Mario n'est pas venu reprendre possession de son bien, comme promis, en début d'après-midi. L'ai attendu en vain. Après-midi plutôt calme. Neuf euros de recette. Deux livres vendus. Zéro pour mon voisin. Y'a des jours comme ça. Dans le milieu, ça se dit, fin juillet ou pas, mercredi est un mauvais jour. Souvent un jour creux.
Repris avec Julien, pour passer le temps, notre conversation de la semaine dernière. Ecrire ou pas. Ecrire ou ne pas écrire. Publier ou ne pas publier. Marrant de voir nos points communs et nos divergences redoutables. Mario s'est pointé vers 19 heures. Juste au moment de la fermeture des boîtes. Julien a dit : J'l'aurais parié. Va encore te laisser ses bagages en consigne. Mario est arrivé en trottinant par Montebello et le début de la Tournelle. Eclatant de rire bien avant d'être à notre hauteur. Faisant tournoyer sa béquille dans l'air comme s'il moulinait de son épée avant de transpercer l'ennemi. Vrai Sancho Pança d'un Don Quichotte qui battrait le bitume. Pour mettre en déroute les moulins à vents automobiles.
- Offre l'hospitalité à mes sacs encore une nuit. Demain, promis, à deux heures et demi, j'te débarasse !
- T'as intérêt, Mario, ou j'te fais banquer les arriérés de loyer ! Simple : si t'es pas là, confiscation de la marchandise !
- Tu f'rais pas ça, toi !
- Bien sûr que non, Mario ! Dans mes boîtes, y'aura toujours une petite place pour toi !
J'ai dit oui à Mario. Pour une nouvelle nuit. Sans doute pour une nouvelle journée aussi.
En guise de remerciement, m'a balancé un joli paquet cadeau de mots bien ficelés. Des mots bien à lui. M'a dit, tout à trac : "Moi, j'suis un démuni de la vie, j'ai même pas la santé ! Des gars comme nous, c'est grâce à des humains comme toi, qu'on meurt pas !"
Touché plein coeur.
L'est reparti, Mario, claudiquant de la béquille. Tout heureux du nouveau contrat. Comme si ce sursis d'une nuit le maintenait en vie. Au moins jusqu'à demain. Demain midi. Toujours ça de pris.