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24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 18:09

 

Belle journée d'été. Beau ciel bleu. Trente degrés à Paris. Longtemps qu'on n'avait pas vu ça. On en avait assez de toutes ces semaines de pluie. Paris au soleil, c'est plus joli. Plus agréable aussi. Pour les coeurs et les corps. Cette fois, Paris plage mérite son sable et son budget impensable.

Julien, lui, est un peu chagrin. N'aime pas la chaleur, mon voisin. Ah, faut se mettre à l'ombre aujourd'hui et pas trop bouger ! Combien y z'ont dit30 degrés ! ça va chauffer !

Mario, un de ceux qui arpentent le quai, hiver comme été, d'énormes sacs de livres au bout de chaque bras, laisse tomber son fardeau à nos pieds. Allez-y, j'fais des prix ! Trop lourd pour aujourd'hui. Veux pas traîner ça avec moi jusqu'à ce soir.

Nul ne sait où Mario s'en va chiner ses bouquins. Personne ne sait d'ailleurs vraiment qui il est ? D'où il vient ? Deux ans qu'on se connaît. Sans se connaître vraiment. Me pose pas de questions, m'a-t-il prévenu, dès le début. L'a un côté Slave, Mario. Ukrainien. Ou Russe. Ou Grec. Une barbe de pâtre Grec. Mario vend ses Poches un euro. Le tout venant à deux euros. Une biographie d'Arafat, trois euros. L'Aiguille creuse, de Maurice Leblanc, Gallimard/1000 Soleils, quatre euros. Dans ses sacs, pour qui veut bien se donner la peine de fouiner un peu, on peut parfois trouver des titres ou des auteurs intéressants. Des livres peu courants, sinon des raretés. Eloge de la fuite, Henri Laborit. Les fiancés de Pénélope, de Mikis Théodorakis, chez Grasset. 1975. Préface de François Mitterrand. Un 10/18 recherché, selon lui, Morituri te salutant. César, ceux qui vont mourir te saluent. Mario a bien failli mourir en janvier dernier, tout seul sur un banc. AVC. Pas Ave César ! AVC. Accident Vasculaire Cérébral. Bras droit complétement paralysé. Incapable de retirer le bras, son bras, de la manche de son manteau. Pouvait plus se lever. Pouvait plus marcher. Hospitalisé aux urgences. Hôtel-Dieu. Puis Cochin.

Plusieurs semaines sans pouvoir travailler. Se déplace désormais avec une béquille. Elle est où ma béquille ? dit-il en riant. Mario s'en saisit et s'en va vers Saint-Michel.

 

- Tu vas chez Boulinier ?

- Non, moi, j'vends rien chez Boulinier ! 3 centimes le bouquin, t'es fou ! J'préfère les jeter dans la Seine !

- Julien, t'achètes rien à Mario ? y'a un bouquin sur un chanteur inconnu.

- Non, j'achète plus. Trop acheté ces temps-ci. Acheter, c'est bien, mais faut vendre aussi.

 

Dialogues du petit peuple du quai. Libraires de plein air et courtiers. Sous le chaud soleil de juillet. Colporteurs des petits bonheurs de lecture. A chacun son aventure. Ou sa mésaventure. Cette fois, Mario s'en va. Bras légers. Béquille alerte. M'a demandé d'héberger ses sacs pour la nuit. Pas pu lui refuser.

 

A la fin, Julien, toujours déroutant, finit par lâcher : J'aimerais que l'ombre revienne sur le banc.

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C'est fou cela, je connais un Mario, Chilien, qui a fait un : A.V.C., mais ce n'est nullement le même, le mien est encore à l'hôpital, dans le 77. Quelle triste vue !

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