au patron du Modem.

Avant 20 heures, pour sauver les apparences du respect des règles et la loi électorale, les journalistes meublent comme ils peuvent. Question : Quel sera le destin du nouveau Président de la République ? Quel que soit le Président. Si François Hollande est élu ? François Hollande ne doit pas s'attendre à un état de grâce. Si c'est lui le nouveau Président, il faut sortir de l'austérité en Europe.

Une autre question, ce soir, mais il encore trop tôt : quel destin attend celui qui perd ? qui a perdu ? qui a tout perdu ? Quel sera désormais le destin de Nicolas Sarkozy ? Ce soir, personne ne pose, ni n'ose poser la question. Tout le monde s'en fout. Personne ne le sait. Bien malin qui pourrait prétendre  le savoir. Nicolas Sarkozy, lui-même, ne le sait peut-être pas. Groggy, k.-o. Classe tout de même, le sortant "sorti", dans la descente au tombeau ! Que n'ait-il été aussi classe et respectueux de l'autre, des autres, beaucoup plus tôt. Pourquoi attendre la défaite pour s'humaniser un peu. La complexité psychologique de l'individu n'a pas fini de surprendre.

Pendant ce temps-là, à la Concorde, on démonte et on remballe. A la Bastille on installe. De Tulle, François Hollande se rendra directement à la Bastille. Sans passer par Solférino.

 

La Bastille, ce soir, il faut en être. Il faut vivre l'évènement. Intensément. Non pas partisan. La Bastille en fête. C'est après minuit que le nouveau Président y arrive : "Je ne sais si vous m'entendez, mais moi je vous ai entendu. J'ai entendu votre volonté de changement. Merci de m'avoir permis d'être votre Président de la République."

Jean-Luc Mélenchon, plus tôt dans la soirée, a estimé qu'avec l'élection de François Hollande, les Français ont brisé l'attelage austéritaire Merkel-Sarkozy. Un beau message aux Européens. Aux Grecs et aux Italiens. Aux Espagnols et aux Portugais. Et d'abord aux Allemands.

Au milieu de ces dizaines de milliers de citoyens, certains, surtout certaines, une rose à la main, comme en 81, rassemblés, réunis, agglutinés, Place de la Bastille, j'écoute la voix de fraise des bois, et je me dis, tout, bas, qu'un éléphant, parfois, ça (se) trompe énormément. Hollande a-t-il pardonné à Fabius ? Ce surnom si peu élégant.  Belle élégance, ce soir, en tout cas, pour le "Président normal". Normal, n'est-ce pas ? La moindre des choses. "Nous devons faire de cette victoire, non pas la victoire de la revanche, de la rancoeur, de la rancune, mais une belle victoire."

Celui que certains observateurs qualifient de "Pompidou de gauche" est un homme droit. Normal, quoi.

 

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