"14 juillet des bouquinistes
C'est le défilé des touristes,
Sans fin, on passe en revue,
Les vieux livres et les revues,
A la fin, c'est le bouquiniste
Qui est ... d' la revue !
"Un instant, on s'arrête,
On ouvre, on feuillette,
On cause, on s'renseigne,
O la belle enseigne,
Puis le livre on pose ou on jette
Rarement on... achète !
"Semblant d'un renseignement,
Oui, promis, mais on ment,
Sûr, ce soir, on repassera,
On vous promet qu'on reviendra,
Mais en fait, c'est la fête, le soir,
C'est trop bête, on va s'asseoir
"En terrasse, on prend un verre,
D'eau fraîche, de vin ou de bière,
C'est pas donné, mais ça désaltère,
Sauf que l'argent du livre est par terre
Le prix du bouquin, on oublie,
Bouquiniste, tu boieras jusqu'à... la lie.
J'étais sur le quai, fredonnant, obstinément, les paroles absurdes d'une chanson obsédante, impossible à écrire, quand, derrière moi, un gamin de quinze ans s'est exclamé merveilleusement "Ô Chateaubriand !" D'un geste précis, il a montré à sa mère la biographie de Ghislain de Diesbach, publiée chez Perrin.
Sa mère, spontanément: "tu veux que je te l'offre ?" Le garçon, déjà très mûr, sourit et dit "Faut peut-être que je commence par lire ce qu'il a écrit !"
Du coup, je manque une vente, mais trouve superbe la réponse du jeune lecteur. Guillaume de son prénom, élève de 3ème. En seconde l'an prochain. Sa petite soeur, Pauline, qui vient de boucler sans enthousiasme sa sixième, caresse un instant le beau visage de Chateaubriand. Reproduction d'un tableau célèbre. Pour rire, je lui lance :"tu vois, en ce temps-là, les photographes, tiraient vraiment le portrait. Le visage de Chateaubriand, c'est l'oeuvre d'un peintre !"
Et Pauline, très belle et très vive, de dire dans un beau sourire: "ça fait super longtemps que j'ai pas touché un livre !"
Cet après-midi de Fête Nationale, sûr, j'ai pas gagné grand chose, mais sûr aussi, j'ai gagné deux lecteurs à la cause !