© Jean-Louis Crimon Paris. Plateau Beaubourg. Début des années 80.
C'était le plus gentil des harangueurs. Le plus insolite des prêcheurs. Bénissait la foule de ses fidèles avec une balayette. Avait toujours une phrase ou un mot chouette. Un mot rigolo. Jamais un de trop. Le regard ironique derrière ses lunettes plutôt comiques. Commentait l'actualité. A sa manière. Sans manière. Sans façon. Plutôt bon garçon. Toujours caustique. Sainte horreur de l'encaustique. Ne cirait les pompes de personne. D'ailleurs, pas souvent les siennes. Son journal "Le Mouna Frères" se voulait "Le Journal le Moins Lu de la Presse Sporadique". Mouna. Aguigui Mouna. Alias André Dupont. Dupont, mais pas de Nemours, comme aimait à dire celui qui se baptisa, un beau jour, Mouna.
Dans mes boîtes de bouquiniste, j''ai quelques exemplaires de son journal Humaniste, Poétique, Insolite et Philosophique. Sur le banc, je feuillette le n° 0007 du 4ème trimestre 1965 et j'ai aussi le MOUNA'LMANACH de 1965. Un 32 pages sidérant. Par exemple, page 7, une contribution de Jean Rostand titrée : Hiroshima, jamais plus. Jean Rostand et Mouna, deux pacifistes convaincus.
Dans le Mouna'lmanach, à la Une, cette déclaration d'intention en forme de charte éditoriale:
" Le journal ANTI-ROBOTS !...
Rien sur le tiercé ! Rien sur l'horoscope !
Rien sur les porte-clés ! Rien sur Mireille !
Rien sur la dernière tentative de suiscide de la vedette !...
Il n'y a rien !
Si ! Faut rigoler,mais foutez-nous la paix ! "
Deux citations en prime. Antidéprime aussi. Mouna adorait les citations.
TERENCE : Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m'est étranger.
UNAMUNO : Je me propose d'agiter et d'inquiéter les gens, je ne vends pas le pain, mais la levure.
Mouna faisait du journalisme. A sa façon. Sans façon. Une forme de journalisme qui a, aujourd'hui, complètement disparu. Dommage. Le temps des harangues avait une certaine tenue.