Paris. Quai de la Tournelle. 23 sept.2012. © Jean-Louis Crimon
D'abord, le gris du ciel. Façon de nous dire que, cette fois, l'été, c'est fini. Bien fini. Même la Seine, tout en bas, joue sa grise. Je ne la reconnais pas. Elle a vite tourné la page du Paris plage. Désormais classique parmi les classiques des romans de l'été. La Seine joue sa grise. Hier encore, dorée, argentée, irisée. Si belle à contempler dans les rayons joueurs du soleil. Qui se fait des marelles de lumière dans les feuilles des platanes. Terre. Ciel.
Cette fois, l'astre divin fait son grand timide. Je le trouvais plus arrogant cet été. Quand il prétendait nous jouer l'air de la canicule. L'automne sonne à peine la rentrée que, déjà, le cercle de feu se la joue modeste.
Heureusement, ça ne dure pas. Très vite, il revient nous la couler douce. Les nuages n'étaient que de passage. Comme les passants. Passants de l'après-déjeuner, promeneurs bibliophiles, touristes en mal d'exotisme. Photographes de photos-souvenir chez les bouquinistes guettant le chaland. Chacun goûte la douceur du premier dimanche d'automne. Saveur particulière.
Julien, mon voisin, est d'une humeur morose : L'été prochain, sûr, j'arrête ! J'voyais pas ça comme ça ! Les gens sont chiants. Tu leur fais un prix. Moi, je brade facile. Ils te disent qu'ils vont chercher de l'argent et ils ne reviennent jamais.
C'est vrai, c'est agaçant cette façon de ne pas savoir dire non. De ne pas être direct : Ce livre ne m'intéresse pas. Il n'est pas pour moi. Cette façon de dire on repassera ! alors que la personne sait pertinemment qu'elle ne reviendra pas. Jamais.
Il a raison, Julien, la petite dame de dimanche dernier, celle qui m'a planté, comme ça, d'un coup, d'un seul, vers 18 heures, en me disant Je file, sinon j'vais être en retard à la messe, celle qui m'avait dit Promis, je reviendrai dimanche prochain, ce n'est pas un Adieu, c'est un Au revoir ! eh bien, cette petite dame là, aux cheveux tout blancs, n'est pas revenue ! Le livre qu'elle me promettait d'acheter Au risque de l'Esprit, risque de dormir encore un paquet de jours et de nuits dans mes boîtes. Mis de côté pour elle, il peut l'attendre encore de plus belle. Il a raison, Julien, bouquiniste, c'est un métier de chien. Preuve : à la banque, le bouquiniste est souvent aux abois.
Dernier rayon de soleil dans la lumière du soir de ce premier dimanche d'automne, le regard d'une jolie blonde. Un beau regard. Un regard comme un cadeau. Un regard qui semble vous envelopper. Un regard qui se pose soudain sur vous. Sans savoir vraiment si c'est bien vous que ce beau regard regarde. Si c'est votre personne. Ou si c'est simplement la forme de la monture de vos nouvelles lunettes qui intrigue la jolie passante.
Ne vous moquez pas. Ne me jugez pas aussi indigne de ce beau regard là. Ne me jugez pas si moche. A ce moment-là, j'avais, j'en suis presque sûr, mes lunettes... dans ma poche.