Mon nouveau voisin sur le quai est vraiment un type étonnant. Sa passion: les plans. Dès son arrivée, la semaine dernière, il m'a dit: Moi j'étudie les plans. Il a ajouté: De Paris, de Rouen, de Calais, de Dunkerque ou d'Amiens, de Londres ou de Berlin, de toutes les villes de France ou d'Europe. Les plans anciens, c'est vraiment fabuleux, regarde-moi ce plan de Paris à l'époque où la banlieue n'existait pas encore !
Photocopie laser de l'original, qu'il garde bien au chaud, chez lui, et le tour est joué: le nouveau bouquiniste, ancien taxi de nuit, a trouvé son créneau: vendre des reproductions couleurs de plans anciens: Paris 1936, Strasbourg 1913, Berlin 1940, Milan 1949.
5 euros les grands, 3 euros les petits. Sûr, pour lui, un bon plan. Le commerce semble florissant. Pas de quoi pourtant gagner des mille et des cents. Juste des amis ou des complices dans cette lubie qui en vaut d'autres. Quand la collection solitaire s'ouvre aux autres, c'est bon signe. Signe d'une envie moins égoïste. D'une envie de partager sa passion. Celle des plans. Les noms de rue, la manière dont ils changent ou évoluent, les rues qu'on débaptise ou qu'on rebaptise, au gré des révolutions ou des changements de régimes, voilà ce qui intéresse au plus haut point le collectionneur de plans. Son projet, pour ne pas dire son plan : écrire quatre livres sur les plans. Premier tome: les plans de Paris. Deuxième tome: les plans des villes de France. Troisième tome: les plans des villes d'Europe. Quatrième tome: les plans des villes du monde. Une oeuvre gigantesque. Mais l'homme est ambitieux. Ambitieux et passionné. Mieux : passionnant.
Il m'expliquait tout ça, mon bouquiniste de voisin, avec l'enthousiasme modeste des autodidactes quand un trio de jolies blondes allemandes a demandé d'une seule voix Berlin. Il a couru vers elles, me plantant net devant mes boîtes. Vrai: le drôle, il m'a laissé ... en plan.