Parfois, l'un d'entre nous, confie, discrètement "jeudi, c'est mon anniversaire !", ajoutant "je fais un pot, l'après-midi, devant mes boîtes ! Je t'invite ! "
Sur huit mètres de trottoir, entre les passants qui font semblant de ne pas voir, on fait péter des bouchons de boissons pérignoniennes et l'on s'embrasse à l'ancienne. On se dit des mots d'amitié simple. Des mots d'amour vrai. Trente-six années sur le quai, tu imagines, c'est trente-six anniversaires fêtés comme ça, en plein air. Sous le soleil du mois d'août. Sous les nuages ou sous la pluie. Une voisine du Boulevard Saint-Germain, qui a gardé la main, a fait un clafoutis aux cerises et aux amandes. Délicieux. Les bulles du champagne pétillent dans des gobelets en plastique. C'est kitsch et magique. Dans la pleine page de la ville, dans la pleine page de la vie, le bouquiniste, assurément, je meurs si je mens, est à tout jamais dans la marge. Sans être barge. En retrait, en recul, témoin permanent, acteur discret, observateur attentif, et de temps à autre, observé par des passantes, intriguées, pour ne pas oser être intrigantes.