Il y a des livres pour la pluie. Des livres de ciel gris. Des livres pour la mélancolie. Des livres pour le coeur en automne. Il y a de bons livres d'hiver. Il y a des livres de printemps. Mais je ne suis pas sûr qu'il y ait des livres pour l'été. L'été, ce n'est pas fait pour lire. Ou alors le temps d'une matinée grise. Ou bien pour adoucir un soir d'orage. L'été, lire à la plage, je n'ai jamais su. Je n'ai jamais pu. A la rigueur, lire à la montagne. Je me souviens avoir lu Ainsi parlait Zarathoustra à La Chapelle-en-Valgaudemar. Nietzsche à la montagne, ça se comprend, ça s'impose. Nietzsche à la plage, non, je ne pourrais pas. Je ne pourrais jamais. Pas dans une ville de bord de mer. Ou à l'ombre des platanes, quand la fraîcheur du soir invite à s'asseoir.
Je m'étais empêtré dans mes certitudes quand la lectrice du vendredi est arrivée. Elle partait à Cannes. Pour une dizaine de jours. Elle voulait trois livres. Elle exigeait que je lui choisisse trois livres. Pas en fonction de ses goûts, mais en fonction de mon humeur, ou de mon humour, du moment. Comme d'habitude, elle était pressée. Très pressée. Très vite, j'ai trouvé les trois livres souhaités. Clair de femme de Romain Gary, L'homme de minuit de Francis Carco et Meuse l'oubli de Philippe Claudel.
Pour rire, je lui lance: je vous souhaite un peu d'ombre. Elle sourit, en faisant non de la tête. Avant de me gratifier, d'une voix claire et forte, d'un superbe octosyllabe:
Lire au soleil, c'est pas pareil.